Antar retourna dans sa tribu et vécut retiré dans sa tente, affligé de la perte de son premier et fidèle ami. Un jour, Khemisa, la servante d’Abla, vint le trouver avec un message de sa bien-aimée, qui lui demandait de veiller à sa sécurité et à celle de ses compagnes pendant qu’elles passeraient quelque temps au bord du lac pendant la soirée. Le héros fut ravi de cette mission et promit volontiers à Abla sa protection contre les errants de la nuit.
Les filles partirent pour le lac à l’heure dite, et Amarah, déguisé en femme, les suivit. Lorsqu’elles atteignirent le lac, il se jeta sur Abla comme un vautour vorace. Mais le secours était à portée de main. Antar, caché derrière les dunes, entendit les cris d’Abla. Il se précipita comme un lion furieux, saisit Amarah et lui fit presque perdre la vie ; puis il le laissa partir, suivi par les railleries et les moqueries des filles.
[p. 292]
« Cette circonstance concernant Abla se répandit bientôt, et toutes les femmes, les hommes, les filles, les garçons, les esclaves et les esclaves se joignirent aux rires contre Amarah, chantant ces versets, tandis qu’Amarah les entendait : les femmes et les bergères les chantaient à leurs fuseaux ; car il y avait une fille parmi les Absiens qui pouvait composer des vers ; elle était très éloquente, alors elle répéta ces versets sur Amarah le cocu, et ils furent rappelés par toutes les femmes et les filles : »
Amarah, laisse de côté les belles demoiselles aux hanches généreuses ; laisse de côté toutes les disputes au sujet des jolies filles !
Car tu ne peux pas plonger dans la mer des morts, et tu n’es pas un cavalier au jour de la bataille.
N’aspire plus à Abla : si tu la regardes, tu verras les horreurs du lion des forêts !
Quant à la lance mince et tremblante, ne touchez pas à sa force, ni au cimeterre tranchant.
Abla est un faon poursuivi par un lion, aux yeux qui affligent de désordre les plus robustes en santé.
Ne parlons plus de tout conflit à son sujet, ou l’inflexible Antar te fera boire la mort.
Tu n’as pas cessé ton obstination, jusqu’à ce que ton état déplorable témoigne contre toi !
Toutes les filles se moquaient de toi : tu étais la charogne des plaines et des déserts, tu étais le sujet de conversation des joyeux lurons et la risée de tous les passagers !
Tu es venu à nous dans des robes de soie teinte, toi, chaudron noir et graisseux !
Comme tu nous as rencontrés, un lion t’a rencontré, que tous les héros-lions reconnaissent dans le carnage :
[p. 293]
Alors la peur trembla dans ton cœur, l’ivresse te quitta, et tu revins à la raison.Il ne te resta plus que le mépris, quand tu te retiras comme un tas de fumier.
Abla te vit étendu sur le sol, et toutes les belles demoiselles aux hanches hautes avec elle.
Nous avons tenu notre nez devant toi, tandis que nous nous moquions de toi et t’interrogeions.
L’Antar des Chevaliers, le lion de la caverne, est venu, lui qui, dans sa générosité, est une mer de libéralité :
Et tu es le plus vil de tous ceux qui ont jamais croisé un cheval, le plus noble de ceux qui sont tenaces dans leur vie !
Nous sommes comme les plus douces fleurs, parfumées comme les violettes et la camomille; et Abla parmi nous est comme la branche du tamaris: sa beauté est la pleine lune et le soleil du désert.
Tu voudrais la posséder par la violence et l’outrage, toi ! le plus vil de tous les chiens qui aboient !
Meurs dans le chagrin, sinon vis dans le mépris ; car jamais, jamais il n’y aura de fin à nos sarcasmes contre toi !