‘ÍSÁ IBN HISHÁM nous a raconté : J’ai été nommé gouverneur d’une province en Syrie. Sa’d ibn Badr [1] de la tribu de Fazara y arriva et fut nommé vizir. Aḥmad ibn Walíd [2] fut nommé chef du service des postes, [p. 177] Khalaf ibn Sálim [3] fut nommé à la cour d’appel, l’un des Banú Thowába [4] fut nommé au secrétariat et le bureau des impôts fut confié à un Syrien. C’est ainsi que le pays devint le délice des intellectuels et leur lieu de repos. Et ils ne cessèrent d’arriver, l’un après l’autre, jusqu’à remplir les yeux des citadins et opprimer leurs esprits. Et parmi ceux qui vinrent, arriva Abú’l-Nadá, le Témimite, [5] mais les yeux ne se posèrent pas sur lui et les cœurs n’étaient pas sincères envers lui.
Un jour il vint en ma présence, et je l’appréciai à sa juste valeur, je le fis asseoir à la première place de l’assemblée et je dis : « Quel espoir a le Maître dans la vie et comment trouve-t-il ses affaires ? » Il regarda à droite et à gauche et dit alors : Entre la perte et la bassesse, entre la bassesse et le mépris, et un peuple comme la crotte d’âne. La prospérité les sent [6] mais ils sentent mauvais. Ils sont traités avec gentillesse, mais n’en montrent aucune, Par le ciel ! Je suis venu trouver qu’ils sont un peuple qui ne ressemble aux êtres humains que par la tête et le vêtement. » Et il se mit à réciter :
« Ô terre de Sijistán [7], que les pays soient une rançon pour toi !
Et pour le noble roi le peuple !
Et même si les jours m’aideront,
Et si la monture et les provisions m’y conduisent,
Qui me dédommagera encore de ce qui en a péri,
Et pour la vie qui ne peut pas être restaurée ? » [8]
176:5 Sa‘d ibn Badr. Le Fazarite ; je n’ai pas pu identifier cet individu avec l’une des personnes importantes de cette tribu mentionnées dans l’Ansáb d’al-Sam‘ání, pp. 427-8. ↩︎
176:6 Aḥmad ibn al-Walíd: Je n’ai pas pu identifier cette personne et le nom est probablement fictif. ↩︎
177:1 Khalaf ibn Sálim: Ce nom est probablement fictif. ↩︎
177:2 Banú Thowába: Nom d’une famille, chrétienne à l’origine, et non d’une tribu comme le dit le commentateur, qui se distinguait par ses écrits officiels ou ses secrétaires d’État. Le membre le plus accompli de la famille était Abú ‘Abd Alláh ibn Aḥmad ibn Thowába, secrétaire du calife Mu‘taḍid (279-89 A.H.). Voir Fehrist, p. 130. ↩︎
177:3 Abú’l-Nadá, le Témimite : Il s’agit probablement d’un autre nom fictif. Il n’y a aucune trace d’un tel personnage dans l’Ansab d’al-Sam‘ání, p. 109. ↩︎
177:4 … Il les sent : Le commentateur dit que cela signifie « considérer avec faveur ou considération ». Cela semble signifier tester par l’expérience, ce qui, peut-être, par une extension de sens, peut être dit comme signifiant prêter attention à, prendre note de et autres choses du même genre. ↩︎
177:5 Ô terre de Sijistán : Mètre, wafir. ↩︎
177:6 _Mais qui me dédommagera pour ce qui en a péri (le temps), Et pour la vie qui ne peut être restaurée ? C’est-à-dire, qu’est-ce qui compensera le temps que j’ai perdu, lorsque je suis absent, et pour cette partie de ma vie passée loin du Sijistán, dont je ne peux me souvenir ? C’est un passage quelque peu obscur et le commentateur a compris qu’il se référait à la mort du souverain, Khalaf ibn Aḥmad, mais cela ne peut pas être le cas car Khalaf est mort en 399 A.H., l’année suivant la mort d’al-Hamadhání 398). Il est évident que cette maqáma a été composée avant 393 A.H., l’année où le Sijistán fut arraché à Khalaf par Maḥmúd de Ghazna. Voir note à la page 148, supra. Cf. les lignes parallèles suivantes de ‘Ali Ḥusain, gouverneur d’Ahwaz, frère de Sharaf al-Daula emprisonné et mis à mort par son oncle en 375 A.H.
…
Accorde au temps de me concilier, et que ses vicissitudes me regardent avec faveur,
Qu’il me récompense avec bonté et me libère de la captivité,
Mais qui me dédommagera pour les jours de jeunesse qui sont passés,
Et qui me compensera pour ce que j’ai perdu de ma vie en prison ?
Ibn al-Athír, ix, 31. ↩︎