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La guerre de Dahis, dont Amriolkais est censé avoir été la cause, avait duré près de quarante ans, si l’on en croit les récits arabes, entre les tribus d’Abs et de Dhobyan, qui commençaient toutes deux à se lasser d’une lutte aussi sanglante et aussi ruineuse. Un traité fut donc proposé et conclu ; mais Hosein, fils de Demdem, dont le frère Harem avait été tué par Ward, fils d’Habes, avait prêté un serment solennel, assez courant chez les Arabes, de ne pas se laver la tête dans l’eau avant d’avoir vengé la mort de son frère en tuant Ward lui-même ou l’un de ses plus proches parents. Il ne resta pas longtemps sans se laver la tête ; on suppose même qu’il viola la loi de l’hospitalité en tuant un invité qu’il découvrit être un Absite descendant en ligne directe de l’ancêtre commun Galeb.
Cet esprit malin et vindicatif déplut grandement à Hareth et Harem, deux chefs vertueux de la même tribu que Hosein, et lorsque les Absites s’approchèrent en ordre de guerre pour [30] se plaindre de l’infraction au traité, Hareth envoya son propre fils à la tente de leur chef avec un présent de cent beaux chameaux, en expiation du meurtre de leur compatriote, et un message indiquant sa ferme confiance en leur honneur, et son espoir qu’ils préféreraient le lait des chameaux au sang de son fils. Sur ce, Rabeiah, le prince d’Abs, ayant harangué ses troupes et reçu leur approbation, renvoya le jeune homme avec cette réponse, qu’il acceptait les chameaux comme un cadeau expiatoire, et qu’il suppléerait à l’imperfection du premier traité par une paix sincère et durable.
En commémoration de ce noble acte, Zohair, alors très vieux, composa le panégyrique suivant sur Hareth et Harem ; mais le début en est, comme tous les autres, amoureux et élégiaque : il a aussi quelque chose de la forme dramatique.
Le poète, supposé voyager avec un ami, reconnaît le lieu où la tente de sa maîtresse avait été dressée vingt ans auparavant ; il le trouve sauvage et désolé ; mais son imagination est si échauffé par des idées associées d’un bonheur passé, qu’il semble discerner une compagnie de demoiselles, avec sa favorite au milieu d’elles, dont il donne une image très vivante de l’apparence et du voyage ; et de là passe, assez brusquement, aux louanges des deux faiseurs de paix et de leur tribu ; invective contre la malignité de Hosein ; personnifie la guerre, dont il décrit les misères d’une manière très figurative ; et conclut par un certain nombre de belles maximes, assez semblables aux proverbes de Salomon, qu’il répète à son ami comme un échantillon de sa sagesse acquise par une longue expérience.
La mesure est la même que celle des premier et deuxième Poèmes.