HUITIÈME PRAPÂTHAKA.
1. Harih, Om. Il y a cette cité de Brahman (le corps), et en elle le palais, le petit lotus (du cœur), et en elle ce petit éther. Or, ce qui existe dans ce petit éther, c’est ce qu’il faut chercher, c’est ce qu’il faut comprendre.
2. Et s’ils lui disaient : « Maintenant, en ce qui concerne cette cité de Brahman, et le palais qui s’y trouve, c’est-à-dire le petit lotus du cœur, et le petit éther à l’intérieur du cœur, qu’y a-t-il en elle qui mérite d’être recherché, ou qui doive être compris ? »
3. Il devrait alors dire : « Aussi vaste que soit cet éther (tout l’espace), aussi vaste est l’éther du cœur. Il contient à la fois le ciel et la terre, le feu et l’air, le soleil et la lune, la foudre et les étoiles ; et tout ce qui est de lui (le Soi) ici dans le monde, et tout ce qui n’est pas (c’est-à-dire tout ce qui a été ou sera), tout cela est contenu en lui [^326]. »
4. Et s’ils lui disaient : « Si tout ce qui existe est contenu dans cette cité de Brahman, tous les êtres et tous les désirs (tout ce qui peut être imaginé ou désiré), alors qu’en reste-t-il, lorsque la vieillesse l’atteint et le disperse, ou lorsqu’il tombe en morceaux ? »
5. Il devrait alors dire : « Par la vieillesse du corps, cela (l’éther, ou Brahman en lui) ne vieillit pas ; par la mort du corps, cela (l’éther, ou Brahman en lui) n’est pas tué. Cela (le Brahman) [ p. 127 ] est la véritable cité de Brahma (et non le corps [1]). En elle sont contenus tous les désirs. C’est le Soi, libre du péché, libre de la vieillesse, de la mort et du chagrin, de la faim et de la soif, qui ne désire que ce qu’il devrait désirer, et n’imagine que ce qu’il devrait imaginer. Or, comme ici-bas, les gens suivent ce qu’on leur commande et dépendent de l’objet auquel ils sont attachés, qu’il s’agisse d’un pays ou d’un lopin de terre,
6. « Et comme ici-bas, tout ce qui a été acquis par l’effort périt, ainsi périt tout ce qui est acquis pour l’autre monde par les sacrifices et autres bonnes actions accomplies sur terre. Ceux qui partent d’ici-bas sans avoir découvert le Soi et ces vrais désirs, pour eux, il n’y a de liberté dans aucun monde. Mais ceux qui partent d’ici-bas, après avoir découvert le Soi et ces vrais désirs [2], pour eux, il y a de la liberté dans tous les mondes. »
1. « Ainsi celui qui désire le monde [3] des pères, par sa seule volonté les pères viennent le recevoir, et ayant obtenu le monde des pères, il est heureux.
2. « Et celui qui désire le monde des mères, par sa seule volonté les mères viennent le recevoir, [ p. 128 ] et ayant obtenu le monde des mères, il est heureux.
3. « Et celui qui désire le monde des frères, par sa seule volonté, les frères viennent le recevoir, et ayant obtenu le monde des frères, il est heureux.
4. « Et celui qui désire le monde des sœurs, par sa seule volonté les sœurs viennent le recevoir, et ayant obtenu le monde des sœurs, il est heureux.
5. « Et celui qui désire le monde des amis, par sa seule volonté, les amis viennent le recevoir, et ayant obtenu le monde des amis, il est heureux.
6. « Et celui qui désire le monde des parfums et des guirlandes (gandhamâlya), par sa seule volonté, les parfums et les guirlandes viennent à lui, et ayant obtenu le monde des parfums et des guirlandes, il est heureux.
7. « Et celui qui désire le monde de la nourriture et de la boisson, par sa seule volonté, la nourriture et la boisson viennent à lui, et ayant obtenu le monde de la nourriture et de la boisson, il est heureux.
8. « Et celui qui désire le monde du chant et de la musique, par sa seule volonté, le chant et la musique viennent à lui, et ayant obtenu le monde du chant et de la musique, il est heureux.
9. « Et celui qui désire le monde des femmes, par sa seule volonté, les femmes viennent le recevoir, et ayant obtenu le monde des femmes, il est heureux.
« Quel que soit l’objet auquel il est attaché, quel que soit l’objet qu’il désire, par sa seule volonté, il lui parvient, et l’ayant obtenu, il est heureux.
[ p. 129 ]
2. « Ceux qui nous appartiennent, vivants ou disparus, et tout ce que nous désirons et n’obtenons pas, tout ce que nous y trouvons (si nous descendons dans notre cœur, où Brahman réside, dans l’éther du cœur), là sont tous nos vrais désirs, mais cachés par le mensonge [4]. » Comme des gens qui ne connaissent pas le pays marchent encore et encore sur un trésor d’or caché quelque part sur terre sans le découvrir, ainsi toutes ces créatures entrent jour après jour dans le monde de Brahma (elles sont immergées dans Brahman, pendant leur sommeil), et pourtant ne le découvrent pas, car elles sont emportées par le mensonge (elles ne reviennent pas à elles-mêmes, c’est-à-dire qu’elles ne découvrent pas le vrai Soi en Brahman, résidant dans le cœur). »
3. « Ce Soi réside dans le cœur. » Et voici l’explication étymologique. Le cœur est appelé hid-ayam, au lieu de hidy-ayam, c’est-à-dire Celui qui est dans le cœur. Celui qui sait qu’Il est dans le cœur, va jour après jour (lorsqu’il est en sushupti, le sommeil profond) au ciel (svarga), c’est-à-dire dans le Brahman du cœur.
4. « Or, cet être serein [5] qui, après s’être élevé de ce corps terrestre et avoir atteint la plus haute lumière (la connaissance de soi), apparaît sous sa véritable forme, c’est-à-dire le Soi », dit-il (à ses élèves). « C’est l’immortel, l’intrépide, c’est Brahman. Et ce Brahman a pour nom le Vrai, Satyam. »
5. Ce nom Sattyam se compose de trois syllabes : sat-tî-yam [6]. Sat signifie l’immortel, t, le mortel, et avec yam il lie les deux. Parce qu’il lie les deux, l’immortel et le mortel, c’est donc yam. Celui qui sait cela entre jour après jour au ciel (svarga).
1. Ce Soi est une limite [7], une frontière, afin que ces mondes ne soient pas confondus. Ni le jour ni la nuit ne franchissent cette limite, ni la vieillesse, ni la mort, ni le chagrin ; ni les bonnes ni les mauvaises actions. Tous les malfaiteurs s’en détournent, car le monde de Brahman est exempt de tout mal.
2. Ainsi, celui qui a traversé cette rive, s’il est aveugle, cesse d’être aveugle ; s’il est blessé, cesse d’être blessé ; s’il est affligé, cesse d’être affligé. Ainsi, lorsque cette rive a été traversée, la nuit devient véritablement le jour, car le monde de Brahman est illuminé une fois pour toutes [8].
3. Et ce monde de Brahman appartient à ceux [ p. 131 ] seulement qui le trouvent par l’abstinence — pour eux, il y a la liberté dans tous les mondes.
Ce que les gens appellent sacrifice (ishta), c’est en réalité l’abstinence, car par l’abstinence, ayant recherché (ishtvâ), il obtient le Soi.
2. Ce que les gens appellent sacrifice (sattrâyana), c’est en réalité l’abstinence, car par l’abstinence on obtient du Sat (le vrai), la sécurité (trâna) du Soi.
Ce que les gens appellent le vœu de silence (mauna), c’est en réalité l’abstinence, car celui qui par l’abstinence a découvert le Soi, médite (manute).
3. Ce que les gens appellent jeûne (anâsakâyana), c’est en réalité l’abstinence, car ce Soi ne périt pas (na nasyati), ce que nous découvrons par l’abstinence.
Ce que les gens appellent la vie d’un ermite (aranyâyana), c’est en réalité l’abstinence. Ara [9] et Nya sont deux lacs dans le monde de Brahman, dans le troisième ciel à partir d’ici ; et il y a le lac Airanimadîya, et l’arbre Aasvattha, douchant le Soma, et la cité de Brahman (Hiranyagarbha) Aparâgitâ [10], et le Prabhuvimita doré (la salle construite par Prabhu, Brahman).
Or, ce monde de Brahman appartient à ceux qui trouvent les lacs Ara et Nya dans le monde de Brahman au moyen de l’abstinence ; pour eux, il y a la liberté dans tous les mondes [11].
[ p. 132 ]
1. Or, ces artères du cœur sont constituées d’une substance brune, d’une substance blanche, bleue, jaune et rouge [ p. 133 ], et le soleil est donc brun, blanc, bleu, jaune et rouge.
2. Comme une très longue route mène à deux endroits, l’un au commencement, l’autre à la fin, ainsi les rayons du soleil vont aux deux mondes, à l’un et à l’autre. Ils partent du soleil et pénètrent dans ces artères ; ils partent de ces artères et pénètrent dans le soleil.
3. Et lorsqu’un homme dort, se repose et est en parfait repos, de sorte qu’il ne voit aucun rêve [12], alors il est entré dans ces artères. Alors aucun mal ne le touche, car il a obtenu la lumière (du soleil).
4. Et lorsqu’un homme tombe malade, ceux qui l’entourent lui disent : « Me connaissez-vous ? Me connaissez-vous ? » Tant qu’il n’a pas quitté ce corps, il les connaît.
5. Mais lorsqu’il quitte ce corps, il part alors vers le haut par ces mêmes rayons (vers les mondes qu’il a gagnés par le mérite, non par la connaissance) ; ou il sort en méditant sur Om [13] (et s’assurant ainsi une entrée dans le Brahmaloka).
[ p. 134 ]
Et tandis que son esprit défaille, il se dirige vers le soleil. Car le soleil est la porte du monde (de Brahman). Ceux qui savent y entrent ; ceux qui ne savent pas en sont exclus. Il y a ce verset 1 : « Le cœur possède cent et une artères ; l’une d’elles pénètre le sommet de la tête ; en remontant par elle, l’homme atteint l’immortel ; les autres servent à partir dans des directions différentes, oui, dans des directions différentes 2. »
2. Les Devas (dieux) et les Asuras (démons) entendirent tous deux ces paroles et dirent : « Eh bien, cherchons ce Soi par lequel, si l’on l’a recherché, tous les mondes et tous les désirs sont obtenus. »
Ainsi parlant, Indra quitta les Devas, Virokana les Asuras, et tous deux, sans avoir communiqué l’un avec l’autre, s’approchèrent de Pragâpati, [ p. 135 ] tenant du combustible dans leurs mains, comme c’est la coutume pour les élèves qui s’approchent de leur maître.
3. Ils y demeurèrent comme élèves pendant trente-deux ans. Alors Pragâpati leur demanda : « Pourquoi avez-vous tous deux habité ici ? »
Ils répondirent : « On répète une de vos paroles : « Le Soi qui est libre du péché, libre de la vieillesse, de la mort et du chagrin, de la faim et de la soif, qui ne désire que ce qu’il devrait désirer, et n’imagine que ce qu’il devrait imaginer, c’est cela que nous devons rechercher, c’est cela que nous devons essayer de comprendre. Celui qui a recherché ce Soi et le comprend, obtient tous les mondes et tous les désirs. » Or, nous avons tous deux habité ici parce que nous désirons ce Soi. »
Pragâpati leur dit : « La personne que l’on voit dans les yeux [15], c’est le Soi. C’est ce que j’ai dit. C’est l’immortel, l’intrépide, c’est Brahman. »
Ils demandèrent : « Seigneur, celui qui est perçu dans l’eau, et celui qui est perçu dans un miroir, qui est-il ? »
Il répondit : « C’est lui-même qui est vu dans tout cela [16]. »
[ p. 136 ]
1. « Regardez-vous dans une casserole d’eau, et tout ce que vous ne comprenez pas de votre Soi [17], venez me le dire. »
Ils regardèrent dans le bassin. Alors Pragâpati leur dit : « Que voyez-vous ? »
Ils dirent : « Nous voyons tous deux le moi ainsi dans son ensemble, une image jusque dans les cheveux et les ongles. »
2. Pragâpati leur dit : « Après vous être parés, avoir mis vos plus beaux vêtements et vous être nettoyés, regardez à nouveau dans le bassin à eau.
Eux, après s’être parés, avoir mis leurs plus beaux vêtements et s’être nettoyés, regardèrent dans le bassin à eau.
Pragâpati dit : « Que vois-tu ? »
3. Ils dirent : « De même que nous sommes bien parés, avec nos plus beaux vêtements et propres, ainsi nous sommes tous deux là, Seigneur, bien parés, avec nos plus beaux vêtements et propres. »
Pragâpati dit : « C’est le Soi, c’est l’immortel, l’intrépide, c’est Brahman. »
Alors tous deux s’en allèrent satisfaits dans leur cœur.
4. Et Pragâpati, les regardant, dit : « Ils s’en vont tous deux sans avoir perçu et sans avoir connu le Soi, et celui de ces deux [18], qu’ils soient Devas ou Asuras, qui suivra cette doctrine (upanishad), périra. »
Alors Virokana, satisfait dans son cœur, alla vers les Asuras et leur prêcha cette doctrine, que seul le soi (le corps) doit être adoré, que seul le [ p. 137 ] soi (le corps) doit être servi, et que celui qui adore le soi et sert le soi, gagne les deux mondes, celui-ci et le suivant.
5. C’est pourquoi, même aujourd’hui, ils appellent Âsura un homme qui ne fait pas l’aumône ici-bas, qui n’a pas la foi et n’offre pas de sacrifices, car telle est la doctrine (upanishad) des Asuras. Ils ornent le corps du défunt de parfums, de fleurs et de beaux vêtements, pensant ainsi conquérir ce monde [19].
2. Prenant du combustible à la main, il revint comme élève auprès de Pragâpati. Pragâpati lui dit : « Maghavat (Indra), puisque tu es parti avec Virokana, le cœur satisfait, dans quel but es-tu revenu ? »
[ p. 138 ]
Il dit : « Seigneur, comme ce moi (l’ombre) est bien paré, lorsque le corps est bien paré, bien habillé, lorsque le corps est bien habillé, bien nettoyé, si le corps est bien nettoyé, ce moi sera aussi aveugle, si le corps est aveugle, boiteux, si le corps est boiteux, estropié, si le corps est estropié, et périra en fait dès que le corps périra. C’est pourquoi je ne vois aucun bien dans cette (doctrine). »
3. « C’est bien vrai, Maghavat », répondit Pragâpati ; « mais je vais te l’expliquer (le vrai Soi) plus en détail. Vis avec moi encore trente-deux ans. »
Il vécut encore trente-deux ans avec lui, puis Pragâpati dit :
1. « Celui qui se déplace heureux dans les rêves, c’est le Soi, c’est l’immortel, l’intrépide, c’est Brahman. »
Indra s’en alla, le cœur satisfait. Mais avant de retourner auprès des Dévas, il vit cette difficulté. Bien qu’il soit vrai que ce soi n’est ni aveugle, même si le corps l’est, ni boiteux, même si le corps est boiteux, bien qu’il soit vrai que ce soi n’est pas rendu défectueux par les défauts de son corps (le corps),
2. Ni frappé quand il (le corps) est frappé, ni boiteux quand il est boiteux, mais c’est comme s’ils le frappaient (le soi) en rêve, comme s’ils le poursuivaient [22]. [ p. 139 ] Il devient même conscient, pour ainsi dire, de la douleur et verse des larmes. Je ne vois donc aucun bien à cela.
3. Prenant du combustible dans ses mains, il retourna comme élève auprès de Pragâpati. Pragâpati lui dit : « Maghavat, puisque tu es parti satisfait de ton cœur, dans quel but es-tu revenu ? »
Il dit : « Seigneur, bien qu’il soit vrai que ce soi n’est pas aveugle même si le corps est aveugle, ni boiteux, si le corps est boiteux, bien qu’il soit vrai que ce soi n’est pas rendu défectueux par les défauts de lui (le corps),
4. Ni frappé quand il (le corps) est frappé, ni boiteux quand il est boiteux, mais c’est comme s’ils le frappaient (le soi) en rêve, comme s’ils le poursuivaient. Il devient même conscient, pour ainsi dire, de la douleur et verse des larmes. C’est pourquoi je ne vois aucun bien à cela.
« C’est bien vrai, Maghavat », répondit Pragâpati ; « mais je vais te l’expliquer (le vrai Soi) plus en détail. Vis avec moi encore trente-deux ans. »
Il vécut encore trente-deux ans avec lui. Puis Pragâpati dit :
[ p. 140 ]
1. « Lorsqu’un homme endormi, au repos et au repos parfait [23], ne voit aucun rêve, c’est le Soi, c’est l’immortel, l’intrépide, c’est Brahman. »
Indra s’en alla alors, le cœur satisfait. Mais avant de retourner auprès des Dévas, il vit cette difficulté. En vérité, il ne sait pas qu’il est moi, ni rien de ce qui existe. Il est parti vers l’anéantissement total. Je ne vois aucun bien à cela.
2. Prenant du combustible à la main, il retourna comme élève auprès de Pragâpati. Pragâpati lui dit : « Maghavat, puisque tu es parti satisfait de ton cœur, dans quel but es-tu revenu ? »
Il dit : « Seigneur, de cette façon, il ne sait pas qu’il est moi, ni rien de ce qui existe. Il est parti vers l’anéantissement total. Je ne vois aucun bien à cela ! »
3. « C’est bien vrai, Maghavat », répondit Pragâpati ; « mais je vais t’expliquer davantage le vrai Soi, et rien de plus [24]. Vis ici encore cinq ans. »
Il y vécut encore cinq ans. Cela faisait en tout cent un ans, et on dit donc qu’Indra Maghavat vécut cent un ans comme élève de Pragâpati. Pragâpati lui dit :
1. « Maghavat, ce corps est mortel et toujours retenu par la mort. C’est la demeure de ce Soi qui est [ p. 141 ] immortel et sans corps [25]. Lorsqu’il est dans le corps (en pensant que ce corps est moi et que je suis ce corps), le Soi est retenu par le plaisir et la douleur. Tant qu’il est dans le corps, il ne peut se libérer du plaisir et de la douleur. Mais lorsqu’il est libéré du corps (quand il se sait différent du corps), alors ni le plaisir ni la douleur ne le touchent [26].
2. « Le vent est sans corps, le nuage, l’éclair et le tonnerre sont sans corps (sans mains, pieds, etc.). Or, comme ceux-ci, s’élevant de cet éther céleste (espace), apparaissent sous leur propre forme, dès qu’ils se sont approchés de la plus haute lumière,
3. « Ainsi cet être serein, surgissant de ce corps, apparaît sous sa propre forme, dès qu’il s’est approché de la plus haute lumière (la connaissance du Soi [27]). Il (dans cet état) est la personne la plus élevée (uttama pûrusha). Il se déplace là, riant (ou mangeant), jouant et se réjouissant (en esprit), que ce soit avec des femmes, des voitures ou des proches, sans se soucier du corps dans lequel il est né [28]. »
[ p. 142 ]
« Comme un cheval attaché à une charrette, ainsi l’esprit [29] (prâna, pragñâtman) est attaché à ce corps.
4. « Là où la vue a pénétré le vide (l’espace ouvert, la pupille noire de l’œil), là est la personne de l’œil, l’œil lui-même est l’instrument de la vision. Celui qui sait, laisse-moi sentir ceci, il est le Soi, le nez est l’instrument de l’odorat. Celui qui sait, laisse-moi dire ceci, il est le Soi, la langue est l’instrument de la parole. Celui qui sait, laisse-moi entendre ceci, il est le Soi, l’oreille est l’instrument de l’audition. »
5. « Celui qui sait, que je pense ainsi, est le Soi, l’esprit est son œil divin [30]. Lui, le Soi, voyant ces plaisirs (qui pour les autres sont cachés comme un trésor d’or enfoui) à travers son œil divin, c’est-à-dire l’esprit, se réjouit. »
« Les Dévas qui sont dans le monde de Brahman méditent sur ce Soi (comme l’a enseigné Pragâpati à Indra, et Indra aux Dévas). Par conséquent, tous les mondes leur appartiennent, ainsi que tous les désirs. Celui qui connaît ce Soi et le comprend, obtient tous les mondes et tous les désirs. » Ainsi a dit Pragâpati, oui, ainsi a dit Pragâpati.
[ p. 143 ]
1. De l’obscurité (le Brahman du cœur), j’arrive au nébuleux (le monde de Brahman), du nébuleux à l’obscurité, secouant tout mal, comme un cheval secoue ses crins, et comme la lune se libère de la bouche de Râhu [32]. Ayant secoué le corps, j’obtiens, créé par moi-même et satisfait, le monde incréé de Brahman, oui, je l’obtiens.
1. Celui qu’on appelle éther [33] (âkâsa) est le révélateur de toutes les formes et de tous les noms. Ce qui contient ces formes et ces noms est le Brahman, l’Immortel, le Soi.
Je viens à la salle de Pragâpati, à la maison ; je suis le glorieux parmi les Brahmanes, le glorieux parmi les princes, le glorieux parmi les hommes [34]. J’ai obtenu cette gloire, je suis glorieux parmi les glorieux. Puissé-je ne jamais aller à la demeure blanche, édentée, mais dévorante, blanche [35] ; puissé-je ne jamais y aller.
[ p. 144 ]
1. Brahmâ (Hiranyagarbha ou Paramesvara) a dit cela à Pragâpati (Kasyapa), Pragâpati à Manu (son fils), Manu à l’humanité. Celui qui a appris le Véda d’une famille de maîtres, selon la règle sacrée, dans le temps libre laissé par les devoirs à accomplir pour le Guru, qui, après avoir reçu sa décharge, s’est installé dans sa propre maison, gardant la mémoire de ce qu’il a appris en le répétant régulièrement dans un lieu sacré, qui a engendré des fils vertueux et concentré tous ses sens sur le Soi, ne faisant jamais de douleur à aucune créature, sauf lors des tîrthas [36] (sacrifices, etc.), celui qui se comporte ainsi toute sa vie, atteint le monde de Brahman et n’en revient pas, oui, il n’en revient pas.
125:2 Le huitième Prapâthaka semble former une sorte d’appendice à l’Upanishad. Le point le plus élevé que puisse atteindre la spéculation a été atteint dans le septième Prapâthaka, l’identité de notre soi et de toute autre chose avec le Soi Suprême. Cet effort spéculatif, cependant, est trop grand pour les gens ordinaires. Ils ne peuvent concevoir le Sat ou Brahman comme hors de l’espace et du temps, comme exempt de toute qualité, et afin de les aider, on leur apprend à adorer le Brahman, tel qu’il apparaît dans l’espace et le temps, un objet doté de certaines qualités, vivant dans la nature et dans le cœur humain. Le Brahman Suprême, en dehors duquel il n’y a rien, et qui ne peut être atteint comme objet, ni considéré comme un effet, apparaît aux esprits ordinaires comme une chose qui n’est pas. Français C’est pourquoi, tandis que le véritable philosophe, après avoir acquis la connaissance du Sat le plus élevé, s’identifie à lui soudainement, comme l’éclair, le mortel ordinaire doit l’atteindre par degrés lents, et comme préparation à cette connaissance supérieure qui doit suivre, le huitième Prapâthaka, particulièrement sa première partie, a été ajouté à l’enseignement contenu dans les livres précédents. ↩︎
126:1 L’éther dans le cœur est en réalité un nom de Brahman. Il est là, et donc tout ce qui vient de lui lorsqu’il prend forme corporelle, à la fois ce qui est et ce qui n’est pas, c’est-à-dire ce qui n’est plus ou pas encore ; car le néant absolu n’est pas visé ici. ↩︎
127:1 Je traduis cela un peu différemment du commentateur, bien que l’argument reste le même. ↩︎
127:2 Les vrais désirs sont ceux que nous devons désirer, et dont la réalisation dépend de nous-mêmes, à supposer que nous ayons acquis la connaissance qui nous permet de les satisfaire. ↩︎
127:3 Le monde est l’approche la plus proche de loka : cela signifie la vie avec les pères, ou profiter de la compagnie des pères. ↩︎
129:1 Tous les désirs mentionnés précédemment sont comblés si nous les trouvons en notre Soi, dans la cité de Brahman, au cœur de notre être. Là, nous pouvons toujours posséder ceux que nous avons aimés, mais nous ne devons pas souhaiter les voir de nos yeux ; ce serait une fausse couverture pour un désir véritable. ↩︎
129:2 Cf. Kh. Up. VIII, 12, 3. ↩︎
130:1 Il faudrait probablement lire Sattyam, puis Sat-tî-yam. Le î dans tî serait alors le duel d’un anubandha ĭ. Au lieu de yaddhi, je suppose que c’est yatti. Voir Ait. Âranyaka II, 5, 5. ↩︎
130:2 Setu, généralement traduit par pont, était à l’origine un talus de terre (mriâdimaya), érigé pour servir de chemin (pons) à travers l’eau ou un marais. De tels talus existent encore en de nombreux endroits et servent en même temps de limites (maryâdâ) entre des champs appartenant à des propriétés différentes. Cf. Mait. Up. VII, 7 ; Kâth Up. III, 2 ; Talav. Up. comm. p. 59 ; Mund. Up. II, 2, 5. ↩︎
130:3 Kh. En haut. III, 1, 3. ↩︎
131:1 Dans le Kaush. Br. Up. I, 3, le lac est appelé Ara, du moins selon le commentateur. ↩︎
131:2 Dans le Kaush. Br. Up. Aparâgita n’est pas pûh, mais âyatanam. ↩︎
131:3 Le cinquième khanda est principalement destiné à recommander le brahmakarya p. 132 ou l’abstinence de tous les plaisirs du monde, enjointe au brahmakârin, l’étudiant, comme moyen d’acquérir la connaissance de Brahman. Mais au lieu de montrer qu’une telle abstinence est indispensable à une concentration adéquate de nos facultés intellectuelles, on nous dit que l’abstinence est identique à certains sacrifices ; et cela est démontré, non par des arguments, mais par un certain nombre de jeux de mots très tirés par les cheveux. Ceux-ci sont impossibles à traduire, et même, ils ne méritent guère d’être traduits. Ainsi, l’abstinence est dite identique au sacrifice, yagña, parce que yo gñâtâ, « celui qui sait », présente une certaine similitude avec yagña. Ishta, une autre sorte de sacrifice, est comparé à eshanâ, la recherche ; sattrâyana à Sat, le Vrai, le Brahman, et trâyana, la protection ; mauna, le silence, à manana, la méditation (ce qui peut être juste) ; anâsakâyana, le jeûne, à nas, périr, et aranyâgana, la vie d’ermite, à ara, nya et ayana, la visite des deux lacs Ara et Nya, dont on croit qu’ils existent dans le monde légendaire de Brahman. Rien ne peut être plus absurde. Après avoir abordé la question des légendes brahmaniques, telles que nous les trouvons, par exemple, dans le Kaushîtaki-brâhmana-upanishad, l’auteur poursuit. Outre les lacs Ara et Nya (dans le Kaushîtaki-brâhmana-upanishad, nous n’en avons qu’un seul, appelé Âra), il mentionne le lac Airammadîya, et l’explique comme aira (irâ annam, tanmaya airo mandas, tena pûrnam airam) et madîya, délicieux. L’arbre Asvattha, qui déverse le Soma, n’est pas transformé en autre chose, si ce n’est que le Soma est présenté comme l’immortel, ou nectar. Aparâgita devient la cité de Brahman, car elle ne peut être conquise que par ceux qui ont pratiqué l’abstinence. Et la salle appelée ailleurs Vibhu-pramita devient Prabhu-vimitam, ou Prabhu-vinirmita, créée par Prabhu, c’est-à-dire Brahman. Tous les désirs comblés, énumérés dans les khandas 2-5, qu’il s’agisse de retrouver nos pères et mères ou d’entrer dans le Brahmaloka avec ses lacs et ses palais, doivent être considérés non pas comme matériels (sthûla), mais uniquement comme mentaux (mânasa). De ce fait, cependant, ils ne sont en aucun cas considérés comme faux ou irréels, pas plus que les rêves. Les rêves sont faux et irréels, relativement seulement, c’est-à-dire relativement à ce que nous voyons à l’éveil ; mais pas en eux-mêmes. Tout ce que nous voyons à l’éveil s’est également avéré être p.133 faux ; car il ne consiste que en formes et en noms ; pourtant, ces formes et ces noms contiennent un élément vrai, à savoir le Sat. Avant de connaître ce Sat, tous les objets que nous voyons à l’état de veille semblent vrais ; comme les rêves semblent vrais en rêve. Mais une fois réveillés par la vraie connaissance, nous voyons que seul le Sat est vrai. Lorsque nous imaginons voir un serpent, puis découvrons qu’il s’agit d’une corde, le serpent disparaît comme faux, mais ce qui était vrai en lui, la corde, reste vrai. ↩︎
134:1 Prasna en haut. II, 1. ↩︎
134:2 Le même verset apparaît dans le Katha 6, 16, et est fréquemment cité ailleurs, par exemple, Mait. comm. p. 164. Pour vishvann, la bonne lecture semble être vishvak. Dans le Mait. Up. VI, 30, les Trishtubh sont réduits à des versets Anushtubh. Voir aussi Prasna Up. III, 6-7 ; Mund. Up. II, 2. ↩︎
134:3 Ici est traité à nouveau le problème le plus élevé, la connaissance du vrai Soi, qui conduit au-delà du monde de Brahmâ (masc.), et permet au soi individuel de retourner au Soi le plus élevé. ↩︎
135:1 Le commentateur explique cela avec justesse. Pragâpati désigne par la personne que l’on voit dans l’œil, le véritable agent de la vision, que seuls les sages voient, même les yeux fermés. Ses élèves, cependant, le comprennent mal. Ils pensent à la personne que l’on voit, non à celle qui voit (Yoga-sûtras II, 6). La personne que l’on voit dans l’œil est pour eux la petite figure imagée dans l’œil, et ils continuent donc à se demander si l’image dans l’eau ou dans un miroir n’est pas le Soi. ↩︎
135:2 Les commentateurs s’efforcent d’expliquer que Pragâpati n’a pas menti. Il entendait par purusha l’élément personnel au sens le plus élevé, et ce n’était pas sa faute si ses élèves prenaient purusha pour homme ou pour corps. ↩︎
136:1 Je prends âtmanah comme un génitif, gouverné par yad, et non comme un accusatif pluriel. ↩︎
136:2 Le commentateur lit yatare pour yatah. ↩︎
137:1 Ceci fait évidemment référence aux coutumes et aux enseignements de tribus qui ne se conforment pas entièrement au système brahmanique. Il semble douteux que la décoration du corps mort implique un enterrement plutôt qu’une brûlure. ↩︎
137:2 Le commentateur remarque que bien qu’Indra et Virokana aient tous deux méconnu la véritable signification de ce que Pragâpati avait dit, tandis que Virokana prenait le corps pour le Soi, Indra pensait que le Soi était l’ombre du corps. ↩︎
137:3 Srâma, boiteux, est expliqué par le commentateur comme borgne, ekanetra. ↩︎
138:1 J’ai adopté la lecture vikkhâyayanti, car c’est la plus difficile, et elle explique donc le plus facilement les diverses corruptions, ou peut-être les corrections, qui se sont glissées dans le texte. Saṅkara explique vikkhâdayanti par vidrâvayanti, et cela montre que lui aussi a dû lire vikkhâyayanti, car il n’aurait pas pu expliquer vikkhâdayanti, qui signifie ils découvrent ou ils privent de leurs vêtements, par vidrâvayanti, ils chassent. Il est vrai que vikkhâyayanti peut être expliqué de deux manières ; il peut s’agir du causatif de khâ, couper, mais ce sens n’est pas très approprié ici, p. 139 et tout à fait inadmissible dans un autre passage où vikkhâyayanti apparaît, alors que, s’il dérive de vikh (ὀίχομαι) dans un sens causatif, Saṅkara n’aurait guère pu choisir une meilleure explication que vidrâvayanti, ils font fuir. Français La racine vikh, vikkhâyayati est reconnue dans Pânini III, 1, 28, et dans le Dhâtupâtha 28, 129, mais on ne l’a rencontrée jusqu’ici que dans ce passage, et dans Brihadâranyaka, Up. IV, 3, 20. Ici aussi l’auteur parle d’un homme qui s’imagine qu’on le tue ou qu’on lui fait violence, ou qu’un éléphant le poursuit ou qu’il tombe dans une fosse. Nous avons ici hastîva vikkhâyayati, et Saṅkara, du moins tel qu’il a été imprimé par le Dr Roer, l’explique par vikkhâpayati, vikkhâdayati, vidrâvayati; dhâvatîty arthah. Le commentaire de Dvivedaganga, publié par le Dr Weber, Satap. Brâhm. p. 1145, Kadâkid enam hastî vikkhâyayatîva vidrâvayatîva; vikha gatau, gupûdhûpavikhipanipanibhya âya iti (Pân. III, 1, 28) svârtha âyapratyayah. Dans le Dictionnaire de Boehtlingk et Roth, la dérivation de khâ, couper, est préférée ; voir Nachträge, sv khâ. ↩︎
140:1 Voir Kh. Up. VIII, 6, 3. ↩︎
140:2 Saṅkara explique que cela signifie le Soi réel, et non quelque chose de différent du Soi. ↩︎
141:1 Selon certains, le corps est le résultat du Soi, les éléments du corps, le feu, l’eau et la terre jaillissant du Soi, et le Soi y entrant ensuite. ↩︎
141:2 Plaisir ordinaire et mondain. Comm. ↩︎
141:3 La comparaison n’est pas aussi frappante que la plupart des anciennes comparaisons. Le vent est comparé au Soi, car il est un temps perdu dans l’éther (l’espace), comme le Soi dans le corps, puis il surgit de l’éther et prend sa propre forme de vent. L’accent est mis sur la lumière suprême, qui dans un cas est le soleil d’été, dans l’autre la lumière de la connaissance. ↩︎
141:4 Ce sont des plaisirs qui semblent difficilement compatibles avec l’état de paix parfaite que le Soi est censé avoir atteint. Ce passage peut être interpolé, ou inséré intentionnellement pour montrer que le Soi jouit de tels plaisirs en tant que spectateur intérieur seulement, sans s’identifier ni au plaisir ni à la douleur. Il les voit, comme il le dit plus loin, avec son œil divin. Le Soi ne perçoit en toutes choses que son Soi, rien d’autre. Dans son commentaire sur la Taittîrya Upanishad (p. 45), Saṅkara fait référence à ce passage à Brahman comme un effet, et non à Brahman comme une cause. ↩︎
142:1 L’esprit, le soi conscient, n’est pas identique au corps, mais seulement uni à lui, comme un cheval, ou le conduisant, comme un cocher. Dans d’autres passages, les sens sont les chevaux ; buddhi, la raison, le cocher ; manas, le mental, les rênes. L’esprit est attaché à la charrette par le ketana ; cf. Ânandagñânagiri. ↩︎
142:2 Parce qu’il perçoit non seulement ce qui est présent, mais aussi ce qui est passé et futur. ↩︎
143:1 Ce chapitre est censé contenir un hymne de triomphe. ↩︎
143:2 Râhu, plus tard un monstre, censé avaler le soleil et la lune à chaque éclipse solaire ou lunaire. Au début, on n’entend parler que de la bouche ou de la tête de Râhu. Plus tard, un corps lui fut assigné, mais il dut être détruit à nouveau par Vishnu, de sorte qu’il ne resta de lui que sa tête. Râhu semble dériver de rah, séparer, enlever. De là raksh, vouloir ou s’efforcer d’enlever, tenir à distance, protéger, et dans une application différente rákshas, arrachement, violence, rakshás, un voleur, un esprit maléfique. ↩︎
143:3 Âkâsa, éther ou espace, est un nom de Brahman, car, comme l’éther, Brahman n’a pas de corps et est infiniment petit. ↩︎
143:4 Ici, les trois classes, communément appelées castes, sont clairement marquées par les noms de brâhmana, râgan et vis. ↩︎