'ÍSÁ IBN HISHÁM nous a raconté et dit : Quand Abú’l-Fatḥ al-Iskanderí équipa son fils pour le commerce, il le fit asseoir pour le réprimander. Après avoir loué Dieu et l’avoir remercié, et avoir béni Son Apôtre – que Dieu le bénisse et le sauve ! – il dit : « Ô mon cher fils, bien que je me fie à la solidité de ta sagesse et à la pureté de ta race, je suis toujours soucieux [1] et la sollicitude augure mal. Et je ne suis pas exempt de crainte pour toi à cause du désir et de son pouvoir, de la concupiscence et de son démon. Cherche donc secours contre eux, le jour par le jeûne, et la nuit par le sommeil. En vérité, c’est un vêtement dont l’extérieur est la faim et dont l’intérieur est le sommeil, et aucun lion ne l’a jamais revêtu sans que sa férocité ne soit adoucie. As-tu compris les deux, ô fils de la vile femme ? [2]
Et comme je crains les conséquences de cela sur toi, je ne suis pas rassuré quant à l’effet sur toi de deux voleurs, l’un d’eux est générosité, et le nom de l’autre est avidité. [3]
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« Prends garde à ces deux-là ! La générosité est plus prompte à dévorer les richesses que la teigne ne l’est à la laine, et la cupidité est plus malchanceuse que Basús. Ne me cite pas leur dicton : « En vérité, Dieu est généreux », c’est une ruse pour sevrer l’enfant. Oui, en vérité, Dieu est généreux, mais la générosité de Dieu nous augmente mais ne Le diminue pas ; elle nous profite mais ne Lui nuit pas. Or, quiconque se trouve dans cette condition, qu’il soit généreux. Mais une générosité qui ne t’augmente pas avant de me diminuer, qui ne te fait pas de plumes avant de me plumer, est un abandon, [155] je ne dirai pas [926] un abandon diabolique mais un abandon fatal. Les as-tu bien compris, ô fils de la malheureuse femme ? En vérité, le commerce fait sortir l’eau des pierres. [4] Et imaginez, entre un repas et un autre, une tempête de mer, sans qu’il n’y ait aucun danger, et la distance jusqu’à la Chine, sans qu’il n’y ait aucun voyage. L’abandonnerez-vous quand elle se présentera, et la chercherez-vous là où elle ne se trouve pas ? Que périsse votre mère ! Avez-vous compris l’une et l’autre ?
En vérité, c’est une richesse – que Dieu te bénisse ! – veille donc à ne dépenser que ce qui en résulte. Tu dois manger du pain et du sel, et tu as la permission de manger du vinaigre et des oignons, tant que tu n’éprouves aucune répugnance à leur égard et que tu ne les mélanges pas. Et la chair est aussi précieuse que ta propre chair et je pense que tu n’en manges pas. Et les sucreries sont la nourriture de celui qui ne se soucie pas de quel côté il se trouve. [5] Et un repas par jour [6] est le régime des pieux. Et manger, quand on a faim, est une protection contre la perte, mais, quand on est rassasié, cela invite à la mort. Alors sois avec les gens comme le joueur d’échecs [7], prends tout ce qu’ils ont et garde tout ce que tu as. Ô mon cher fils, je t’ai fait entendre et je t’ai transmis le message, donc, si tu l’acceptes, Dieu te suffira, mais, si tu le rejettes, Dieu sera ton comptable. Que Dieu bénisse notre Seigneur Muhammad, sa famille et tous ses compagnons.
153:2 … Je suis toujours soucieux : Une allusion au dicton proverbial : … « En vérité, celui qui est très soucieux ou affectueux est enclin à la mauvaise opinion » (Lane’s Lexicon, p. 1573), c’est-à-dire qu’il craint pour son ami les accidents du temps. ↩︎
153:3 … O fils de la femme vile : Un exemple d’abus ludique. ↩︎
153:4 … Avidité : Littéralement, désir intense de viande. ↩︎
155:1 … La marchandise fait sortir l’eau des pierres: Apparemment un dicton proverbial. Cf. maqáma, xxii. ↩︎
155:2 Qui ne se soucie pas de quel côté il tombe : Se dit de celui qui fait délibérément quelque chose qui le ruinera. ↩︎
155:3 … Un repas par jour : De … il mangeait une fois par jour. ↩︎
155:4 … Chess : arabisé à partir du vieux persan Chatranj, du sanskrit Chaturanga, littéralement, les quatre angles, ou membres d’une armée (éléphants, chevaux, chars, fantassins). Voir Lettres, p. 393, où il y a une composition presque identique à ce maqáma. Les lignes de conclusion conventionnelles manquent. Cf. Ḥarírí, ii, 654. ↩︎