[p. 76]
[p. 77]
[p. 78]
[p. 79]
Dans l’eschatologie musulmane, Bâb el Khalil est représenté comme la Porte de Lydda où 'Isa ibn Maryam détruira l’Antéchrist, bien que certains érudits, comme Abulfeda et Kemâl-ed-dìn, affirment que l’événement aura lieu près de l’entrée de la ville de Lydda, et, en fait, un puits à l’intérieur d’un petit bâtiment en forme de dôme situé à mi-chemin entre Lydda et Ramleh, et appelé « Bir es Zeybak » ou le puits de mercure, est indiqué comme l’endroit exact où le « Dejjâl » (littéralement imposteur) ou l’Antéchrist sera tué.
Juste à l’intérieur de la porte d’entrée, et sur le côté gauche après avoir passé le portail, se trouvent deux cénotaphes dans une enceinte derrière une grille en fer. De vieilles jarres, des boîtes de conserve, des selles, etc., placées à côté des cénotaphes, ou empilées dans les coins de l’espace ouvert qui les entoure, montrent que deux « Welis » ou saints sont enterrés ici. Les inscriptions qui existaient autrefois étant maintenant complètement effacées, [80] personne ne sait exactement qui ils étaient. Certains pensent que les tombes sont celles des deux frères architectes sous la supervision desquels les murs actuels de la ville ont été construits au début du XVIe siècle. D’autres ont informé l’auteur que les monuments marquent les tombes de « Mûjahedìn », ou guerriers de l’Islam, à l’époque de Bûkhtûnnussur (Nébucadnetsar) [1] ou de Salah-ed-din (Saladin), tandis qu’une autre histoire raconte que le « wely » enterré ici était un homonyme et contemporain de Salah-ed-din qui était en charge de la porte lorsque les chrétiens assiégèrent la ville, [2] et quand il tomba dans la bataille, sa tête coupée saisit son cimeterre avec ses dents, et éloigna les chrétiens sept jours et nuits.
Concernant Nebucadnetsar, on raconte que bien avant la destruction de la Jérusalem préexilique, Jérémie ou ‘Ozair (Esdras), le prophète, le connaissait comme un jeune homme affamé, affligé d’une croûte sur la tête et couvert de vermine. Ayant prédit sa grandeur future, le prophète obtint du jeune homme une lettre d’« Amân » ou de sécurité pour lui et ses amis particuliers, afin qu’ils soient disponibles au moment où les désastres prédits par le prophète s’abattaient sur le malheureux Beyt-el-Makdas. Lorsque, bien des années plus tard, Jérémie apprit que les armées babyloniennes étaient effectivement en chemin, il descendit à Ramleh, présenta le document à Bûkhtûnnussur et réclama la protection promise. Cela lui fut accordé ; [81] b lorsque le prophète demanda que la ville et le Temple soient également épargnés, l’envahisseur répondit qu’il avait reçu l’ordre d’Allah de les détruire.
Pour prouver son dire, il fit observer à Jérémie la trajectoire de trois flèches qu’il lança au hasard. La première, dirigée vers l’ouest, tourna dans la direction opposée et frappa le toit du Temple de Jérusalem. La seconde flèche, dirigée vers le nord, eut le même effet, de même que la troisième, tirée vers le sud. La ville et le Temple furent entièrement détruits, et les meubles d’or de ce dernier transportés à Rome par ordre de Nébucadnetsar.
'Ozair reçut cependant une promesse d’Allah selon laquelle il aurait le privilège de voir la restauration de Jérusalem. Un jour, alors qu’il passait devant les ruines avec un âne et un panier de figues, il ne put s’empêcher d’exprimer un doute quant à la possibilité de cela, lorsqu’Allah le fit s’endormir pendant un siècle entier, au terme duquel il fut ramené à la vie et trouva la ville reconstruite, peuplée et prospère. Le squelette de son âne, étant revenu à la vie et recouvert de chair et de peau, se mit à braire et fut admis au Paradis, en récompense de l’un de ses ancêtres qui avait été injustement battu pour avoir refusé de faire entrer Iblìs dans l’arche. En voyant la résurrection de son âne, 'Ozair fut convaincu que ses expériences étaient réelles et qu’il avait effectivement dormi pendant cent ans. Il entra alors, obéissant au commandement divin, à Jérusalem et [82] instruisit ses habitants de la loi d’Allah. L’endroit même où le prophète a dormi si longtemps est montré à El Edhemìeh, au nord de la Ville Sainte, dans la grande grotte appelée la Grotte de Jérémie ; et une histoire comme celle d’Ozair est lue dans les églises grecques pendant le service prévu pour le 4 novembre, lorsque la chute de Jérusalem est commémorée.
Les traditions juives rapportent que le célèbre poète hébreu, Rabbi Judah ha Levi, de Tolède, trouva la mort à ce Bab el Khalil. Dès sa plus tendre enfance, il avait désiré visiter la Terre Sainte et la ville, mais il en avait été empêché. Enfin, dans sa vieillesse, les obstacles sur son chemin furent levés. Mais il n’entra jamais à Jérusalem. En arrivant à la porte, il fut saisi d’une telle émotion qu’il se prosterna dans la poussière et resta là, pleurant, sans se soucier du danger. Une bande de cavaliers armés galopait vers la ville. Le vieillard ne les vit ni ne les entendit ; et leur approche fut si rapide qu’avant que quiconque ait eu le temps d’avertir ou de sauver le vieux Juif, il avait été piétiné à mort.
Beaucoup de Juifs orthodoxes de Jérusalem croient que, cachée dans les poteaux de la porte, existe une « Mezûzah », ou un coffret semblable à ceux qu’on voit aux portes des habitations juives, placé ici par le Tout-Puissant et contenant un parchemin sur lequel sont écrits, par le doigt de Dieu Lui-même, les textes Deut. VI. 4-9 et XI. 13-21. En conséquence de cette croyance [83] de nombreux Juifs pieux, en entrant ou en sortant, touchent légèrement et respectueusement le poteau de la porte, puis baisent leurs doigts.
80:1 Les Arabes musulmans confondent souvent Nébucadnetsar et Titus. Ainsi, le sang de saint Jean-Baptiste aurait continué à couler comme une fontaine sous le grand autel jusqu’à la destruction du Temple par Bûkhtûnnussur, et même alors il n’aurait cessé de couler jusqu’à ce que Bûkhtûnnussur ait massacré un millier de Juifs.—Éd. ↩︎
80:2 Ce qui, soit dit en passant, ne s’est pas produit à l’époque de Salah-ed-din ; c’était l’inverse. ↩︎