Notre père Adam, sur son lit de mort, fut si terrifié à l’idée de la dissolution, qu’il envoya son fils, le patriarche Seth, à la porte du Paradis pour supplier [37] le chérubin de garde de lui donner un seul fruit de l’arbre de vie. L’ange, incapable d’accéder à la requête, mais touché de pitié pour la race déchue, par la permission d’Allah, cueillit une branche qui avait trois rameaux et la donna au messager. Seth revint pour trouver son père mort. Il planta la branche à la tête de la tombe d’Adam, où elle prit racine et grandit à travers les siècles. Bien qu’elle ait survécu au Déluge, elle fut oubliée par l’humanité.
Or, le patriarche Lot, dont la femme avait été transformée en une énorme colonne de sel gemme qui est encore un spectacle merveilleux près du Djebel Usdum, sur la rive sud de la mer qui porte son nom, tomba dans un péché si grave que, lorsque sa conscience se réveilla, il désespéra de son salut. Il aurait pu se tuer si un ange d’Allah n’était pas apparu et ne lui avait dit de prendre une cruche pleine d’eau du Jourdain et d’aller dans la région montagneuse arroser un petit arbre qu’il trouverait poussant au fond du tombeau d’Adam. L’ange lui dit aussi que la plante, si elle poussait, serait un moyen de grâce pour toute l’humanité. Lot se précipita avec joie pour accomplir sa mission. C’était une journée terriblement chaude et un vent violent soufflait lorsque Lot se mit en route pour exécuter les ordres de l’ange. Tandis qu’il gravissait la pente raide qui le menait à l’endroit où se tenait maintenant le khan, appelé « l’Auberge du Bon Samaritain », il vit un pèlerin (certains disent un [38] pèlerin russe) étendu au bord de la route, apparemment au bout de son souffle. Lot, qui avait bon cœur, s’agenouilla et lui offrit un verre d’eau. Grande fut sa surprise lorsque le pèlerin, qui n’était autre que le Malin sous forme humaine, vida d’un seul coup la cruche.
Loth, sans un mot, retourna au Jourdain et remplit le récipient, mais une fois encore, après l’avoir fait une bonne partie du chemin, Satan, sous les traits d’un pèlerin épuisé, abusa de sa bonté et but toute l’eau. Une troisième tentative échoua de la même manière. Enfin, le pénitent, accablé par ce troisième échec, se jeta à terre en gémissant : « Si je ne soulage pas la souffrance, j’ajouterai un autre péché à mes péchés. Mais si je donne à boire à tous les assoiffés que je rencontre, comment arroserai-je l’arbre de mon salut ? » Accablé de fatigue et de chagrin, il s’endormit sur place, et dans un rêve, l’ange lui apparut une fois de plus et lui dit qui étaient en réalité les prétendus pèlerins, ajoutant que son altruisme avait été agréé par Allah et que ses péchés lui avaient été pardonnés, tandis que l’arbre avait été arrosé par les anges.
Loth mourut en paix, et l’arbre grandit et fleurit, mais le diable ne cessa de comploter pour le détruire jusqu’à ce qu’il réussisse enfin à persuader Hiram de le couper pour la construction du temple de Salomon. Le tronc fut ainsi transporté à Jérusalem, mais l’architecte, ne trouvant aucun usage pour lui, le fit jeter dans la vallée à l’est de Jérusalem, où il servit de passerelle sur le torrent du Cédron, et fut ainsi utilisé jusqu’à ce que Belkis, reine de Saba, vienne rendre visite à Salomon. En approchant de la ville, elle fut inspirée par la conscience de la nature précieuse du pont [39] qu’elle devait traverser, et en l’atteignant, elle refusa d’y poser le pied, mais s’agenouilla et l’adora. Le sage roi d’Israël, qui était venu à la rencontre de son hôte, fut très surpris de sa conduite ; mais lorsqu’elle lui dit d’où venait le tronc et à quoi il était destiné, il le fit ramasser, nettoyer soigneusement et conserver dans l’une des salles aux trésors du temple. Il y resta jusqu’à ce qu’il soit nécessaire de construire la croix sur laquelle le Christ mourut. Quiconque prend la peine d’examiner le pont de pierre actuel sur le Cédron, près de la colonne d’Absalom, peut voir quelques-unes des grosses pierres où le tronc reposait autrefois.