Les mots « Prince Shih » apparaissent au début du Livre et en constituent le titre. Shih était le nom du duc de Shâo, l’auteur du Livre XII. C’est à lui que fut délivrée l’allocution ou l’annonce ici conservée, et son nom ne lui convient pas.
L’opinion commune des critiques chinois est que le duc de Shâo avait annoncé son intention de se retirer de ses fonctions en raison de son âge, lorsque le duc de Kâu l’a persuadé de rester à son poste, et que les raisons qu’il lui a exposées sont consignées dans ce livre. Il se peut que ce soit le cas, mais le langage est loin de l’indiquer clairement. Quelques expressions, certes, peuvent laisser entendre le souhait que Shih reste à la cour, mais il faut les critiquer avec une certaine violence :
J’ai divisé l’ensemble en quatre chapitres, mais les deux idées principales de ce discours sont les suivantes : la faveur du Ciel ne peut être assurée durablement à une dynastie que par la vertu de ses souverains ; et cette vertu est assurée principalement par les conseils et l’aide de ministres vertueux. Les souverains les plus habiles de Shang sont mentionnés, ainsi que les ministres grâce auxquels ils sont devenus ce qu’ils sont. Les cas de Wăn et de Wû, de leur propre dynastie, également aidés par des hommes compétents, sont cités de la même manière ; l’orateur évoque les services que les deux ducs avaient déjà rendus à leur souverain, et insiste sur la nécessité d’aller jusqu’au bout et d’accomplir des choses encore plus grandes.
1. Le duc de Kâu parla ainsi : « Prince Shih, le Ciel, impitoyable, a envoyé la ruine sur Yin. Yin a perdu sa place (au trône), que notre Maison de Kâu a reçue. Je n’ose cependant pas dire, comme si je le savais, « Les fondations demeureront toujours véritablement prospères. Si le Ciel aide la sincérité », ——— [^220]* Je n’ose pas non plus dire, comme si je le savais, « La fin se fera par nos malheurs. » Oh ! vous avez dit, ô prince, « Cela dépend de nous. » Je n’ose pas non plus me reposer sur la faveur de Dieu, ne prévoyant pas à distance les terreurs du Ciel dans le temps présent, où il n’y a ni murmure ni désobéissance parmi le peuple ;* (l’issue) est du côté des hommes. Si notre successeur actuel se révélait incapable de respecter le Ciel d’en haut et le peuple d’en bas, et mettait ainsi fin à la gloire de ses prédécesseurs, pourrions-nous, dans la retraite de nos familles, l’ignorer ? La faveur du Ciel ne se conserve pas facilement ; il est difficile de compter sur lui. Les hommes perdent sa faveur, car ils ne peuvent poursuivre et perpétuer la révérence et la vertu éclatante de leurs ancêtres. Or, moi, Tan, le petit enfant, je ne suis pas capable de redresser le roi. Je voudrais simplement le conduire à la gloire de ses pères et lui faire partager, lui qui est mon jeune protégé. Il ajouta : « Il ne faut pas se fier au Ciel. Notre seul objectif est de rechercher la prolongation de la vertu du Roi Tranquillisant, afin que le Ciel ne trouve pas l’occasion de retirer le décret favorable que le roi Wăn a reçu. »
2. Le duc dit : « Prince Shih, j’ai entendu dire qu’autrefois, lorsque Thang le couronné de succès avait reçu la nomination (au trône), il avait avec lui Î Yin, rendant (sa vertu) semblable à celle du grand Ciel ;* que Thâi Kiâ avait (le même [ p. 207 ] Î Yin), le Pâo-hăng [^221] ; que Thâi-Wû [^222] avait Î Kih [^222] et Khăn Hû [^222], par qui (sa vertu) était amenée à affecter Dieu,* et Wû Hsien [^223] qui dirigeait la Maison royale ; que Ȝû-yî [^223] avait le fils de Wû Hsien ; et que Wû-ting avait Kan Phan [^224]. (Ces ministres) mettaient en pratique (leurs principes) et affichaient (leur mérite), préservant et régulant la dynastie des Yin, de sorte que, tant que duraient ses cérémonies, (ces souverains), après leur décès, étaient assesseurs du Ciel [^225],* et que sa durée s’étendait sur de nombreuses années. Le Ciel maintint ainsi résolument sa nomination favorable, et Shang fut reconstitué en hommes. Les divers chefs de grands noms et membres de la Maison royale, occupant des emplois, conservèrent tous leur vertu et manifestèrent une sollicitude ardente (pour le royaume). Les ministres de moindre importance et les princes tutélaires des domaines de Hâu et de Tien se dépêchèrent de servir. Ainsi, tous exerçaient leur vertu et aidaient leur souverain, de sorte que, quelles que soient les affaires que lui, l’Homme Unique, avait en main, à travers le pays, une foi entière reposait sur leur justice comme sur les indications de la coquille ou des tiges de divination.*
Le duc dit : « Prince Shih, le Ciel accorde de longs jours aux justes et aux intelligents ; (c’est ainsi que ces ministres) maintinrent et régulèrent la dynastie des Yin.* Celui qui accéda le dernier au trône accordé par le Ciel fut anéanti par ses terreurs. Pensez à l’avenir lointain, et nous aurons le décret (en faveur de Kâu) assuré, et son bon gouvernement sera brillamment démontré dans notre État nouvellement fondé. »
3. Le duc dit : « Le prince Shih, autrefois, lorsque Dieu infligeait des calamités (à Yin), il encourageait de nouveau la vertu du roi tranquillisant, jusqu’à ce qu’enfin le grand décret favorable soit concentré en sa personne. (Mais) si le roi Wăn a pu concilier et unifier la partie du grand royaume que nous avons pris possession, c’est parce qu’il avait (des ministres) tels que son frère de Kwo, Hung Yâo, San Î-shăng, Thâi Tien et Nan-kung Kwo. »
Il ajouta : « Sans la capacité de ces hommes à aller et venir dans ses affaires, développant ses leçons constantes, aucun bienfait n’aurait été descendu du roi Wăn sur le peuple. Et c’est aussi grâce à la faveur déterminée du Ciel que ces hommes d’une vertu inébranlable, agissant selon leur connaissance de la redoutable majesté du Ciel, se sont donnés pour mission d’éclairer le roi Wăn et de le mener à sa haute distinction et à son règne universel, jusqu’à ce que sa renommée parvienne aux oreilles de Dieu et qu’il reçoive la nomination qui avait été celle de Yin. » Il y eut encore quatre de ces hommes qui conduisirent le roi Wû à la possession des revenus du royaume, et qui, ensuite, avec lui, dans un grand respect pour la majesté du Ciel, tuèrent tous ses ennemis. De plus, ces quatre hommes rendirent le roi Wû si illustre que sa gloire s’étendit sur le royaume, et (le peuple) proclama universellement et grandement sa [ p. 209 ] vertu. Maintenant, pour moi, Tan, le petit enfant, c’est comme si je flottais sur un grand fleuve ; avec toi, ô Shih, laisse-moi désormais m’efforcer de le traverser. Notre jeune souverain est (impuissant), comme s’il n’était pas encore monté sur le trône. Tu ne dois en aucun cas me faire porter tout le fardeau ; et si tu te relèves sans faire l’effort de combler mes lacunes, aucun bien ne découlera de notre âge et de notre expérience pour le peuple. Nous n’entendrons pas la voix des phénix [^226], et combien moins peut-on penser que nous pourrons rendre (la vertu du roi) égale (au Ciel) !
Le duc dit : « Oh ! réfléchissez bien à tout cela, ô prince. Nous avons reçu une nomination qui nous apporte une bénédiction sans bornes, mais qui s’accompagne de grandes difficultés. Ce que je vous annonce est un conseil d’une générosité généreuse. Je ne peux permettre que le successeur de nos rois s’égare. »
4. Le duc dit : « L’ancien roi a mis son cœur à nu et vous a confié toute la responsabilité, faisant de vous un guide et un modèle pour le peuple, en disant : « Secondez et aidez le roi avec intelligence et énergie ; soutenez et transmettez avec sincérité le grand décret. Pensez à la vertu du roi Wăn et plongez-vous pleinement dans ses angoisses sans bornes. »
Le duc dit : « Ce que je vous dis, ô prince, sont mes pensées sincères. Ô Shih, le Grand Protecteur, si vous pouviez seulement contempler avec révérence avec moi la décadence et les grands désordres du Yin, et de là considérer la [ p. 210 ] majesté redoutable du Ciel (qui nous avertit) ! — Ne faut-il pas croire que je dois réitérer mes paroles ? Je dis simplement : « L’établissement (de notre dynastie) repose sur nous deux. » Êtes-vous d’accord avec moi ? Alors vous (aussi) direz : « Il repose sur nous deux. » Et la faveur du Ciel nous est venue si largement : — nous devrions avoir le sentiment de ne pas pouvoir y répondre suffisamment. Si vous pouvez seulement cultiver respectueusement votre vertu (maintenant) et mettre en lumière nos hommes de grande capacité, alors lorsque vous démissionnerez (de votre poste) à un successeur dans un temps de sécurité établie, (je n’y ferai aucune objection.)
« Oh ! C’est grâce à notre dévouement à tous les deux que nous sommes parvenus à la prospérité actuelle. Nous devons tous deux poursuivre, renonçant à toute oisiveté, l’œuvre du roi Wăn, jusqu’à ce qu’elle ait magnifié le royaume, et que, des quatre coins de la mer jusqu’au lever du soleil, nul ne désobéisse à la règle (de Kâu). »
Le duc dit : « Ô prince, n’ai-je pas parlé avec raison dans ces nombreuses déclarations ? Je ne suis influencé que par l’inquiétude concernant la nomination du Ciel et du peuple. »
Le duc dit : « Oh ! vous connaissez, ô prince, les manières du peuple, comment au début elles peuvent être (tout ce que nous pouvons désirer) ; mais c’est la fin (à laquelle il faut penser). Agis en accord avec ce fait. Va et exerce respectueusement les devoirs de ta charge. »
[^228] : 207 : 1 Voir Partie IV, v, sect. 1, ch. 1, où Î Yin est appelé A-hăng, presque = Pâo-hăng.
[^233] : 207 : 3 Ȝû-yî était le onzième souverain Yin, régnant de 1525 à 1507 avant JC. Nous savons seulement de Wû Hsien qu’il était le ministre de Ȝû-yî.
[^234] : 207 : 4 Voir Partie IV, viii, sect. 3, ch. 1.