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Ce poème fut inspiré par un petit incident très caractéristique des mœurs pastorales. Tarafa et son frère Mabed possédaient ensemble un troupeau de chameaux et s’étaient mis d’accord pour les surveiller à tour de rôle, chacun à son tour, de peur que, pendant qu’ils paissaient, ils ne soient chassés par une tribu avec laquelle leur propre clan était en guerre. Mais notre poète était si plongé dans la méditation et si attaché à sa muse qu’il négligeait souvent sa charge et était vivement réprimandé par son frère, qui lui demandait, sarcastiquement, si, s’il perdait les chameaux, ils pourraient être récupérés par sa poésie. « Tu en seras convaincu », répondit Tarafa ; et il persista si longtemps dans sa négligence que le troupeau entier fut effectivement saisi par les Modarites.
C’était plus qu’il n’en espérait réellement, et il s’adressa à tous ses amis pour qu’ils l’aident à recouvrer les chameaux, entre autres il sollicita l’aide de son cousin Malec, qui, au lieu [16] de l’accorder, saisit l’occasion pour le réprimander avec acrimonie pour sa négligence dans cette occasion, et pour sa prodigalité générale, son libertinage et son esprit de querelle, lui disant qu’il était une honte pour sa famille, et qu’il s’était fait d’innombrables ennemis.
La défense d’un poète était probablement mieux faite dans le langage poétique, et Tarafa a produit la composition suivante pour justifier son caractère et sa conduite, qu’il justifie hardiment à tous égards, et revendique même des éloges pour le cours même de sa vie qui l’avait exposé à la censure.
Il se glorifie de sa passion pour les femmes et commence, comme d’habitude, par déplorer le départ de sa bien-aimée Khaula (ou le « tendre faon »), dont il décrit la beauté avec beaucoup de vivacité. On aurait aimé qu’il en dise davantage sur sa maîtresse et moins sur son chameau, dont il entrelace une description très longue et peu agréable.
Le reste du poème contient un èloge sur sa propre force d’âme, sa vivacité, sa libéralité et sa valeur, mêlé de vives remontrances sur la méchanceté et l’ingratitude de Malec, et de tous les sujets courants en faveur de la volupté : il triomphe même d’avoir tué et habillé l’un des chameaux de son père, et blâme le vieil homme pour sa grossièreté et son avarice.
C’est une tradition conservée par Abu Obeida, que l’un des chefs, que le poète complimente dans le quatre-vingt-unième distique, lui fit cadeau de cent chameaux, et lui permit, comme il l’avait promis, de convaincre son frère que la poésie pouvait réparer sa perte.
Le mètre est le même que celui utilisé par Amriolkais.