'Isâ Ibn Hisham nous raconta ce qui se passait : « Quand je fus investi de l’autorité sur Basra, et que je descendis de la Présence, [2] il y avait avec moi sur le bateau un jeune homme, comme s’il était en bonne santé physique. Il dit : « Dans les extrémités du monde et ses directions, je suis perdu, mais on peut me compter comme un millier et je peux tenir lieu de ligne. Veux-tu me prendre pour favori, [3] et ne pas demander de moi une recommandation ? » Je dis : « Quelle recommandation plus forte que ton excellence, et quels moyens plus grands que ta sagesse ? Non, mais je te rendrai le service d’un ami [4] et serai ton partenaire dans les circonstances faciles et difficiles. » Nous continuâmes donc notre voyage. Or, lorsque nous arrivâmes à Bassora, il disparut de ma vue pendant plusieurs jours. Son absence me fit perdre patience et je le cherchai dans les régions intérieures jusqu’à ce que je le trouve. Je lui demandai alors : « Qu’as-tu désapprouvé et pourquoi t’es-tu enfui ? » Il me répondit : « L’éloignement brûle dans la poitrine comme le feu s’allume dans le bâton de feu. S’il est éteint, il s’apaisera et disparaîtra, mais s’il continue à exister, il se dispersera et se répandra. Et le vase se remplira et débordera si les gouttes y tombent successivement ; et l’opprobre, s’il est laissé à lui-même, éclorera et se répandra. » Aucun piège ne saisit l’homme libre comme la générosité, et aucun fléau ne le repousse comme la grossièreté. Mais, de toute façon, nous regardons d’en haut, sur les généreux, avec un regard amoureux, et sur les ignobles, avec un regard méprisant. C’est pourquoi nous accueillerons avec une trompe d’éléphant celui qui nous rencontre avec un long nez, et nous nous débarrasserons de celui qui nous regarde de travers pour un prix dérisoire. Or, tu ne m’as pas planté pour que ton esclave me déracine, ni acheté pour que tes serviteurs me vendent. Un homme est connu de ses serviteurs, comme un livre est connu par son inscription. Par conséquent, si leur grossièreté était quelque chose que tu as ordonné, qu’est-ce qui l’a rendu nécessaire ? Et si tu ne t’en rends pas compte, c’est très surprenant. » Puis il dit :
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« Les deux mains de Khalaf [5] ibn Aḥmad ont prospéré, car il est
Facile d’accès, et ses serviteurs sont respectueux.
N’as-tu pas remarqué que la générosité passe par-dessus l’humanité ?
Et prend sa place permanente dans sa main ?
D’après 'Isá Ibn Hishám : « Il s’en retourna et je le suivis pour le concilier, et je ne cessai de l’apaiser jusqu’à ce qu’il revienne après avoir juré : « Je n’irai pas chez quelqu’un dont la compagnie est mauvaise. » Je lui ai donc témoigné le respect qui lui était dû. »
148:2 Khalaf ibn Ahmed : Amír de Sijistan (Seistan) (né en 326, mort en prison en 399 H). La date de sa nomination par le souverain samanide n’est pas donnée mais en 354 il est fait référence à une révolte contre son règne (Ibn al-Athír, viii, 416). En 393 Maḥmúd de Ghazna lui arracha Sijistan et l’envoya en captivité honorable à Juzján, mais quatre ans plus tard il fut découvert alors qu’il tentait d’inciter Ilik Khan contre le conquérant et fut gardé en détention à Jardiz jusqu’à sa mort en 399 H. Il était un grand mécène des lettres et on dit qu’il a réuni un certain nombre d’hommes érudits pour faire une compilation exhaustive des interprétations du Coran. Le résultat de leurs travaux fut un ouvrage de cent volumes ! Son traitement cruel envers ses fils et la manière perfide avec laquelle il a provoqué la mort du Qáḍí Abú Yúsuf ont jeté une tache sur sa mémoire. (HF Ahmedroz dans le JRAS, 1901, pp. 524-31, et Ibn al-Athír, ix, 113-123.) ↩︎
148:3 De la présence : C’est-à-dire de la présence du Calife à Bagdad. ↩︎
148:4 … Un favori : Littéralement, une bonne action. ↩︎
149:1 … L’ami : Une autre lecture, plus appropriée… « l’esclave ». ↩︎
150:1 Les deux mains de Khalaf : Mètre, kámil. Cf. Lettres, pp. 264-5. ↩︎