Lundi.—Endettez-vous pour votre nourriture, mais ne travaillez pas le lundi. Ne visitez pas un infirme le lundi, car cela augmenterait ses souffrances. Si vous dépensez de l’argent le lundi matin, vous serez perdant toute la semaine. Les jeunes filles jeûnent le lundi, afin de pouvoir se marier bientôt [304] ; et les vieilles femmes afin que saint Michel soit avec elles quand elles mourront.
Mercredi.—Chaque mercredi a au moins une heure malchanceuse.
Vendredi.—Quiconque tombe malade un vendredi mourra. Si quelqu’un naît un vendredi, il mourra lui-même, ou bien son père ou sa mère. Si une mère frappe son fils à l’œil un vendredi, alors qu’elle se tient sur le pas de la porte au moment où le muezzin appelle à la prière, elle fait monter le Jân sur l’enfant et le rend fou. Le grand fleuve souterrain qui coule devant la porte de Damas s’arrête pour aller au culte le vendredi. Ne puisez pas d’eau d’un puits le vendredi à l’heure de l’appel à la prière du muezzin, car si vous le faites, le Jân du puits vous arrachera l’intellect.
Samedi.—C’est un acte méritoire de visiter (les tombes des) morts le samedi.
Kanûn el Awwal = Décembre.
Le jour de la Sainte Barbe (4 décembre), on fait couler de l’eau du trou de souris, les jeunes filles se mettent du khôl sur les yeux et dans chaque famille on fait bouillir du maïs. On réserve une assiette de ce grain bouilli à chaque membre de la famille, parents, amis, etc., et on le saupoudre de sucre et de graines de grenade pour la nuit, afin que Mar Saba, dont le jour est celui qui suit immédiatement la Sainte Barbe, puisse le piétiner et bénir la maison et les provisions de la maison.
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La forme locale de la légende de Sainte-Barbe est curieuse et se présente ainsi :
« Le père de Barbara était un grand officier romain, un païen, qui vivait dans la Kula’a ou citadelle de Jérusalem, où, dit-on, sa demeure existe encore. La fille s’était convertie au christianisme, et comme elle refusait d’abjurer, son père et son frère furent si en colère qu’ils l’enfermèrent pendant quatre jours dans un four chaud. Quand, au bout de ce temps, ils ouvrirent le four, la jeune fille, à leur grande surprise, en sortit vivante et en bonne santé. Comme elle refusait toujours de renier le Christ, on résolut de la faire bouillir à mort. On mit donc sur le feu un grand chaudron rempli d’eau ; mais quand il commença à bouillir et que les païens allaient y mettre Barbara, on découvrit qu’il était si plein de blé qu’il n’y avait plus de place pour la sainte. Son père et son frère prirent alors leurs épées et la tuèrent à eux deux, mais furent eux-mêmes frappés par la foudre immédiatement après. » La fête de la Sainte-Barbe est célébrée par les Latins, les Grecs et les Arméniens.
Kanûn eth Thâni = Janvier.
Ce mois est muet (c’est-à-dire humide et misérable) et si froid que les poules pondent des œufs tachés de sang. Le jour de l’an, la table est laissée telle quelle, avec les plats et la nourriture dessus, après les repas afin que les puissants parmi les Jân (El furrâs el Janìyeh) puissent y déposer des sacs d’or. Les autres jours de l’année, cependant, la table n’est pas laissée dans cet état. Si elle l’était, elle serait emportée par les anges.
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A la fête de l’Epiphanie, la pâte lève sans être levée, et le levain fait avec cette pâte ne doit en aucun cas être prêté à qui que ce soit. Des grâces spéciales sont accordées à l’Epiphanie, et l’on dit que les arbres des bords du Jourdain adorent le Sauveur à cette fête. (Voir chapitre « Connaissances animales et végétales ») Quiconque mange des lentilles pendant les douze jours qui suivent la fête de la Nativité est sûr d’être atteint de la gale.
Shebât = Février.
Un chat qui frappe, qui plonge, qui se vautre, et pourtant avec une odeur d’été. On ne peut pas se fier à février. C’est le mois où les chats se mettent à chaton. Le soleil de février fait palpiter la tête, c’est-à-dire provoque de violents maux de tête.
Adâr = Mars.
Adâr est le père des tremblements de terre et des averses. Garde tes plus gros morceaux de charbon pour ton oncle Adâr. Il te rassasiera de sept grosses chutes de neige, sans compter les petites. Et pourtant, pendant Adâr, le berger peut sécher ses vêtements trempés sans feu. On dit que le soleil d’Adâr rend les vêtements étendus extrêmement blancs. C’est pourquoi c’est une époque favorite des femmes pour faire leur lessive et plus particulièrement pour laver leurs « azârs », c’est-à-dire les draps blancs dans lesquels elles s’enveloppent lorsqu’elles partent en voyage. Le soleil d’Adâr rend aussi le teint clair. C’est pourquoi les vieilles femmes disent : « Le soleil [307] de Shebât pour ma belle-fille (car il donne des maux de tête), celui d’Adâr pour ma fille (car il embellit le teint) et celui de Nisân (avril) pour ma sénilité (car il apporte une nouvelle vie et de la vigueur). A la fête des Quarante Martyrs, il est d’usage d’allumer quarante mèches, placées dans de l’huile, en l’honneur de ces saints « qui étaient chrétiens du temps de Néron. Pour les forcer à abjurer, ils furent exposés nus toute une nuit d’Adâr sous la neige, et des festivités se déroulèrent devant eux dans un palais ; et on leur dit que si pendant la nuit l’un d’eux désirait renier le Christ, il n’avait qu’à entrer dans le palais et se joindre aux festivités. A minuit, l’un d’eux le fit ; mais sa place fut immédiatement prise par l’une des sentinelles romaines, qui prouva ainsi sa sincérité en confessant le Sauveur. Le lendemain matin, toute la troupe, dont le nombre avait ainsi été préservé intact, fut retrouvée morte de froid. » Les trois premiers jours d’Adâr sont appelés « El Mustakridât », un nom qui signifie « ceux qui sont en carême », et qui s’explique généralement par la légende suivante :
« Une vieille bergère de Bedawi, qui gardait ses troupeaux dans l’un des oueds qui descendaient vers la mer Morte, fut entendue par Shebât, que l’on considère comme une personnalité, se moquer de lui parce qu’il n’avait pas envoyé de pluie. Furieux d’être ainsi tourné en dérision, Shebât dit à Adâr : « Ô mon frère Adâr, il ne me reste que trois jours, [308], et ils ne sont pas suffisants pour me permettre de me venger de la vieille femme qui s’est moquée de moi. Prête-moi donc trois jours de toi. » Adâr accéda volontiers à la requête de son frère. Il en résulta six jours de fortes pluies, et les seyls, ou torrents d’hiver venus des collines, emportèrent la vieille femme et son troupeau dans la mer. » Si l’année doit être bonne, cela dépend d’Adâr. Les musulmans disent : « La viande et le leben d’Adâr sont interdits aux infidèles », ce qui signifie qu’ils sont si bons que les chrétiens ne doivent pas y goûter – une moquerie face au jeûne strict du Carême.
Nisân = Avril.
Nisân est la vie de l’homme, c’est-à-dire qu’il vivifie et revigore. Pendant les averses de Nisân, les bivalves (huîtres) vivant au fond de la mer, remontent à la surface et ouvrent leurs coquilles. Dès qu’une goutte de pluie tombe dans une de ces huîtres ouvertes, la coquille se ferme et l’animal coule au fond. La goutte de pluie à l’intérieur devient une perle.
Il est de coutume pour les gens de pique-niquer pendant Nisân et de boire du lait lors de ces pique-niques.
Iy-yâr = Mai.
Iy-yâr fait mûrir les abricots et les concombres, les serpents et les perdrix deviennent blancs (je suppose que cela signifie que pendant ce mois les serpents changent de peau et les perdrix muent).
Hezeran et Tammûz = juin et juillet.
Faire bouillir l’eau dans la cruze, c’est-à-dire que ce sont des mois chauds.
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Ab = Août.
Mois redouté. Mais cueillez la grappe et ne craignez rien, c’est-à-dire que les raisins sont mûrs et peuvent être mangés en toute impunité. Prenez garde à ne pas tenir un couteau le 29 Ab, jour de la décapitation de saint Jean-Baptiste.
Eylûl = Septembre.
La veille de la fête de la Croix (14 septembre), il est d’usage d’exposer sur le toit des maisons pendant la nuit sept petits tas de sel qui représentent respectivement les sept mois qui suivent Eylûl. En observant le lendemain matin lequel de ces tas de sel est le plus humide, on peut savoir dans quels mois il y aura de fortes pluies.
Tashrìn el Awwal et Tashrìn eth-thâni = Octobre et Novembre.
Les personnes nées durant ces deux mois sont promptes à se mettre en colère.
En cas de décès dans la maison, il n’est pas permis de la balayer pendant trois jours, de peur que d’autres membres de la maisonnée ne meurent par suite.
Faites attention à ne jamais renverser d’eau sans « nommer », sinon le Jân pourrait vous molester et se coller à vous. Prenez garde à ne jamais marcher sur la tête d’un garçon de peur qu’il n’ait une croûte sur la tête ou qu’il en meure.
Durant la période entre le Carnaval et le Dimanche des Rameaux, les âmes (fantômes) des défunts ont la permission de rendre visite à leurs amis vivants.
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Tout nombre impair, et particulièrement le nombre onze, porte malheur.
Il est préférable de rencontrer un démon (kird) dès le matin plutôt que de rencontrer un homme qui a naturellement un visage sans poils.
Il est très difficile de s’entendre avec un homme borgne, et un homme avec une « kussa » ou barbe de chèvre pointue est plus rusé qu’Iblìs lui-même.
Les furoncles sont la conséquence de la tentative du malade de compter les étoiles. Celui qui renverse du sel souffrira de tumeurs.
C’est un péché de tuer une tourterelle parce que cet oiseau a été teinté de gouttes du sang du Sauveur lors de la Crucifixion.
Si une querelle se déroule et qu’une personne présente retourne une chaussure, la dispute deviendra plus violente.
Les gens grands sont des simples d’esprit.
Si un chien hurle la nuit sous la fenêtre d’une maison, c’est un signe que quelqu’un dans cette maison va mourir.
Si vous entendez un chien hurler la nuit, retournez une chaussure et il s’arrêtera sûrement.
NOTE.—Le renversement d’une chaussure m’a été expliqué comme un acte de respect envers le Jân. Quand on adore Allah, le visage est tourné vers Lui et la plante des pieds est la plus éloignée. En tournant donc la semelle d’une chaussure le plus loin possible du Jân, on implique un respect qui confine à l’adoration. Les démons acceptent le compliment et s’apaisent, et Allah, qui est bon et sait qu’on ne Lui fait aucune insulte, ne s’offense pas de cet acte.