Lorsque Ḥarírí entreprit de composer son Maqámát « selon la méthode de Badí », une imitation étroite était inévitable. Une comparaison des deux œuvres révèle à quel point il a suivi de près son modèle et à quel point il s’est largement inspiré de la source originale, non seulement pour les idées mais aussi souvent pour les thèmes et, occasionnellement, pour le langage dans lequel les exprimer.
Par exemple, dans maqáma xiii, 147 Ḥarírí, à l’imitation de Hamadhání, p. 61, introduit les noms de couleurs d’une manière artificielle. Le poème de Ḥarírí, p. 159 ressemble beaucoup aux vers de Hamadhání de la p. 90. Ḥarírí v, 49 et Hamadhání v, 20 sont identiques dans le titre et le thème. Ḥarírí xviii, 199 est une imitation très proche et, en partie, une copie littérale de Hamadhání xxii, 101.
Les thèmes de Ḥarírí xii et xxxix et de Hamadhání xxiii sont les mêmes. Ḥarí xxx est une variante de Hamadhání xxx. [23] Dans le premier, nous avons le jargon des mendiants, des charlatans et autres, et dans le second une énumération des méthodes suivies par la confrérie des cambrioleurs, des coupe-bourses, des voleurs et autres. Les thèmes de Ḥarírí viii et Hamadhání xxxi sont similaires. Ḥarírí iii et xlvii ont beaucoup en commun avec Hamadhání xvi et xliii.
Dans le Ḥarírí xlix et le Hamadhání xli, les improvisateurs sont amenés à donner à leur fils des conseils sur sa future carrière. Dans le premier, Abú Zeid conseille à son fils de suivre ce qu’il a trouvé être la plus libre et la plus lucrative de toutes les activités, celle de la mendicité. Dans le second, Abú’l-Fatḥ al-Iskanderí, influencé peut-être par le fait qu’il n’a tiré que peu d’avantages personnels de la vie d’érudit vagabond, [1] adopte un point de vue différent et établit les règles que son fils devrait observer pour poursuivre une carrière commerciale. D’autres points de ressemblance seront mentionnés dans les notes.
Les allusions aux dictons et coutumes populaires, l’histoire et la légende, la théologie et la jurisprudence, les exemples d’éloquence et d’éloquence en chaire, les citations pertinentes du Coran et la citation de proverbes, l’utilisation du rare et du méconnu constituent le fondement commun aux deux livres. Les maqámát de Hamadhání sont donc une excellente introduction à l’œuvre plus ample, plus élaborée et plus complète de son grand imitateur.
Dans une comparaison des œuvres de ces deux maîtres de l’art de l’écriture de maqámát, il faut tenir compte du fait que les maqámát de Hamadhání sont l’œuvre d’un jeune homme, achevée selon toute probabilité avant qu’il ait atteint sa trentième année, tandis que celles de Ḥarírí ont été commencées lorsque l’auteur avait atteint l’âge mûr de quarante-huit ans, et ont occupé les vingt dernières années de sa vie. [2]
En ce qui concerne leurs mérites respectifs, Hamadhání est beaucoup plus naturel que Ḥarírí. Il a plus d’art et moins d’artifice que son imitateur. Il est moins disposé à se livrer à des énigmes grammaticales et linguistiques, ou à fouiller les riches ressources de la langue arabe pour trouver des mots rares. Le sujet est moins subordonné au style, ou le sens au son que dans le cas de Ḥarírí.
Et pourtant l’œuvre de Hamadhání, qui en son temps l’a rendu célèbre, d’Herat jusqu’en Afrique du Nord et lui a valu [24] le fier surnom de « Merveille du Siècle », est peu connue, alors que celle de Ḥarírí a été pendant des siècles l’un des livres les mieux étudiés de la littérature arabe et, après le Coran, a retenu l’attention du plus grand nombre de commentateurs savants.
Malgré la tendance qu’on a à accorder la palme à l’originalité et à l’art plutôt qu’à l’imitation et à l’artificialité, les compatriotes d’un auteur sont les meilleurs juges des mérites de ses productions littéraires, et par conséquent le verdict de la postérité en faveur de Ḥarírí doit être accepté. « Le cheval boiteux » a en effet « dépassé le coursier robuste » [3]. Ḥarírí, écrivant près d’un siècle plus tard, vers 496 H., déplore la décadence de l’érudition. « Dont la brise s’est calmée et dont les lumières se sont presque éteintes » [4]. Voilà donc probablement la première cause de l’abandon de Hamadhání. Autant que nous le sachions, aucun texte soigneusement collationné et vocalisé du Maqámát n’a circulé avant celui édité et annoté par le défunt Cheikh Muḥammad ‘Abdú [5] en 1306 H., soit plus de neuf cents ans après la mort de l’auteur. D’autre part, le travail d’enseignement et d’explication du Maqámát de Ḥarírí a été poursuivi par ses fils [6] et le premier commentaire a été écrit dans les cinquante ans qui ont suivi la mort de l’auteur.
Muṭarrízí, le premier scholiaste, est né en 458 A.H., soit seulement vingt-deux ans après la mort de Ḥarírí, et même alors il affirme qu’il a trouvé nécessaire de consulter pratiquement toute la gamme de la littérature arabe, et de se référer aux principaux cheikhs de l’époque avant de commencer son commentaire sur le Maqámát. [7]
Dans le cas du Maqámát de Hamadhání, il n’y avait probablement aucun texte vocalisé en circulation, et il n’y avait certainement pas de commentaire pendant plus de neuf siècles. Sans de tels outils, une œuvre littéraire de ce genre, couvrant un champ aussi vaste et écrite dans un style original et orné, présenterait des difficultés considérables même pour l’érudit expérimenté, tandis que pour l’étudiant en difficulté, elle était vouée à être ce qu’elle est devenue en réalité, pratiquement un livre scellé. Ces circonstances et ces faits expliquent, du moins dans une certaine mesure, la longue négligence de ce classique de la littérature arabe.
[p. 25]
Si cette traduction du texte et les efforts pour l’élucider ont pour résultat de faire connaître l’auteur, comme il le mérite certainement, à un cercle plus large de lecteurs, le travail du traducteur n’aura pas été vain.
23:1 Lettres, p. 161. ↩︎
23 : 2 Introduction de De Sacy à Ḥarírí, p. 50. ↩︎
24 : 1 Ḥarírí, p. 6. ↩︎
24:2 Ibid., p. 6. ↩︎
24:3 Pour une description du caractère du commentateur, voir Blunt, Histoire secrète de l’occupation britannique de l’Égypte, p. 105. ↩︎
24 : 4 Ibn Khallikan, ii, 493 et 496. ↩︎
24 : 5 Introduction de De Sacy à Ḥarírí, p. 58. ↩︎