L’expression « l’établissement du gouvernement » apparaît à plusieurs reprises dans le livre, et est donc utilisée pour le désigner, à juste titre. Le sujet traité tout au long de l’ouvrage est la manière d’établir un bon gouvernement.
Certains critiques chinois soutiennent que le texte tel qu’il est est très confus, « désordonné et sans lien », et divers réarrangements ont été proposés, pour lesquels il n’existe cependant aucune autorité manuscrite. En nous en tenant au texte reçu et en le divisant en six chapitres, nous pouvons adopter un résumé de son contenu approuvé par les éditeurs du Shû, publié sous le règne de Yung-_k_ăng de la dynastie actuelle. — Au gouvernement, rien n’est plus important que le recrutement d’hommes compétents ; et lorsqu’on recherche de tels hommes, la première préoccupation devrait être de les placer aux trois postes les plus élevés. Une fois ces postes correctement pourvus, tous les autres postes auront leurs hommes compétents, et le gouvernement royal sera établi. La nomination des officiers des affaires, de la surveillance pastorale et de la loi est le thème principal de tout le Livre, et les derniers mots du chapitre 1 en sont le pouls ; on peut le sentir palpiter partout dans les pensées. Les chapitres 2 et 3 illustrent le sujet à partir de l’histoire des dynasties Hsiâ et Shang ; et le chapitre 4 montre comment les rois Wăn et Wû sélectionnèrent leurs officiers et instaura l’heureux état qui perdura encore. Le chapitre 5 expose le devoir du roi d’écarter de lui les hommes aux langues rusées ; d’employer les bons, distingués par leurs habitudes de vertu ; d’être toujours bien préparé à la guerre ; et d’être très prudent dans sa conduite en cas de litige. Le chapitre 6 semble n’avoir que peu de rapport avec le reste du Livre, et est probablement un fragment d’un des Livres perdus du Shû, qui a été ajouté à celui-ci.
Le livre appartient à la classe des « Instructions » et a été rédigé, je suppose, après que le duc de Kâu se soit retiré de sa régence.
1. Le duc de Kâu parla ainsi : « Les mains sur la tête et la tête contre terre, nous adressons nos déclarations au Fils du Ciel, le roi qui a hérité du trône. » De cette manière, tous (les autres ministres) avertirent le roi, en disant : « Votre Majesté est entourée des présidents réguliers [^237], des ministres réguliers [^238] et des officiers de justice ; des gardiens des robes (également) et des gardes. » Le duc de Kâu dit : « Oh ! qu’ils sont admirables ! Peu nombreux sont ceux-là, cependant, qui savent s’en soucier suffisamment. » [ p. 221 ] 2. Parmi les anciens qui incarnaient cette anxiété, il y avait le fondateur de la dynastie Hsiâ. Lorsque sa maison était à son apogée, il recherchait des hommes capables d’honorer Dieu dans l’accomplissement de leurs devoirs.* (Ses conseillers), lorsqu’ils connaissaient des hommes parfaitement éprouvés et dignes de confiance dans la pratique des neuf vertus [^239], osaient alors informer et instruire leur souverain, en disant : « Les mains sur la tête et la tête baissée, ô souverain, nous dirions : Qu’un tel occupe une de vos hautes fonctions ; qu’un tel soit l’un de vos pasteurs ; qu’un tel soit l’un de vos officiers de justice. Par de telles nominations, vous remplirez votre devoir de souverain. Si vous jugez uniquement sur l’apparence, et que vous estimez par là que les hommes sont bien formés à la vertu, et que vous les nommez, alors ces trois postes seront tous occupés par des individus injustes. » La voie de Kieh, cependant, était d’agir pour respecter ce précédent. Ceux qu’il employait étaient des hommes cruels, et il ne laissa pas de successeur.
3. « Après cela, il y eut Thang le Réussi, qui, s’élevant au trône, administra avec grandeur les brillantes ordonnances de Dieu.* Il employa, pour occuper les trois (hautes) positions, ceux qui leur étaient égaux ; et ceux qu’on appelait possesseurs des trois sortes de capacités [^240] déploieraient cette capacité. [ p. 222 ] Il les étudia alors sévèrement et les imita grandement, tirant le meilleur parti d’eux dans leurs trois positions et avec leurs trois sortes de capacités. Les habitants des villes de Shang [^241] furent ainsi tous amenés à l’harmonie, et ceux des quatre coins du royaume furent grandement influencés par la vertu ainsi déployée. Oh ! lorsque le trône arriva à Shâu, son caractère n’était que violence. Il préférait les hommes sévères, et qui considéraient la cruauté comme une vertu, pour partager avec lui le gouvernement de ses États ; et, au même moment, ses nombreux associés, hommes qui considéraient l’oisiveté comme une vertu, partageaient les fonctions de sa cour. Dieu le punit alors souverainement et nous permit de posséder le vaste territoire, de bénéficier du décret favorable que Shâu avait reçu (auparavant) et de gouverner tous les peuples dans leurs innombrables royaumes.
4. « Puis, il y eut le roi Wăn et le roi Wû, qui connaissaient bien l’esprit de ceux qu’ils plaçaient aux trois postes et voyaient clairement l’esprit de ceux qui avaient les trois degrés de capacité. Ainsi, ils purent les employer à servir Dieu avec révérence et les nommèrent présidents et chefs du peuple. Pour établir leur gouvernement, les trois choses qui les préoccupaient principalement étaient de trouver les hommes pour les (hautes) fonctions, les officiers de justice et les pasteurs. (Ils avaient aussi) les gardes ; les gardiens des robes ; leurs écuyers ; leurs chefs de petits départements ; leurs serviteurs personnels ; leurs divers surveillants ; et leurs trésoriers. Ils avaient leurs gouverneurs des grandes et petites villes assignés aux nobles dans le domaine royal ; leurs hommes d’art ; leurs surveillants dont les fonctions étaient hors de la cour ; leurs grands historiographes et leurs chefs de départements, tous de bons hommes d’une vertu constante.
« (Dans les États extérieurs) il y avait le ministre de l’Instruction, le ministre de la Guerre et le ministre des Travaux publics, avec les nombreux officiers qui leur étaient subordonnés. Parmi les tribus sauvages, telles que les Wei, les Lû et les Khăng [^243], dans les trois Pô et aux cols dangereux, ils avaient des gardiens.
Le roi Wăn sut s’imposer l’esprit de ceux qui occupaient les trois hautes fonctions, et c’est ainsi qu’il établit ces officiers réguliers et ces pasteurs surintendants, de sorte qu’ils étaient des hommes compétents et vertueux. Il n’apparaissait pas lui-même dans les diverses notifications, les litiges et les mesures conservatoires. Là, se trouvaient les officiers et les pasteurs (pour s’en occuper), à qui il enseignait (simplement) à obéir (à ses souhaits) et à ne pas désobéir. (Oui), quant aux litiges et aux mesures conservatoires, il (semblait) ne pas prétendre les connaître. Il fut suivi par le roi Wû, qui mena à bien son œuvre de colonisation et ne prétendit pas remplacer ses hommes justes et vertueux, mais adhéra à ses plans et employa, comme auparavant, ces hommes. C’est ainsi qu’ils reçurent ensemble ce vaste héritage. 224] 5. « Oh ! jeune fils, roi, qu’il nous appartienne désormais d’établir le gouvernement, de nommer les (hauts) officiers, les officiers des lois et les pasteurs ; qu’il nous appartienne de savoir clairement quelles sont les voies naturelles de ces hommes, puis de les employer pleinement au gouvernement, afin qu’ils puissent nous aider à gérer le peuple que nous avons reçu, et à mener harmonieusement tous les litiges et mesures de précaution. Et permettons à d’autres de s’interposer entre nous et eux. (Oui), dans chacune de nos paroles et de nos discours, pensons à (ces) officiers de pleine vertu, pour diriger le peuple que nous avons reçu. »
« Oh ! Moi, Tan, j’ai reçu ces excellentes paroles d’autrui [^244], et je te les dis toutes, jeune fils, le roi. Désormais, ô fils accompli (de Wû), petit-fils accompli (de Wăn), ne te trompe pas en ce qui concerne les litiges et les mesures de précaution ; laisse les officiers compétents les gérer. Depuis toujours jusqu’au fondateur de Shang, et jusqu’au roi Wăn de notre Kâu, en établissant le gouvernement, lorsqu’ils nommèrent des (hauts) officiers, des pasteurs et des officiers des lois, ils les installèrent à leurs postes, et leur permirent de déployer leurs talents ; remettant ainsi la réglementation des affaires entre leurs mains. Dans le royaume, il n’y a jamais eu d’établissement de gouvernement par l’emploi d’hommes à la langue astucieuse ; (avec de tels hommes), à moins d’être vertueux, jamais un gouvernement ne peut se distinguer au monde. Désormais, pour établir le gouvernement, ne fais plus appel à des hommes à la langue bien pendue, [ p. 225 ] mais recherche de bons officiers et incite-les à employer tous leurs pouvoirs pour aider le gouvernement de notre pays. Maintenant, ô fils accompli (de Wû), petit-fils accompli (de Wăn), jeune fils, roi, ne te trompe pas dans les litiges ; il y a des officiers et des pasteurs (pour s’en occuper).
« Ayez bien arrangé (aussi) vos accoutrements et armes militaires, afin que vous puissiez aller au-delà des pas de Yü, et traverser tout ce qui est sous le ciel, même au-delà des mers, rencontrant partout la soumission : — ainsi vous afficherez la gloire éclatante du roi Wăn, et rendrez plus illustres les grandes réalisations du roi Wû [^245].
« Oh ! que désormais (nos) futurs rois, en établissant le gouvernement, puissent employer des hommes d’une vertu constante ! »
6. Le duc de Kâu s’exprima ainsi : « Ô grand historiographe, le duc de Sû, ministre du Crime, a traité avec respect toutes les affaires criminelles qui lui ont été soumises, perpétuant ainsi le destin de notre royaume. C’était là un exemple de sollicitude ardente (pour les futurs ministres), qui leur permet de se ranger à ses côtés dans l’ordonnance des châtiments appropriés [^246]. »