Cette « Grande Annonce » fut provoquée par l’urgence évoquée au deuxième chapitre du dernier Livre. L’introduction dit : « À la mort du roi Wû, les trois surveillants et les tribus sauvages des Hwâi se rebellèrent. Le duc de Kâu agissait comme ministre du roi Khăng et, ayant l’intention de mettre fin à la Maison des Yin (ou Shang), il fit la « Grande Annonce ». Telle fut l’occasion pour laquelle le Livre fut composé. Le jeune roi y exprime les paroles et les sentiments du duc de Kâu ; d’où le style dans lequel il commence : « Le roi parle ainsi. »
Le jeune souverain parle de la responsabilité qui lui incombe de maintenir le royaume acquis par les vertus et les prouesses de son père, et des manœuvres insensées de la Maison Shang pour regagner sa suprématie. Il se plaint de la réticence de nombreux princes et hauts fonctionnaires à le seconder dans la répression de la révolte, et proclame avec une douloureuse réitération le soutien et les assurances de succès qu’il a reçus de la coquille devin. Ses oncles traîtres, complices du fils du tyran de Shang, ne sont qu’allusions. [ p. 157 ] 1. Le roi parle en ces termes : « Ho ! Je vous fais une grande annonce, à vous (princes des) nombreux États, et à vous, les administrateurs de mes affaires. Nous sommes impitoyables, et le Ciel déverse ses calamités sur notre Maison, sans la moindre interruption [^168].* Je suis profondément préoccupé d’avoir hérité, si jeune, de ce patrimoine illimité, de ses destinées et de ses domaines. Je ne peux faire preuve de sagesse et mener le peuple à la prospérité ; et combien moins serais-je capable de connaître le décret du Ciel !* Oui, moi qui ne suis qu’un petit enfant, je suis dans la position de quelqu’un qui doit traverser des eaux profondes ; je dois aller chercher où je peux les traverser. Je dois diffuser les élégantes institutions de mon prédécesseur et afficher la nomination qu’il a reçue (du Ciel) ; ainsi je n’oublierai pas sa grande œuvre. Je n’oserai pas non plus restreindre la majesté du Ciel en déversant ses châtiments (sur les criminels) [^169].*
2. « Le roi Tranquillisant [^170] m’a laissé la grande et précieuse écaille de tortue, pour me faire connaître l’intelligence du Ciel. Je l’ai devinée, et elle m’a dit qu’il y aurait de grands troubles dans la région de l’ouest [^171] et que le peuple occidental ne serait pas tranquille [^171]. »* En conséquence, nous avons ces mouvements insensés. Aussi petit et réduit que soit Yin [ p. 158 ] maintenant, (son prince) ose grandement prendre en main sa ligne (rompue). Bien que le Ciel ait envoyé ses terreurs (sur sa Maison), sachant pourtant les maux de notre royaume et que le peuple n’est pas tranquille, il dit : « Je vais récupérer (mon patrimoine) » ; et ainsi (il souhaite) faire de notre Kâu un territoire frontalier à nouveau.
« Un jour, il y eut un mouvement insensé, et le lendemain, dix hommes de valeur apparurent parmi le peuple pour m’aider à rétablir la tranquillité et à perpétuer les plans (de mon père) [^172]. La grande entreprise dans laquelle je m’engage connaîtra (ainsi) une issue heureuse. J’ai aussi deviné par l’écaille de tortue, et j’ai toujours obtenu une réponse favorable. » C’est pourquoi je vous le dis, princes de mes États amis, et vous, directeurs de départements, mes officiers et administrateurs de mes affaires, j’ai obtenu une réponse favorable à mes divinations. J’irai avec vous de tous les États et punirai ces ministres vagabonds et déportés de Yin. »
3. « (Mais) vous, les princes des différents États, et vous, les différents officiers et gestionnaires de mes affaires, vous me répondez tous en disant : « Les difficultés seront grandes, et le trouble du peuple trouve sa source en réalité dans le palais du roi et dans les demeures des princes de cet État (rebelle) [1]. Nous, les petits, et aussi les vieillards et les révérends, pensons que l’expédition est malavisée ; pourquoi Votre Majesté ne va-t-elle pas à l’encontre des divinations ? » Moi aussi, dans ma jeunesse, je pense continuellement à ces difficultés et je dis : [ p. 159 ] Hélas ! ces mouvements insensés affligeront déplorablement les hommes sans femme et les veuves ! Mais je suis le serviteur du Ciel, qui m’a assigné cette grande tâche et m’a confié ce lourd devoir. C’est pourquoi, moi, le jeune homme, je ne m’apitoie pas sur moi-même ; et vous, les nombreux officiers, directeurs de département et gestionnaires de mes affaires, seriez bien inspirés de me réconforter en disant : « Ne soyez pas affligés par le chagrin. Nous mènerons à bien les plans de votre père Tranquillisant. »
« Oui, moi, le petit enfant, je n’ose pas ignorer la charge de Dieu [2]. » Le Ciel, favorable au roi Tranquillisant, a accordé une telle prospérité à notre petit pays de Kâu. Le roi Tranquillisant a deviné et a agi en conséquence, et c’est ainsi qu’il a reçu sereinement sa (grande) nomination. Maintenant que le Ciel aide (évidemment) le peuple, combien plus devrions-nous suivre les indications de la coquille ! Oh ! la volonté clairement annoncée du Ciel est à craindre : elle est d’aider mon grand héritage
4. Le roi dit : « Vous, qui êtes les anciens ministres, vous êtes parfaitement capables de vous souvenir du passé ; vous savez combien fut grand le travail du roi Tranquillisateur. Là où le Ciel (maintenant) ferme (notre chemin) et nous angoisse, c’est là que je dois accomplir mon œuvre ; je n’ose m’empêcher de faire tout mon possible pour mener à bien les plans du roi Tranquillisateur. C’est pour cette raison que je déploie de tels efforts pour dissiper les doutes et faire avancer les inclinations des princes de mes États amis. Et le Ciel m’assiste par des expressions sincères (de sympathie), que j’ai constatées parmi le peuple ; comment oserais-je ne pas viser l’achèvement de l’œuvre autrefois commencée par le Tranquillisateur ? De plus, le Ciel peine et angoisse ainsi le peuple ; c’est comme s’il souffrait d’une maladie ; Comment oserais-je permettre que la nomination que mon prédécesseur, le Tranquillisateur, a reçue, ne soit pas heureusement accomplie ?
Le roi dit : « Autrefois, au début de cette expédition, j’en avais parlé des difficultés et j’y pensais quotidiennement. Mais lorsqu’un père défunt, désireux de construire une maison, en avait établi le plan, si son fils refusait de construire la salle, combien moins serait-il disposé à achever le toit ! Ou si le père avait labouré le sol et que son fils refusait de semer, combien moins serait-il disposé à récolter ! Dans un tel cas, le père, qui avait lui-même été si respectueusement attentif à ses objectifs, aurait-il pu dire : « J’ai un fils qui n’abandonnera pas son patrimoine ? » Comment oserais-je donc ne pas employer toutes mes forces à mener à bien la grande mission confiée au roi Tranquillisateur ? Si parmi les amis d’un frère aîné ou d’un père défunt se trouvent des personnes qui attaquent son fils, les anciens du peuple encourageraient-ils l’attaquant au lieu de venir à son secours ? »
5. Le roi dit : « Oh ! Prenez courage, princes des différents États et administrateurs de mes affaires. L’illumination du pays venait des sages, même des dix hommes [3] qui obéissaient et connaissaient la [ p. 161 ] mission de Dieu,* et l’aide réelle accordée par le Ciel. À cette époque, aucun de vous n’osait changer les règles (prescrites par le roi Tranquillisant). Et maintenant que le Ciel envoie la calamité sur le pays de Kâu, et que les auteurs de ces grandes détresses (font comme si) les habitants d’une maison devaient s’attaquer mutuellement, vous ignorez que le décret du Ciel ne peut être modifié !*
« Je pense et je dis toujours : en détruisant Yin, le Ciel accomplissait un travail de laboureur [^176] ; comment oserais-je ne pas achever le travail de mes champs ? Le Ciel témoignera ainsi sa faveur à mon prédécesseur, le Tranquillisateur. Comment pourrais-je être entièrement pour l’oracle de la divination et présumer de ne pas suivre (votre conseil) ? Je suis le Tranquillisateur, dont le dessein embrasse tout ce qui se trouve dans les limites du pays. Combien plus dois-je continuer, lorsque les divinations sont toutes favorables ! C’est pour ces raisons que je lance cette expédition en force vers l’est. Il n’y a aucune erreur quant au décret du Ciel. Les indications données par l’écaille de tortue vont toutes dans le même sens. »