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Le roi à qui cette charge est attribuée était Phing (770-719 av. J.-C.). Entre lui et Mû s’écoula ainsi une période de deux siècles, dont aucun document ne figure, et ne figurera jamais, dans le recueil du Shû. Cette période fut occupée par sept règnes, dont le dernier fut celui de Nieh, connu sous le nom de roi Yû, un souverain sans valeur, obsédé par son attachement à une favorite, Pâo-sze. Pour elle, il dégrada sa reine et envoya leur fils, Î-_kh_iû, à la cour du seigneur de Shan, son père, « pour apprendre les bonnes manières ». Le seigneur de Shan appela à l’aide des tribus barbares, qui pillèrent la capitale et tuèrent le roi ; avec lui prit fin l’empire des « Kâu occidentaux ». Plusieurs princes féodaux vinrent au secours de la Maison royale, chassèrent les barbares, ramenèrent Î-_kh_iû du Shan et le saluèrent comme roi. Il est connu sous le nom de roi Phing, « le Tranquillisateur ». Sa première mesure fut de transférer la capitale des ruines de Hâo à Lo, réalisant ainsi, au bout du compte, mais dans des circonstances désastreuses, les vœux du duc de Kâu ; et c’est de cette époque (770 av. J.-C.) que date l’histoire du « Kâu oriental ».
Parmi les premières mesures prises par le roi Phing figurait la récompense des seigneurs féodaux à qui il devait son trône. Le marquis de Kin était l’un d’eux. Son nom était Khiû, et celui d’Î-ho, par lequel il est appelé dans le texte, est considéré comme son « style », ou désignation qu’il prit lors de son mariage. Wăn, « l’Accompli », était son titre sacrificiel. Les seigneurs de Kin descendaient du fils du roi Wû, Yü, qui fut nommé marquis de Thang, correspondant à l’actuel département de Thâi-yüan, dans le Shan-hsî. Le nom de Thang fut ensuite changé en Kin. L’État devint au fil du temps l’un des plus vastes et des plus puissants du royaume.
La charge de ce livre est censée être liée à la nomination de Wan comme président ou chef de plusieurs autres princes. Le roi commence par célébrer les vertus et les jours heureux des rois Wăn et Wû, ainsi que les services rendus par les honorables ministres des règnes suivants. Il y oppose la misère et les distractions de son époque, déplorant son manque de conseillers et d’assistants avisés, et louant le marquis pour les services qu’il a rendus. Il conclut ensuite par la charge spéciale par laquelle il récompensera le mérite passé du prince et l’encouragera à redoubler d’efforts à l’avenir.
1. Le roi parla ainsi : « Oncle Î-ho, combien illustres étaient Wăn et Wû ! Ils ont soigneusement fait briller leur vertu, jusqu’à ce qu’elle s’élève avec éclat dans les cieux, et que sa renommée se répande largement ici-bas. C’est pourquoi Dieu fit tomber son décret favorable sur le roi Wăn. » Il y eut aussi (par la suite) des ministres qui aidèrent et servirent avec éclat leurs souverains, suivant et exécutant leurs plans, grands et petits, de sorte que mes pères siégèrent tranquillement sur le trône.
« Oh ! je suis un objet de pitié, moi qui ne suis qu’un petit enfant. Dès mon accession au trône, le Ciel m’a sévèrement châtié. » Par l’interruption des bienfaits (royaux) qui ont cessé de descendre sur les peuples inférieurs, les tribus barbares envahissantes de l’ouest ont gravement porté préjudice à notre royaume. De plus, parmi les administrateurs de mes affaires, aucun n’est âgé, expérimenté et doté de compétences remarquables. Je suis donc inapte aux difficultés de ma position et je me dis : « Mes grands-oncles et oncles, vous devriez avoir compassion de mon cas. » Oh ! s’il existait des personnes capables d’établir leur mérite en ma faveur, moi l’Homme Unique, je pourrais longtemps jouir d’un repos sur le trône.
« Oncle Î-ho, vous rendez encore plus glorieux votre illustre ancêtre. Vous avez été le premier à imiter l’exemple de Wăn et de Wû, en rassemblant (les pouvoirs dispersés) et en continuant (la lignée presque brisée de) votre souverain. Votre piété filiale remonte à votre illustre ancêtre (et est égale à la sienne). Vous avez beaucoup fait pour réparer mes (pertes) et me défendre dans mes difficultés, et vous, étant tel, je suis plein d’admiration. »
2. Le roi dit : « Oncle I-ho, rentre chez toi, examine tes multitudes et apaise ton état. Je te récompense avec une jarre d’alcool, distillé à partir de millet noir et aromatisé aux herbes odoriférantes [^298], avec un arc rouge et cent flèches rouges [^299] ; avec un arc noir et cent flèches noires ; et avec quatre chevaux. Va, mon oncle. Montre de la bonté à ceux qui sont loin et aide ceux qui sont proches ; chéris et assure le repos des populations inférieures ; ne recherche pas vainement ton bien-être ; exerce une inspection et une compassion (bienveillante) dans ta capitale (et toutes tes frontières) ; — complétant ainsi ton illustre vertu. »