Moharib et Zahir, les pères respectifs de Khalid et de Jaida, étaient frères. Moharib était chef de la tribu de Zébeed et Zahir était son conseiller. Les frères se querellèrent et Zahir leva ses tentes et se rangea du côté de la tribu de Saad. La femme de Zahir étant enceinte, il lui dit que s’il naissait un garçon, il serait le bienvenu ; mais si c’était une fille, elle devait cacher le fait et laisser apparaître au monde qu’ils avaient un enfant mâle, afin que son frère ne se réjouisse pas de lui. En temps voulu, une fille naquit et fut appelée, en privé, Jaida, [262] mais Jooder en public, afin qu’il puisse paraître qu’elle était un garçon. Vers la même époque, Moharib eut un fils qu’il appela Khalid. La fille de Zahir fut élevée comme un garçon et apprit à monter à cheval ; et bientôt elle devint célèbre dans tous les exercices dignes d’un noble guerrier, accompagnant son père au combat, où elle prit toujours une part importante. Khalid était aussi l’un des cavaliers les plus illustres de l’époque, universellement reconnu comme un guerrier intrépide et un héros vaillant.
La renommée de son cousin Jooder (Jaida) lui étant parvenue, Khalid, après la mort de son père, rendit visite à son oncle et passa dix jours à jouter avec les cavaliers de la famille. Jaida devint profondément amoureuse de lui et sa mère, l’apprenant, révéla le secret de son sexe à la mère de Khalid et suggéra que leurs enfants soient unis par le mariage. Mais lorsque Khalid apprit par sa mère que sa cousine était une femme, il fut très chagriné, méprisa son amour pour lui et se hâta de retourner dans sa propre tribu.
Jaida, furieuse de se voir ainsi méprisée, résolut de se venger de sa cousine, et se déguisant, elle partit pour le pays de Zébeed. Arrivée là, elle entra dans une tente de fête publique, la visière fermée, comme un cavalier du Hedjaz. Après avoir prouvé sa supériorité sur les meilleurs cavaliers de la course, elle rencontra Khalid pendant trois jours de suite, sans qu’aucun d’eux n’obtienne le moindre avantage ; alors elle se découvrit à son cousin, dont la haine se changea tout à coup en amour. Mais Jaida le repoussa et retourna chez elle.
Khalid se rendit chez son oncle et demanda Jaida en mariage. Son cousin finit par y consentir, à condition qu’il fournisse pour le festin de ses noces un millier de chameaux appartenant à Gheshm, fils de Malik, surnommé le Brandisseur de lances. Khalid les obtint en pillant la tribu d’Aamir ; mais à son retour, Jaida imposa une condition supplémentaire : que son chameau soit conduit par la fille captive d’un prince. Khalid repartit avec ses cavaliers et, attaquant la tribu familiale de Moawiyah, fils de Nizal, captura sa fille Amimah ; [263] et son mariage avec Jaida eut lieu immédiatement après son retour ; lorsque la fille de Moawiyah tenait la bride de son chameau, « la gloire de Jaida fut exaltée parmi les femmes et parmi les hommes ».