‘ÍSÁ IBN HISHÁM nous raconta ce qui se passait et dit : J’étais à Nishapur [1] un vendredi, je me suis donc présenté à l’obligatoire. [2] Quand je l’eus accompli, un homme passa près de moi qui avait mis un haut chapeau et avait retourné une partie de son turban sous son menton [3] comme les sunnites. Alors je demandai au fidèle qui était à côté de moi : « Qui est-ce ? » Il dit : « C’est un papillon qui ne s’attaque qu’aux vêtements de laine des orphelins, une sauterelle qui ne s’attaque qu’aux cultures interdites, un cambrioleur qui ne s’introduit [4] que dans le trésor des legs pieux, un Kurde qui ne s’attaque qu’aux faibles, un loup qui ne s’attaque qu’aux serviteurs de Dieu, entre leur agenouillement et leur prosternation, un guerrier qui ne pille que les biens de Dieu, sous couvert [151] d’alliances et de témoins. Il a mis son grand chapeau, mais s’est débarrassé de sa piété ; il a revêtu son manteau de manière conventionnelle, mais a perverti l’usage de sa main et de sa langue ; il a coupé court sa moustache [5], mais a allongé ses pièges ; il a fait étalage de son éloquence véhémente, [6], mais a couvert ses défauts ; il a blanchi sa barbe [7], mais a noirci son dossier ; il a fait étalage de son abstinence, mais a caché son avidité. » Je dis : « Que Dieu maudisse cet homme ! Mais qui es-tu ? » Il répondit : « Je suis un homme connu sous le nom d’al-Iskanderí. » Je dis : « Que Dieu bénisse la terre [8] où a poussé cette excellence, et le père qui a laissé cette progéniture, et, où vas-tu ? » Il répondit : « À la Ka‘ba. » Alors je dis : « Excellente ! Excellente ! est sa fête, bien qu’elle ne soit pas encore préparée ! Nous sommes, dans ce cas, des compagnons de voyage. » Il dit : « Comment cela se fait-il, alors que je monte et que tu descends ? » Je demandai : « Comment peux-tu monter à la Ka’ba ? » Il répondit : « Mais je vais à la Ka’ba des nécessiteux, non à la Ka’ba des pèlerins, à la station de la générosité, non à la station de la sainteté, [9] à la maison des captifs, [10] non à la maison des sacrifices, à la source des dons, [11] non à la Qibla [12] de la prière, au désir [13] des invités, non à la Mina du Khaif. » [14] Je demandai : « Et où sont ces excellences ? » Alors il écrivit en disant : —
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« Où la Foi et le roi [15] sont renforcés par la puissance,
Par qui les joues des nobles actions sont teintes en rouge rosé.
Dans un pays où les espoirs fleurissent,
Pour Khalaf ibn Aḥmad est son nuage de pluie.
150:2 Nishapur (Naisabur): Ville bien connue, capitale de la province du même nom, située à quarante-neuf milles à l’ouest de Meshed. Elle fut prise par les Arabes en 31 A.H. Yaqút dans son Dictionnaire géographique, iv, 757, se référant à cet endroit dit que de toutes les villes qu’il avait visitées, Naisabur (Nishapur) était la plus belle. C’est dans cette ville, dit Tha’alibi (Yatima, iv, 168) qu’Hamadhání écrivit ses quatre cents maqámát et vainquit son grand rival littéraire, le célèbre Abú Bakr al-Khwárazmí. ↩︎
150:3 L’obligatoire : Voir Coran, lxii, 9, qui ordonne la présence au culte en congrégation le vendredi. ↩︎
150:4 Tourné une partie de son turban sous le menton: Ibn al-Athír se réfère à une tradition du prophète dans laquelle les gens ont reçu l’ordre d’attacher l’extrémité du turban sous le menton et il leur était interdit de faire autrement. (Niháyah sous …) ↩︎
150:5 … Interrompt : Littéralement, ennuyeux. ↩︎
151:1 … Il coupa sa moustache courte : Toujours considéré comme une marque extérieure de piété. ↩︎
151:2 … Son éloquence véhémente : De … il (un chameau) braillait dans son shiq-shiqa, ou sac à faucon. Le sens premier est la force de la voix puis l’éloquence véhémente. Shiqshiqa est aussi le nom d’un sermon prêché par ‘Alí et interrompu par un membre de la congrégation, un homme d’Irak, lui tendant une lettre. Quand Ibn ‘Abbás lui demanda de continuer son discours, ‘Alí répondit : « Hélas ! Ibn ‘Abbás, le Shiqshiqa a rugi et s’est calmé », ce qui signifie que l’inspiration du moment s’était envolée. [Nahaj al-Balágha, p. 26 (éd. Beyrouth 1308 A.H.)]. Le dicton est devenu proverbial. Voir Freytag, Arab Proverbs, i, 673. ↩︎
151:3 Il blanchit sa barbe : pour se donner une apparence vénérable. ↩︎
151:4 … Que Dieu bénisse la terre !: Littéralement, que Dieu arrose la terre ! ↩︎
151:5 … La station de sainteté: C’est-à-dire, Muzdalifa. ↩︎
151:6 … La maison des captifs : Le butin de ses campagnes victorieuses. ↩︎
151:7 … Dons et prières : Voir De Sacy, Ḥarírí, i, 18 pour un jeu de mots similaire sur ces mots. ↩︎
151:8 Qibla: Cette partie de l’horizon, ou d’une mosquée, qui est dans la direction de la Mecque vers laquelle les musulmans se tournent pour dire leurs prières. ↩︎
151:9 Désir : Texte, p. 201, ligne 5, pour … lire …. ↩︎
151:10 Mina al-Khaif: Une petite ville près de la Mecque, vers laquelle les pèlerins descendent le matin de l’Aïd. ↩︎
152:1 Où sont la Foi et le Roi : _Mètre, wafir. Ces expressions concernant les deux Ka‘bas se trouvent dans le n° 38, page 101, des Lettres d’Hamadhání. Elles sont citées par Tha‘álibí (Yatíma iv, 176) comme un exemple du style épistolaire élégant d’Hamadhání. Elles sont également citées par Ibn Khallikan, 113. Leur principal mérite consiste en un simple jeu de mots impossible à conserver dans une traduction en anglais. Pour des critiques similaires et supplémentaires du Qáḍí et une description de ce que devrait être un Qáḍí, voir les Lettres de l’Auteur, pp. 168-9. ↩︎