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La charge rapportée ici, comme celle du dernier Livre, est attribuée au roi Mû. Elle fut prononcée lors de la nomination d’un Khiung ou Po-khiung (c’est-à-dire le Khiung aîné, le frère aîné de sa famille) au poste de Grand Chambellan. De ce Khiung nous ne savons rien, plus que ce que nous apprenons du Shû. Il n’était pas un haut dignitaire de l’État. Que cette charge ait trouvé place dans le Shû, nous dit-on, montre combien il était important que les hommes occupant les positions les plus basses, tout en étant en contact avec le souverain, possèdent des principes justes et un désir sincère de le voir progresser en intelligence et en vertu.
Le roi Mû se présente comme conscient de ses propres incompétences et pénétré du sens des hautes responsabilités qui lui incombent. Ses prédécesseurs, bien supérieurs à lui, étaient pourtant grandement redevables de l’aide des officiers qui les entouraient ; combien plus encore doit-il en être de même pour lui !
Il procède à la nomination de Khiung comme Grand Chambellan, lui indiquant comment il doit guider correctement tous les autres serviteurs de la personne royale, afin que seules de bonnes influences soient à proximité pour agir sur le roi ; lui indiquant également la manière dont il doit employer les hommes et le soin qu’il doit apporter à leur sélection.
Le roi parla ainsi : « Po-kh-iung, je manque de vertu et j’ai succédé aux rois précédents pour occuper le grand trône. Je suis craintif et conscient du péril (de ma position). Je me lève à minuit et réfléchis à la manière d’éviter de commettre des erreurs. » Autrefois, Wăn et Wû étaient doués de toute intelligence, augustes et sages, tandis que leurs ministres, petits et grands, chérissaient tous la loyauté et la bonté. Leurs serviteurs, cochers, chambellans et suivants étaient tous des hommes de droiture ; matin et soir, attendant les désirs de leur souverain ou suppléant à ses déficiences. (Ces rois), sortant et entrant, se levant et s’asseyant [ p. 253 ], étaient ainsi rendus respectueux. Leurs avertissements et leurs ordres étaient bons. Le peuple obéissait respectueusement et les myriades de régions étaient toutes heureuses. Mais moi, l’Homme Unique, je suis dépourvu de bonté, et je dépends réellement des officiers qui ont des postes autour de moi pour aider mes déficiences, en appliquant la ligne à mes défauts, et en montrant mes erreurs, corrigeant ainsi mon mauvais cœur, et me permettant d’être le successeur de mes méritants prédécesseurs.
« Je vous nomme maintenant Grand Chambellan, afin de veiller à ce que tous les officiers de votre département et mes serviteurs personnels soient intègres et corrects, qu’ils s’efforcent de promouvoir la vertu de leur souverain et qu’ils comblent ensemble mes lacunes. Soyez prudent dans le choix de vos officiers. N’employez pas d’hommes au langage subtil et à l’allure insinuante, d’hommes dont les goûts et les aversions sont régis par les miens, d’hommes partiaux et flatteurs ; mais employez des hommes de bien. Si ces officiers sont corrects, le souverain le sera aussi ; s’ils sont flatteurs, le souverain se considérera comme un sage. Sa vertu, ou son absence, dépend également d’eux. Ne cultivez aucune intimité avec des flatteurs, et ne les obligez pas à me servir comme mes oreilles et mes yeux ; ils conduiront leur souverain à mépriser les statuts des rois précédents. Si vous choisissez ces hommes non pour leur bonté personnelle, mais pour les corrompre, leurs fonctions seront réduites à néant, votre grand manque de respect pour votre souverain sera évident, et je vous tiendrai pour coupable. »
Le roi dit : « Oh ! Soyez respectueux ! Aidez toujours votre souverain à suivre les lois du devoir (dont il doit faire preuve d’exemple). »