SHÂO était le nom d’un territoire du domaine royal, correspondant à l’actuel district de Hwan-_kh_ü, Kiang Kâu, Shan-hsî. C’était l’apanage de Shih, l’un des hommes les plus capables qui apportèrent leur aide à l’établissement de la dynastie de Kâu. Il apparaît dans ce livre comme le Grand-Gardien à la cour du roi Khăng, et nous l’avons déjà rencontré dans [ p. 182 ] Les Chiens de Lü et le Coffre métallique. Il est présenté ici en rapport avec l’une des entreprises les plus importantes du duc de Kâu : la construction de la ville de Lo, non loin de l’actuelle Lo-yang, dans le Ho-nan, comme nouvelle capitale centrale du royaume. Le roi Wû avait conçu l’idée d’une telle ville ; mais elle ne fut mise en œuvre que sous le règne de son fils, et est communément attribuée à la septième année de Khăng, en 1109 av. J.-C.
Shih appartenait à la maison royale et portait bien sûr le nom de Kî. Il est appelé duc de Shâo, car il était l’un des « trois ducs », ou trois plus hauts officiers de la cour, et aussi le chef de Shâo. Tout le pays à l’ouest de Shen lui appartenait, comme tout l’est au duc de Kâu. Il fut investi par Wû de la principauté du « Yen du Nord », correspondant à l’actuel département de Shun-thien, Kîh-lî, que ses descendants conservèrent pendant neuf cents ans. C’est à Lo, alors que sa construction était en cours, qu’il composa ce livre et l’envoya par l’intermédiaire du duc de Kâu à leur jeune souverain.
L’ensemble peut être divisé en trois chapitres. Le premier contient diverses informations sur les préparatifs de la construction de Lo, d’abord par le duc de Shâo, puis par le duc de Kâu ; et sur l’occasion particulière où le premier récita les conseils qu’il avait composés, afin qu’ils soient portés à la connaissance du roi. Ces informations constituent le deuxième chapitre. Premièrement, il expose l’incertitude de la faveur divine et exhorte le roi à cultiver la « vertu de révérence » afin d’en assurer la pérennité, et à ne pas négliger ses ministres âgés et expérimentés. Il évoque ensuite l’importance et la difficulté des devoirs royaux et met en avant cette même vertu de révérence en faisant référence à l’ascension et au déclin des dynasties précédentes. Enfin, il souligne l’importance, à cette époque précoce de son règne, pour le roi de s’atteler immédiatement à la révérence ainsi décrite. Il y a un chapitre de conclusion, où le duc exprime ses sentiments loyaux et personnels envers le roi, et le but à atteindre par les offrandes qu’il envoyait alors à la cour.
Le fardeau de l’Annonce est « la vertu de révérence ». Que le roi sente seulement combien dépend de son accomplissement respectueux de ses devoirs, et tout irait bien. Le peuple aimerait et soutiendrait la dynastie de Kâu, et le Ciel lui sourirait et la soutiendrait. [ p. 183 ] 1. Au deuxième mois, le jour Yî-wei, six jours après la pleine lune, le roi se rendit au matin de Kâu à Făng [^193]. (De là) le Grand Gardien précéda le duc de Kâu pour inspecter les lieux (de la nouvelle capitale) ; et au troisième mois, le jour Wû-shan, le troisième jour après la première apparition de la lune sur Ping-wû, il vint au matin à Lo. Il devina par l’écaille de tortue les (différentes) localités, et ayant obtenu des indications favorables, il se mit à tracer le plan (de la ville).* Le troisième jour après Kăng-hsü, il conduisit les gens de Yin à préparer les différents sites au nord de la Lo ; et ce travail fut achevé le cinquième jour après Kăng-hsü.
Le jour suivant, à Yî-mâo, le duc de Kâu vint au matin à Lo et inspecta minutieusement le plan de la nouvelle ville. Le troisième jour, à Ting-sze, il offrit deux taureaux comme victimes dans les faubourgs (nord et sud) [^194] ; et le lendemain, Wû-wû, sur l’autel de l’esprit de la terre dans la nouvelle ville, il sacrifia un taureau, un bélier et un sanglier. Sept jours plus tard, le matin de Kîâ-ȝze, à partir de ses spécifications écrites, il donna ses différents ordres au peuple de Yin et aux chefs présidents des princes des domaines de Hâu, Tien et Nan. Lorsque le peuple de Yin eut ainsi reçu ses ordres, il se leva et se mit à l’ouvrage avec vigueur.
(« Lorsque les travaux touchaient à leur fin), [ p. 184 ] le Grand-Gardien sortit avec les princes héréditaires des différents États pour apporter leurs offrandes (au roi) [^195] ; et lorsqu’il rentra, il les remit au duc de Kâu, en disant : « Les mains sur la tête et la tête contre terre, je présente ces offrandes à Sa Majesté et à Votre Grâce [^196]. Les annonces destinées à informer les multitudes de Yin doivent venir de vous, à qui incombe la gestion des affaires. »
2. « Oh ! Dieu (habitant) les grands cieux a modifié son décret concernant son grand fils et la grande dynastie des Yin. Notre roi a reçu ce décret. Le bonheur qui y est associé est sans bornes, et l’anxiété sans bornes : — Oh ! comment pourrait-il ne pas être respectueux ? »*
Lorsque le Ciel rejeta et mit fin au décret en faveur de la grande dynastie des Yin, nombre de ses anciens rois sages restèrent au ciel.* Cependant, le roi qui leur avait succédé, le dernier de sa race, depuis son entrée en fonction, procéda de manière à maintenir les sages dans l’ombre et les vicieux au pouvoir. Les pauvres gens, dans un tel cas, portant leurs enfants et conduisant leurs femmes, poussèrent leurs gémissements au Ciel. Ils s’enfuirent même, mais furent de nouveau appréhendés. Oh ! Le Ciel eut compassion des peuples des quatre coins du monde ; son décret favorable [ p. 185 ] s’abattit sur nos fondateurs. Que le roi cultive assidûment la vertu de révérence.*
Si l’on examine les hommes de l’Antiquité, on constate que le fondateur de la dynastie Hsiâ était un homme de bien. Le Ciel guidait son esprit, permettait à ses descendants de lui succéder et les protégeait. Il connaissait le Ciel et lui obéissait. Mais avec le temps, le décret en sa faveur tomba à l’eau. Il en va de même aujourd’hui, lorsque nous examinons le cas de Yin. Ce même guide (de son fondateur), qui corrigea (les erreurs de Hsiâ), et dont les descendants bénéficiaient de la protection (du Ciel). Il connaissait aussi le Ciel et lui obéissait. Mais le décret en sa faveur est tombé à l’eau. Notre roi est monté sur le trône dans sa jeunesse ; qu’il ne méprise pas les personnes âgées et expérimentées, car on peut dire d’elles qu’elles ont étudié la conduite vertueuse des anciens et ont mûri leurs conseils sous la protection du Ciel.
« Oh ! Bien que le roi soit jeune, il est pourtant le grand fils (de Dieu). » Qu’il établisse une grande harmonie avec les gens du peuple, et ce sera la bénédiction du temps présent. Que le roi ne se permette pas de négliger cela, mais qu’il considère et s’émerveille continuellement du danger (de l’incertitude) de l’attachement (du peuple).
« Que le roi vienne ici en tant que vice-gérant de Dieu et qu’il assume (les devoirs du gouvernement) dans ce centre du pays. » Tan [^197] dit : « Maintenant que cette grande ville a été construite, il pourra désormais être le compagnon du grand Ciel et sacrifier respectueusement (aux esprits) d’en haut et d’en bas ; il pourra désormais, depuis ce lieu central, administrer un gouvernement prospère. » Ainsi, le roi jouira de la faveur (du Ciel) totale, et le gouvernement du peuple sera désormais prospère. »
« Que le roi soumette d’abord à lui-même ceux qui dirigeaient les affaires sous Yin, en les associant à ceux de notre Kâu. Cela régulera leur nature (perverse) et ils progresseront chaque jour. Que le roi fasse de la révérence le lieu de repos (de son esprit) ; il doit maintenir la vertu de révérence. »
« Nous devrions absolument examiner les dynasties de Hsiâ et de Yin. Je ne prétends pas savoir et dire : « La dynastie de Hsiâ devait bénéficier du décret favorable du Ciel pendant (tant d’) années », ni savoir et dire : « Elle ne pouvait plus durer. » Le fait est simplement que, faute de la vertu de révérence, le décret en sa faveur est tombé prématurément. (De même), je ne prétends pas savoir et dire : « La dynastie de Yin devait bénéficier du décret favorable du Ciel pendant (tant d’) années », ni savoir et dire : « Elle ne pouvait plus durer. » Le fait est simplement que, faute de la vertu de révérence, le décret en sa faveur est tombé prématurément. Le roi a maintenant hérité du décret, le même décret, je pense, qui appartenait à ces deux dynasties. Qu’il cherche à hériter (des vertus [ p. 187 ] de) leurs (souverains) méritants ; (qu’il le fasse particulièrement) dès le début de ses fonctions.
Oh ! c’est comme à la naissance d’un fils, où tout dépend de sa jeunesse, grâce à laquelle il pourra acquérir la sagesse, comme si elle lui avait été décrétée. Le Ciel a peut-être décrété la sagesse (au roi) ; il a peut-être décrété la bonne ou la mauvaise fortune ; il a peut-être décrété une longue période de vie ; nous savons seulement que c’est maintenant qu’il commence ses devoirs. Demeurant dans cette nouvelle cité, que le roi cultive assidûment la vertu de révérence. Lorsqu’il sera entièrement dévoué à cette vertu, il pourra prier le Ciel pour un décret durable en sa faveur.
« En tant que roi, qu’il ne se permette pas, à cause des excès du peuple en violation des lois, de gouverner par la violence et la mort ; lorsque le peuple est gouverné avec douceur, le mérite (du gouvernement) se révèle. Il appartient à celui qui occupe la position de roi de surpasser tout le monde par sa vertu. Dans ce cas, le peuple l’imitera dans tout le royaume, et son illustre gloire sera encore plus grande. »
« Que le roi et ses ministres travaillent avec une sympathie mutuelle, en disant : « Nous avons reçu le décret du Ciel, et il sera aussi grand que les longues années de Hsiâ ; oui, il ne manquera pas aux longues années de Yin. » Je souhaite que le roi, par (l’attachement des) gens d’en bas, reçoive le décret durable du Ciel. »
3. (Le duc de Shâo) s’inclina alors, les mains sur la tête et la tête baissée, et dit : « Moi, petit ministre, je présume, avec le peuple (jusqu’ici) hostile du roi et tous ses officiers, [ p. 188 ] et avec son peuple (loyal) et ami, de maintenir et de recevoir le commandement redouté et la vertu éclatante de Sa Majesté. Que le roi obtienne enfin le décret complet et qu’il devienne illustre » — je ne prétends pas travailler à cela. J’apporte seulement respectueusement ces offrandes à Sa Majesté, afin qu’elles soient utilisées dans ses prières au Ciel pour son décret durable. »*