Le Kharrûb, [^160] parmi d’autres arbres et arbustes, tels que le figuier, le sycomore et le câprier, est un perchoir pour les démons de diverses sortes, et ainsi classé parmi les plantes impies, tandis que l’olivier, entre autres, est sacré, non seulement à cause de sa grande valeur en fournissant de l’huile et de la nourriture, mais aussi à cause de la légende suivante :
« À la mort de Mahomet, les arbres, à quelques exceptions près, comme le chêne, le pin, l’oranger et le cédratier, prirent le deuil en perdant leurs feuilles comme ils le font en hiver. Lorsqu’on demanda aux autres pourquoi [287] ils ne faisaient pas de même, l’olivier, en tant que leur aîné et porte-parole, répondit : « Vous montrez votre chagrin par des signes extérieurs, mais notre chagrin, qui ne se soucie pas de l’opinion des autres, mais seulement qu’Allah, qui lit les secrets du cœur, approuve nos motivations, n’est pas moins sincère, bien qu’intérieur. Si vous fendiez mon tronc, par exemple, vous découvririez qu’au fond il est devenu noir de chagrin. »
L’Abhar [1] est un autre arbre sacré, parce que sa noix sert à la fabrication de rosaires [2], et parce que, lors de sa fuite devant Pharaon, Moïse, fatigué dans le désert sans ombre, planta son bâton de storax dans la terre et se coucha à son ombre maigre, qui augmenta instantanément, Allah faisant germer le bâton et produire des branches portant des feuilles et des fleurs. De même, la Myriamîyeh ou sauge [3] est très estimée ; non seulement pour ses propriétés médicinales qui font que ses feuilles séchées sont brûlées en fumigation dans les cas de choléra, de variole, de rougeole et d’autres maladies contagieuses et épidémiques, tandis qu’une infusion de ses feuilles est un spécifique pour diverses maladies ; mais aussi parce que la Vierge Marie, accablée de fatigue pendant sa fuite en Égypte, se reposa sous un buisson de sauge ; et, cassant un bouquet de ses feuilles, s’essuya le front avec elles ; et quand elle se leva rafraîchie, elle bénit la plante et lui accorda les vertus qu’elle possède maintenant.
Le lotus [4] est aussi une plante sacrée. Il marque [288] souvent les limites entre les terres de différents villages, et certains croient que la haie qui entoure le paradis en est formée. Lorsqu’un lotus atteint l’âge de quarante ans, il devient souvent la demeure d’un saint défunt. Il est donc dangereux de couper un lotus qui a dépassé cet âge, car le saint pourrait s’en offusquer. En voyageant à travers la Palestine, on rencontre fréquemment des bouquets d’arbres sacrés, pas nécessairement toujours des lotus, qui sont ainsi hantés par les esprits des saints ; et, le jeudi soir surtout, on voit parfois ces arbres illuminés, et on peut entendre des bribes de musique instrumentale sacrée en sortir, tandis que des lumières semblent jaillir d’un arbre à l’autre. C’est un signe que les saints célèbrent une fête et échangent des visites. Un arbre sacré très affecté par ces esprits est le tamaris. [5] Si, en passant devant ces arbres par des nuits venteuses, vous écoutez attentivement, vous pourrez parfois entendre distinctement le saint nom « Allah » murmurer à travers les branches.
On ne sait pas généralement qu’une des preuves que l’époque à laquelle les chrétiens grecs orthodoxes célèbrent Noël est la bonne et que les Latins et autres Occidentaux ont tort dans leur célébration, c’est que la veille de Noël grecque tous les arbres et toutes les plantes, mais surtout ceux des rives du Jourdain, adorent le Sauveur. Ce fait important a été découvert de la manière suivante : Un certain homme arriva à Lydda peu avant minuit la veille de Noël grecque. En arrivant à son quartier, il attacha son âne au tronc d’un [289] palmier qui, comme il gisait prostré dans la cour, il supposa naturellement qu’il avait été renversé par un orage récent. Le lendemain matin, cependant, quand il se leva et alla s’occuper de son âne, sa surprise fut grande de trouver l’arbre debout et l’âne pendu à côté et au tronc du palmier. Comme l’animal était complètement mort, le fait était incontestable.
Une autre plante remarquable, dont on parle beaucoup, est l’herbe à tortue. Celui qui la trouve a fait fortune à plus d’un titre. En premier lieu, ses feuilles sont d’or pur. De plus, si quelqu’un a la chance de la trouver et de la cueillir, il a le merveilleux pouvoir de gagner inconsciemment la bienveillance de tout le monde et peut, s’il le veut, fasciner hommes et femmes et en faire ses esclaves consentants. Même s’il marche inconsciemment sur cette plante, sans la cueillir, il est capable, sans qu’il en soit conscient, ni que d’autres puissent l’expliquer, de gagner l’amour et l’estime de tous ceux qu’il rencontre. Même les chèvres qui la broutent ont leurs dents changées en or. Malheureusement, cette plante est extrêmement rare. Il y a quelques années, un fellah vivait dans un village de Judée qui savait tout à son sujet, où elle poussait, à quelle saison on pouvait la trouver, son apparence, etc. Un riche Bethléhémite lui avait offert une forte somme d’argent pour ces secrets, mais, étant un homme de principes, il refusa l’offre plutôt que de trahir l’honneur du pays en mettant un chrétien en possession de tels pouvoirs.Il est mort maintenant, et ses connaissances ont péri avec lui.