SAID ‘ÍSÁ IBN HISHÁM : Quand la richesse me ceignait de sa robe flottante, on me soupçonnait d’être en possession d’un bien que j’avais volé, ou d’un trésor [1] que j’avais trouvé, alors l’obscurité de la nuit m’a poussé à fuir, et le cheval m’a emporté. Dans ma fuite, j’ai traversé des sentiers qui n’avaient jamais été foulés auparavant, et où un oiseau ne pouvait trouver son chemin, jusqu’à ce que je traverse le pays de la terreur, franchisse ses frontières, entre dans le domaine protégé de la sécurité, et y trouve la tranquillité. Je suis arrivé à Adharbayján [2] et en vérité, les pieds du chameau étaient écorchés et les [51] étapes parcourues avaient consumé leur chair. Et quand j’y suis arrivé,
« Nous sommes descendus avec l’intention de rester trois jours, [3]
Mais cela nous a tellement plu que nous y sommes restés un mois.
Or, un jour que j’étais dans une de ses rues, apparut tout à coup un homme avec un petit récipient à boire qu’il avait placé sous son bras, une canne avec laquelle il se soutenait, un haut bonnet rond [4] qu’il avait coiffé [5] et un pagne [6] qu’il avait mis sur sa taille. [7] Il éleva la voix et dit : « Ô Dieu qui crée les choses et qui les fait revenir, qui vivifie les os et qui les destructe, qui crée le soleil et qui le fait tourner, qui fait apparaître l’aurore [8] et qui l’illumine, qui nous envoie de généreux bienfaits [9] et qui soutient les cieux [10] pour qu’ils ne tombent pas sur nous, qui crée les âmes, mâles et femelles ; [11] qui a fait le soleil [12] pour une lumière, [13] le firmament pour un toit [14] et la terre [52] pour un tapis ; [15] qui a ordonné la nuit pour le repos [16] et le jour pour le travail ; [17] qui forme les nuages enceintes, [18] et envoie en vengeance la foudre ; [19] qui sait ce qui est au-dessus des étoiles et ce qui est sous les extrémités de la terre, je T’implore d’envoyer Tes bénédictions sur Muḥammad, le chef des prophètes, et sur sa sainte famille, et de m’aider contre l’exil, afin que je puisse la ramener [20] chez elle ; et contre les difficultés, afin que je sois délivré de son ombre déprimante, et que Tu me facilites l’obtention, des mains d’un homme de nature pieuse et d’origine pure, [21] béni par la vraie religion, qui n’est pas aveugle à la vérité manifeste, d’un chameau pour traverser cette route, de provisions pour me suffire et d’un compagnon de voyage. » Dit ‘Ísá ibn Hishám, je me suis murmuré à moi-même : « Cet homme est plus éloquent que notre al-Iskanderí, Abú’l-Fatḥ ! » Puis j’ai tourné un regard vers lui et voici, par le ciel ! c’était Abú’l-Fatḥ ! Alors j’ai dit : « Ô Abú’l-Fatḥ ! Ton méfait a-t-il atteint ce pays et ta chasse au gibier s’est-elle étendue à cette tribu ? » Puis il a écrit en disant :
« Je suis un grand vagabond à travers les pays, [22]
Et un grand traverseur des horizons.
Je suis le jouet du temps, [23]
Et je suis continuellement sur la route. [24]
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Ne me blâme pas – puisses-tu recevoir la bonne direction !
Pour ma mendicité, mais goûte-la.
50:5 … un trésor\—une propriété enfouie dans la terre. ↩︎
50:6 Adharbayján: L’Atropatène des anciens était la province la plus importante et la plus au nord-ouest de la Perse. Elle fut conquise par les Arabes sous al-Mughira en 20 A.H. ↩︎
51:1 Nous sommes descendus avec l’intention de rester trois jours: Ceci est une allusion à la Tradition: … L’hospitalité est de trois jours, voir De Sacy, Ḥarírí, i, 177. Metre táwil. ↩︎
51:2 … Coiffe haute et ronde : le genre de coiffure appelée Qalansuwah d’un Qáḍí, censée ressembler à une … jarre à vin, parce qu’elle est haute et ronde. ↩︎
51:3 … enfilé, le … une sorte de coiffure qui, selon Dozy, était portée par les califes abbassides, leurs ministres et les Qadis, et est toujours utilisée en Syrie. ↩︎
51:4 … un pagne, une sorte de tissu indien rayé non cousu. Le commentateur dit qu’il est arabisé à partir d’un mot sindhí.
Cf. le latin médiéval Calantica, tegumentum capitis ad usum mulierum. Une couverture pour la tête des femmes, une sorte de voile. ↩︎
51:5 … Il avait revêtu : Littéralement, il s’était vêtu d’un Tailisan, un manteau ou une cape. Cf. Hébreu פלית une couverture ou un manteau semblable au pallium romain, en particulier le Talith le manteau d’honneur, la distinction du savant ou de l’officier, orné de franges. Également le manteau du chef de prière (Jastrow, Dictionnaire du Targum, p. 537). Il est encore porté par de nombreux professionnels et érudits dans les pays musulmans. ↩︎
51:6 Le Créateur de l’aurore qui apparaît: Coran, vi, 96. ↩︎
51:7 Bénéfices abondants : Une allusion au Coran, xxxi, 19, ↩︎
51:8 Qui soutient les cieux: Coran, xxii, 64. ↩︎
51:9 Mâle et femelle : Littéralement, par paires. ↩︎
51:10 Le soleil : … Littéralement, une lampe ou sa mèche allumée. Ce dernier sens est le plus approprié, bien que pas le plus courant, et c’est celui visé dans le Coran, xxiv, 35. ↩︎
51:11 Qui a fait du soleil une lumière: Une allusion au Coran, lxxi, 15.
… Lumière, une lampe, apparemment arabisée du syriaque Shirágá, du persan chiragh. ↩︎
51:12 Le firmament pour toit : Une allusion au Coran, xxi, 33. ↩︎
52:1 La terre comme un tapis : une illusion du Coran, ii, 20. ↩︎
52:2 La nuit pour le repos : une allusion au Coran, vi, 96. ↩︎
52:3 Le jour du travail : une allusion au Coran, lxxviii. 11. ↩︎
52:4 Qui forme les nuages enceintes: une allusion au Coran, xiii, 13. ↩︎
52:5 Et envoie en vengeance les foudres: une allusion au Coran, xiii, 14. Cette prière est composée dans le style du Coran, lxxi, 13-19. ↩︎
52:6 Je peux la maîtriser : littéralement, je peux tourner sa corde. ↩︎
52:7 … D’origine pure : Littéralement, la pureté l’a ressuscité. ↩︎
52:8 Je suis un grand vagabond : Mètre, Khafif. ↩︎
52:9 … Jouet : Une sorte de jouet tourbillonnant qu’un garçon fait tourner au moyen d’un fil qui lui fait faire un bruit tel qu’on le nomme … un petit morceau de bois au milieu duquel on coupe une entaille et qui est ensuite attaché avec une corde qui, étant tirée, tourne et on l’entend faire un bruit tel qu’on le nomme Imr al-Qais le compare à un cheval rapide. Voir l’édition de Lyall du Mu’allaqát, p. 23, verset 59. ↩︎
52:10 … Continuellement sur la route. Cf. … Les djinns qui habitent les maisons.
Ce maqáma a été traduit par De Sacy. Voyez sa Chrestomathie Arabe, iii, 253. ↩︎