‘ÍSÁ IBN HISHÁM nous a raconté : Quand j’étais jeune, je chevauchais ma monture dans toutes les espèces de folies aveugles et j’incitais mon coursier à toutes les sortes d’erreurs jusqu’à ce que j’aie bu de la vie un délicieux breuvage et que j’aie revêtu les robes flottantes de la fortune. Mais lorsque le jour éclaira ma nuit et que je rassemblai mes jupes [1] et me préparai au jugement final, je montai un coursier apprivoisé [2] afin de m’acquitter d’un devoir impérieux. [3] Il y avait sur la route un ami chez qui je ne voyais rien de mal qui puisse me faire le répudier. Or, après que nous eûmes échangé confessions et confidences, l’histoire révéla qu’il était un Kufan par principe et un Ṣúfí par persuasion [4], et ainsi nous avons continué notre voyage.
Or, lorsque nous fûmes débarqués à Koufa, [5] [39] nous allâmes chez lui et y entrâmes, alors que le jour s’était assombri [6] et que ses joues s’étaient assombries. [7] Puis, lorsque l’œil de la nuit s’était baissé et que l’aube avait poussé sur ses lèvres, on frappa à la porte. [8] Nous demandâmes : « Quel est le vagabond qui frappe ? » Il répondit : « L’envoyé de la nuit et son messager, le vaincu et la traque de la faim, un personnage bien élevé en laisse du malheur et des mauvais moments ; un hôte dont le pas est léger [9] et dont l’égaré [10] est un pain ; un voisin qui demande de l’aide contre la faim et une blouse rapiécée ; un exilé après le départ duquel le feu du bannissement [11] a été allumé, dans le sillage duquel les chiens hurlants ont aboyé, après lequel des cailloux ont été jetés et les champs balayés. [12] Son chameau blasé est la fatigue ; son plaisir est l’affliction, et entre lui et ses deux poussins est un vaste désert. » Dit ‘Ísá ibn Hishám ; j’ai pris dans ma bourse la part du lion, [13] la lui ai passée et j’ai dit : « Augmente tes exigences et nous augmenterons nos [40] dons pour toi. » Il répondit : « Aucun feu n’est plus ardent pour faire diffuser le parfum du bois d’aloès que celui de la générosité, et l’envoyé de la bienveillance n’est accueilli par personne mieux que le messager de la gratitude. Par conséquent, quiconque possède en abondance, qu’il fasse le bien, car la générosité ne restera pas sans récompense [14] de Dieu et des hommes. Mais quant à toi, puisse Dieu faire en sorte que tu réalises tes espoirs et te donne la main suprême. [15] Said ‘Ísá ibn Hishám: Alors nous lui avons ouvert la porte et dit ‘Entre‘ et voilà ! par le Ciel, c’était notre Cheikh Abú’l-Fatḥ al-Iskanderí ! Alors j’ai dit : ‘L’extrême pauvreté que tu as atteinte est affligeante et cet aspect en particulier.’ Puis il a souri et a dit, en disant :
« Que mes exigences ne te trompent pas,
Je suis dans un état d’aisance [16] si grand que la poche de joie se déchirerait,
Je pourrais, si je le souhaitais, avoir des plafonds d’or. » [17]
On dit qu’Alí a appelé le premier, le trésor de la foi et la preuve de l’Islam.
כל מי שׁה כסף בידי ידו על העליונה
‘Celui qui a de l’argent (de l’argent) dans sa main, sa main est suprême. Voir note sur … dans le maqáma du Jaune’, Texte p. 230.
38:6 J’ai rassemblé mes jupes: Fig. pour se préparer à faire quelque chose. Cf. Eng. pour enlever son manteau, ou pour retrousser ses manches. ↩︎
38:7 Un destrier apprivoisé : littéralement, dressé. ↩︎
38:8 Un devoir impératif : c’est-à-dire le pèlerinage. Voir Coran, iii, 91. ↩︎
38:9 Un Ṣúfí par persuasion : Un Ṣúfí est naturellement reconnu par sa tenue vestimentaire. ↩︎
38:10 Kúfa: Fondée par les Arabes en 17 ou 18 A.H. sous le Califat de 'Umar, elle fut l’un des principaux sièges de l’enseignement arabe et fut longtemps la rivale de la grande école grammaticale de Baṣra.
p. 39 Kúfa et Baṣra étaient le lieu de villégiature des pieux et des aventuriers, les centres de mouvements religieux et politiques. ↩︎
39:1 Le visage du jour était devenu sombre : Littéralement, le visage du jour était couvert de végétation. …. ↩︎
39:2 Darkened: Littéralement devenu vert, ces deux expressions et les suivantes sont des figures pour la croissance d’une barbe et ici, métaphoriquement, signifient qu’elle est devenue sombre. ↩︎
39:3 On frappa à la porte : Cf. De Sacy, Ḥarírí, i. 50. ↩︎
39:4 Dont la démarche est légère : c’est-à-dire celui qui causera peu d’inconvénients. ↩︎
39:5 … _dont le chameau errant : littéralement, un chameau errant. ↩︎
39:6 Le feu du bannissement: (…) (Cf. Lettres d’Hamadhání, No. 128, p. 352), ou le feu du départ était une malédiction solennelle d’un homme par son ennemi quand il partait en voyage. Le feu était allumé, et le méchant s’écriait « Partez ! Partez ! » Pour les noms des différents feux des Arabes, voir Jáḥiz, Haywán Partie v. ↩︎
39:7 Et les zones furent balayées: Comme cela se fait après qu’un décès soit survenu. ↩︎
39:8 La part du lion : Littéralement, l’emprise du lion. ↩︎
39:9 La générosité ne restera pas sans récompense, etc. Ceci est une citation des lignes de Ḥuṭai‘ah qui était un contemporain du Prophète :
…
p. 40 « Quiconque fait le bien ne perdra pas sa récompense. Car la générosité ne restera pas sans récompense auprès de Dieu et des hommes. » C’est-à-dire que si l’homme ne récompense pas, Dieu le fera. Les Arabes croyaient qu’il s’agissait d’une citation de la Taurát. Aghání, ii, 48 et édition de Goldziher des poèmes de Ḥutai‘ah. ↩︎
40:1 … La main suprême : utilisée ici dans le sens de la main supérieure ou donnante, par opposition à la main inférieure ou recevante.
Cf. la maxime rabbinique : ↩︎
40:2 Je suis dans un état d’abondance : Mètre, khafif. ↩︎
40:3 Plafonds d’or : Une vantardise plutôt incompatible avec sa condition réelle. L’édition de Constantinople a cette ligne supplémentaire : « Parfois je suis un Nabatéen, d’autres fois un Arabe. »
Ce maqámá est identique en nom et en thème à Hariri v, 49. ↩︎