Dans ces déserts désolés de terres nées de la mer,
ces étendues sauvages où nul ne peut habiter sauf Lui,
Quels passés visionnaires renaissent,
quel processus des Années voyons-nous :
Regarder au-delà de la fine ligne bleue
qui borde l’anneau d’horizon lointain,
Notre vue attristée, pourquoi hanter ces fantômes,
d’où viennent ces ombres spectrales ?
Quelles questions sans fin tourmentent la pensée,
d’où et où, quand et comment ?
Quelle lutte affectueuse et stupide à lire
l’Écriture écrite sur le front humain
Alors que nous nous perchons sur le point du Temps,
entre les deux éternités,
Dont les terribles secrets s’accumulent
avec un noir profond opprime nos yeux.
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« Cette nuit sombre, ces vagues macabres,
ces vents et tourbillons bruyants et redoutables :
Que pensent-ils de notre misérable situation ?
Qui foule si légèrement le rivage de la sécurité ?
Ainsi parle le barde de l’amour et du vin,[1]
dont le rêve du paradis ne pourrait jamais se réaliser
Au-delà de la coupe débordante de Kausar
et Houris aux yeux blanc-noir;
Ah moi ! ma course de soixante ans est courte,
mais assez longtemps pour ennuyer
Mon sens avec des joies sans joie comme celles-ci,
avec amour et houris, vin et tout.
Un autre se vante qu’il divorcerait
vieille Raison stérile de son lit,
Et épouser la Vigne-Servante à sa place ;
des imbéciles qui croient un mot de ce qu’il a dit ![2]
Et « Tu es poussière et tu retournes à la poussière »,
on n’a jamais parlé d’âme humaine”
Le Soofi pleure, c’est bien pour lui
qui a un tel don pour demander son but.
« Et c’est tout, pour cela nous sommes nés
pleurer un peu et mourir !
Ainsi chante le barde superficiel dont la vie
peine encore à la lettre « I ».
L’oreille n’a jamais entendu, l’œil n’a jamais vu
la béatitude de ceux qui entrent
Mon royaume céleste, dit Isâ,
qui a pleuré nos douleurs et nos péchés :
Trop de mots ou pourtant trop peu !
Quoi de plus facile pour ta divinité que
Un petit aperçu du paradis
ouvrir les yeux et les oreilles de l’homme ?
Je suis la Vérité! Je suis la Vérité!
nous entendons le cri gnostique ivre de Dieu
Le microcosme demeure en MOI ;
Allah éternel n’est rien d’autre que moi !
Mansûr[3] était sage, mais plus sages encore étaient-ils
qui le frappèrent à coups de pierres lancées;
Et, bien que son sang soit un témoin,
aucune sagesse-puissance ne pouvait réparer ses os.
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« Mangez, buvez et faites du sport ; le reste de la vie est
ça ne vaut pas un coup de pouce, dit le roi;
Il me semble que le dicton en dit trop :
le porc dirait la même chose !
Des bêtes à deux pattes qui parcourent la vie,
par la mort pour servir de sol conçu,
S’incliner vers la terre dont ils sont issus,
et là se trouvent les plaisirs appropriés :
Mais toi, tu es d’une étoffe plus fine, plus noble,
vous, à qui le Très-Haut conduit,
Qu’est-ce qui lie vos cœurs par un lien commun ?
avec des créatures de l’étable et de la porcherie ?
Dans un certain espoir de la vie à venir
Je voyage à travers cette scène changeante
Le Zâhid[4] grogne et déambule
sa Vallée des Larmes avec un air confiant.
Tu es plus sage que le fils d’Amrân[5],
qui connais si bien le monde à venir,
Le futur quand le passé n’existe pas,
le présent n’est qu’une simple rêverie ;
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Que sais-tu, homme, de la vie ?
et pourtant, pour toujours entre l’utérus, la tombe,
Tu parles de la Vie à Venir,
du Ciel et de l’Enfer tu dois vouloir délirer.
Le monde est vieux et tu es jeune ;
le monde est grand et tu es petit;
Cesse, atome d’un instant,
Pour te tenir un Tout-en-Tout !
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