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CHAPITRE IX.
Généalogie de Jelālu-'d-Dīn, Rūmī.
Du côté de son père, l’ancêtre lointain de Jelālu-’d-Dīn, à l’époque islamique, était Abū-Bekr, l’ami le plus cher et le plus fidèle de Mahomet le législateur arabe, et son successeur dans le gouvernement de la communauté de l’Islam, comme le premier d’une longue lignée de califes.
Comme Mahomet lui-même, Abū-Bekr était de la tribu des Qurayshites, qui prétend descendre, par Ismaël, d’Abraham, l’ami élu de Dieu et père des croyants. La souche de la branche de la tribu d’Abū-Bekr s’unit à celle de Mahomet dans Murra, ancêtre de Mahomet au septième degré, et d’Abū-Bekr au sixième.
Abū-Bekr était, en outre, l’un des beaux-pères de Mahomet, car sa fille ‘Ā’isha était la seule épouse vierge du Prophète.
On dit qu’un fils ou petit-fils d’Abū-Bekr a été parmi les conquérants arabes du Khurāsān pendant le califat d’Uthmān (Osmān), vers 25 a.H. (647 apr. J.-C.), et qu’il s’est installé à Balkh (la capitale de l’ancienne Bactriane), où sa famille a prospéré jusqu’après la naissance de Jelālu-’d-Dīn.[1]
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A une époque incertaine postérieure à 491 a.H. (1097 ap. J.-C.), une fille d’un des rois kh’ârezmiens d’Asie centrale fut donnée en mariage à l’arrière-arrière-grand-père de Jelâlu-'d-Dīn, dont le nom n’est pas mentionné par Eflākī ou m’a échappé. Elle donna naissance à l’arrière-grand-père de Jelāl, Ahmed, surnommé El-Khatībī (apparemment fils ou descendant, ou client, d’un prédicateur public, Khatīb).
Eflākī ne mentionne rien d’autre sur Ahmed, sinon qu’il eut un fils, Huseyn, surnommé Jelālu-’d-Dīn, qui épousa la fille d’un certain Khurrem-Shāh, roi du Khurāsān, et devint par elle le grand-père de l’auteur du Mesnevī. Son fils, Mohammed, surnommé Bahā’u-’d-Dīn, appelé Sultānu-’l-‘Ulemā, et communément connu sous le nom de Bahā’u-’d-Dīn Veled, ou plus court comme Bahā Veled, semble aussi avoir épousé une dame, dont il eut trois enfants, une fille et deux fils.
L’aîné des enfants de Baha Veled, sa fille, fut mariée et resta à Balkh lorsque Baha Veled, sa mère et ses deux fils quittèrent la ville, un an environ avant que la ville ne soit prise et dévastée par Jengīz Khān en 608 ap. J.-C. (1211 ap. J.-C.). Son fils aîné n’est plus mentionné par Eflākī après leur départ de Balkh. La mère de ses enfants n’est pas non plus mentionnée une seule fois. Mais sa propre mère, la princesse, était vivante et était encore avec lui vers 1230 ap. J.-C. ; après quoi elle n’est plus non plus mentionnée.
Le plus jeune enfant de Baha Veled, son fils le plus célèbre, Mohammed, surnommé Jelālu-’d-Dīn, Mevlānā, Khudāvendgār et Rūmī, le personnage principal de ces mémoires, le fondateur de l’ordre des derviches Mevlevī et auteur du Mesnevī, eut quatre enfants, trois garçons et une fille, de deux femmes. Son fils aîné fut tué [p. 134] dans la bagarre qui causa le meurtre de l’ami de son père, Shemsu-’d-Dīn de Tebrīz. Son fils cadet n’est plus mentionné, mais sa fille fut mariée à un prince local et quitta Qonya.
Son deuxième fils, qui lui succéda comme principal ou abbé de son ordre, s’appelait Mohammed et portait le surnom de Bahā’u-'Dīn. Il est communément connu sous le nom de Sultan Veled.
Sultan Veled eut six enfants, un garçon et deux filles de sa femme Fâtima, fille de Cheikh Feridun le Batteur d’or, et trois garçons, dont deux jumeaux, de deux esclaves. Les filles se marièrent bien, et tous ses fils, ou trois d’entre eux, lui succédèrent comme abbé, l’un après l’autre. L’aîné était Mīr 'Ārif (Chelebī Emīr 'Ārif), le deuxième s’appelait 'Ābid, le troisième Zāhid et le quatrième Wāhid.
L’aîné des Chelebī Emīr ‘Arif, protecteur d’Eflākī, eut deux fils et une fille. Son fils aîné, Emīr ‘Ālim, surnommé Shāh-zāda, lui succéda finalement à la primauté après ses oncles. Avec lui, les mémoires d’Eflākī se terminent.
Telle fut la lignée naturelle de cette dynastie d’hommes éminents. Mais Eflākī a aussi donné les chaînons d’une série spirituelle, par laquelle les mystères des doctrines derviches furent transmis jusqu’à et dans la lignée de Jelālu-’d-Dīn.
Dans l’anecdote n° 79 du chapitre III, on raconte la manière dont le prophète Mahomet confia ces mystères à son cousin, gendre et plus tard son quatrième successeur, comme calife, 'Alī fils d’Abū-Tālib, le « Lion victorieux de Dieu ».
‘Alī communiqua les mystères à l’Imām Hassan de Bassora, décédé en 110 de l’hégire (728 apr. J.-C.) ; Hassan les enseigna à Habīb le Persan,[2] qui les confia à Dāwūd [p. 135] de la tribu de Tayyi’, — Et-Tā’ī (mentionné par D’Herbelot, sans date, comme Davud Al Thai ; il mourut en 165 apr. J.-C., 781 apr. J.-C.).
Dāwūd les a transmis à Ma‘rūf de Kerkh (mort en 200 ap. J.-C., 815) ; lui à Sirrī le marchand de marchandises avariées (Es-Saqatī? ; mort en 253 ap. J.-C., 867) ; et lui au grand Juneyd (mort vers 297 ap. J.-C. — 909). L’élève spirituel de Juneyd était Shiblī (mort en 334 a.h., 945 apr. J.-C.) qui enseigna Abu-'Amr Muhammed, fils d’Ibrāhīm Zajjāj (le vitrier), de Nīshāpūr (mort en 348 a.h. - 959 apr. J.-C.) et son élève était Abū-Bekr, fils de 'Abdu-'llāh, de Tūs, le tisserand, qui enseigna à Abū-Ahmed (Muhammed fils de Muhammed, El-Gazālī (mort en 504 a.h. - 1110 apr. J.-C.), et il confia ces mystères à Ahmed el-Khatībī, l’arrière-grand-père de Jelāl, qui les confia à l’Imām Sarakhsī (mort en 349 a.h. - 959 apr. J.-C.). 571—1175 après J.-C.).
Sarakhsī était le professeur spirituel du père de Jelāl, Bahā Veled, qui enseignait au Seyyid Burhānu-'d-Dīn Termīzi, l’instructeur de Jelāl. Il transmettait à nouveau la tradition à Shemsu-'d-Dīn de Tebrīz, le professeur du fils de Jelāl, le sultan Veled, qui enseignait lui-même à l’émir 'Ārif.
En même temps que les mystères étaient ainsi transmis progressivement à Jelâlu-’d-Dîn et à ses successeurs par ces liens, ils étaient aussi diffusés par des milliers d’autres canaux, et sont aujourd’hui largement répandus dans le monde de l’Islam, qui se vante chaque jour de ses saints vivants et de leurs miracles. Ces derniers ne sont peut-être pas moins véridiques que ceux que proclament sans cesse l’Église de Rome et ses sœurs orientales. Nous aussi avons nos spiritualistes. La crédulité n’abandonnera jamais l’humanité et les prodiges ne manqueront jamais pour que les crédules y croient. Il y a beaucoup d’humain dans l’homme, partout dans le monde.
132:1 Une généalogie est donnée dans la préface turque de mon exemplaire du Mesnevī, qui retrace la descendance de Jelālu-’d-Dīn Mohammed depuis Abū-Bekr en dix degrés, comme suit : « Jelālu-’d-Dīn, fils de Bahā’u-’d-Dīn, fils de Huseyn, fils d’Ahmed, fils de Mevdūd, fils de Sābit (Thābit), fils de Museyyeb, fils de Mutahhar, fils de Hammād, fils de ‘Abdu-’r-Rahmān, fils de ‘Abū-Bekr. » Or, Abdu-’r-Rahmān, l’aîné de tous les fils d’Abū-Bekr, mourut et fut enterré à la Mecque en 53 a.h. (672 ap. J.-C.), et p. 133 Jelālu-’d-Dīn est né à Balkh en 604 a.H. (1207 ap. J.-C.). Entre ces deux-là, neuf degrés de descendance sont donnés, pour une période de 535 ans, soit 66 ans pour chaque vie après la naissance du chaînon suivant. Cela suffit à montrer que la généalogie n’est pas fiable. En supposant que les noms donnés soient vrais, de nombreux autres chaînons doivent manquer, probablement autant que ceux donnés. ↩︎
134:1 Habīb le Persan, un homme riche, se convertit à l’Islam par une parole de Hassan de Bassora, dont il devint un disciple dévoué. Il mourut en 106 a.h. (724 ap. J.-C.). ↩︎