VIII. La véritable nature de la poésie et la réforme de la littérature islamique | Page de titre | X. Significations intimes des noms d'Ali |
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Montrant que l’éducation du Soi comporte trois étapes : l’obéissance, la maîtrise de soi et la vice-gérance divine.
815 Le service et le labeur sont les traits du chameau,
La patience et la persévérance sont les voies du chameau.
Il marche sans bruit sur le chemin sablonneux,
Il est le navire de ceux qui voyagent dans le désert.
Chaque buisson connaît l’empreinte de son pied :
820 Il mange rarement, dort peu et est habitué au travail.
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Il porte le cavalier, les bagages et la litière ;
Il trotte encore et encore jusqu’au bout du voyage,
Se réjouissant de sa vitesse,
Plus patient en voyage que son cavalier.
825 Toi aussi, ne refuse pas le fardeau du Devoir :
Ainsi tu jouiras de la meilleure demeure, qui est auprès de Dieu.
Efforce-toi d’obéir, ô insouciant !
La liberté est le fruit de la contrainte.
Par l’obéissance, l’homme sans valeur devient digne ;
830 Par la désobéissance, son feu est transformé en cendres.
Quiconque voudrait maîtriser le soleil et les étoiles,
Qu’il se fasse prisonnier de la Loi !
Le vent est fasciné par la rose parfumée ;
Le parfum est confiné dans le nombril du cerf porte-musc.
835 L’étoile se dirige vers son but
Avec la tête baissée en signe de soumission à une loi.
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L’herbe pousse en obéissance à la loi de la croissance :
Quand il abandonne cela, il est piétiné.
Brûler sans cesse est la loi de la tulipe,
840 Et ainsi le sang bondit dans ses veines.
Les gouttes d’eau deviennent une mer par la loi de l’union,
Et les grains de sable deviennent un Sahara.
Puisque la Loi rend toute chose forte à l’intérieur,
Pourquoi négliges-tu cette source de force ?
845 Ô toi qui es émancipé de l’ancienne coutume, [1]
Orne à nouveau tes pieds de la même belle chaîne en argent !
Ne vous plaignez pas de la dureté de la Loi,
Ne transgressez pas les lois de Mahomet !
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Ton âme ne se soucie que d’elle-même, comme le chameau :
850 Il est prétentieux, égoïste et volontaire.
Sois un homme, prends son licol dans ta main,
Afin que tu deviennes une perle, même si tu es un vase de potier.
Celui qui ne se commande pas
Devient un récepteur de commandes venant d’autres personnes.
855 Quand ils te modelaient d’argile,
L’amour et la crainte étaient mêlés dans ta création :
Peur de ce monde et du monde à venir, peur de la mort,
Peur de toutes les douleurs de la terre et du ciel ;
Amour des richesses et du pouvoir, amour de la patrie,
860 Amour de soi, de ses proches et de sa femme.
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Le mélange d’argile avec de l’eau nourrit le corps, [2]
Mais celui qui est noyé dans le péché meurt d’une mort mauvaise.
Tant que tu tiendras le bâton de « Il n’y a pas d’autre Dieu que Lui », [3]
Tu briseras tout sort de peur.
865Celui pour qui Dieu est comme l’âme dans son corps,
Son cou ne s’incline pas devant la vanité.
La peur ne trouve pas de chemin vers son sein,
Son cœur ne craint personne sauf Allah.
Quiconque demeure dans la foi musulmane
870 Est libre des liens de la femme et de l’enfant.
Il détourne son regard de tout sauf de Dieu
Et met le couteau sous la gorge de son fils. [4]
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Bien que célibataire, il est comme un hôte en début d’attaque :
La vie est moins chère à ses yeux que le vent.
La profession de foi est la coquille, mais
875 la prière est la perle :
Le cœur du musulman considère la prière comme un pèlerinage mineur. [5]
Dans la main du musulman, la prière est comme un poignard
Tuer le péché, la perversité et le mal.
Le jeûne s’attaque à la faim et à la soif
880 Et brise la citadelle de la sensualité.
Le pèlerinage éclaire l’esprit des fidèles :
Elle enseigne la séparation d’avec son foyer et détruit l’attachement à sa terre natale ;
C’est un acte de dévotion dans lequel tous se sentent un,
Il relie ensemble les feuilles du livre de religion.
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885 L’aumône fait disparaître l’amour des richesses
Et rend l’égalité familière ;
Elle fortifie le cœur par la justice, [6]
Cela augmente la richesse et diminue le goût pour la richesse.
Tout ceci est un moyen de te fortifier :
890 Tu es imprenable, si ton Islam est fort.
Puisez votre puissance dans la litanie « Ô Tout-Puissant !
Afin que tu puisses monter le chameau de ton corps. [7]
Si tu peux gouverner ton chameau, tu gouverneras le monde
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Et porte sur ta tête la couronne de Salomon.
895 Tu seras la gloire du monde tant que le monde durera,
Et tu régneras dans le royaume incorruptible.
C’est doux d’être le vice-gérant de Dieu dans le monde
Et exercez votre pouvoir sur les éléments.
Le vice-roi de Dieu est comme l’âme de l’univers,
900 Son être est l’ombre du Plus Grand Nom.
Il connaît les mystères de la partie et du tout,
Il exécute le commandement d’Allah dans le monde.
Quand il plante sa tente dans le vaste monde,
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Il enroule ce tapis ancien. [9]
905 Son génie regorge de vie et désire se manifester :
Il fera naître un autre monde.
Une centaine de mondes comme ce monde de parties et de touts
Ils jaillissent, comme des roses, de la graine de son imagination.
Il fait mûrir toute nature brute,
910 Il chasse les idoles du sanctuaire.
Les cordes du cœur émettent de la musique à son contact,
Il se réveille et dort pour Dieu seul.
Il enseigne à l’âge la mélodie de la jeunesse
Et confère à tout l’éclat de la jeunesse.
915 Il apporte à la race humaine à la fois un message joyeux et un avertissement,
Il vient à la fois en tant que soldat, maréchal et prince.
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Il est la cause finale du fait que « Dieu a enseigné à Adam les noms de toutes choses » [10].
Il est le sens le plus profond de « Gloire à Celui qui transporta son serviteur pendant la nuit. » [11]
Sa main blanche est renforcée par le bâton, [12]
920 Son savoir est jumelé au pouvoir d’un homme parfait.
Lorsque ce cavalier audacieux saisit les rênes,
Le destrier du Temps galope plus vite.
Son air affreux assèche la mer Rouge,
Il conduit Israël hors d’Égypte.
925 À son cri, « Lève-toi », les esprits des morts
Ils s’élèvent dans leur tombe corporelle, comme les pins dans les champs.
Sa personne est une expiation pour le monde entier,
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Par sa grandeur le monde est sauvé. [13]
Son ombre protectrice rend la paille familière au soleil,
930 Sa riche substance rend précieux tout ce qui existe.
Il donne la vie par des œuvres miraculeuses,
Il trouve un nouveau système de travail.
De splendides visions surgissent de l’empreinte de son pied,
Bien des Moïse sont fascinés par son Sinaï.
935 Il donne une nouvelle explication de la Vie,
Une nouvelle interprétation de ce rêve.
Son être caché est le mystère de la vie,
La musique inouïe de la harpe de la vie.
La nature souffre dans le sang depuis des générations
940 Pour composer l’harmonie de sa personnalité.
Quand notre poignée de terre aura atteint le zénith,
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Ce champion sortira de cette poussière !
Il dort parmi les cendres d’aujourd’hui
La flamme d’un lendemain qui dévore le monde.
945 Notre bourgeon enveloppe un jardin de roses,
Nos yeux brillent avec l’aube de demain.
Apparaît, ô cavalier du Destin !
Apparaît, ô lumière du sombre royaume du Changement !
Illumine la scène de l’existence,
950 Demeurez dans la noirceur de nos yeux !
Faites taire le bruit des nations,
Éblouis nos oreilles avec ta musique !
Lève-toi et accorde la harpe de la fraternité,
Rends-nous la coupe du vin de l’amour !
955 Apporte encore une fois des jours de paix au monde,
Donnez un message de paix à ceux qui cherchent la bataille !
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L’humanité est le champ de blé et toi la moisson,
Tu es le but de la caravane de la vie.
Les feuilles sont dispersées par la fureur de l’automne :
960 Oh, passe sur nos jardins comme le printemps !
Recevez de nos fronts baissés
L’hommage des petits enfants, des jeunes hommes et des vieux !
Quand tu seras là, nous lèverons la tête,
Content de souffrir le feu brûlant de ce monde.
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74:1 La loi religieuse de l’Islam. ↩︎
76:1 C’est-à-dire que l’eau est un élément indispensable à la vie du corps. ↩︎
76:2 Le premier article du credo musulman. ↩︎
76:3 Comme Abraham lorsqu’il était sur le point de sacrifier Isaac ou (comme le croient généralement les musulmans) Ismaël. ↩︎
77:1 Le petit pèlerinage ('umra) n’est pas obligatoire comme le grand pèlerinage (hajj). ↩︎
78:1 L’original cite une partie d’un verset du Coran (ch. 3, v. 86), où il est dit : « Vous n’atteindrez jamais la droiture tant que vous ne ferez pas l’aumône de ce que vous aimez. ↩︎
78:2 C’est-à-dire vaincre les convoitises de la chair. ↩︎
78:3 Ici, Iqbal interprète à sa manière la doctrine soufie de l’Insán al-kámil ou Homme Parfait, qui p. 79 enseigne que chaque homme est potentiellement un microcosme, et que lorsqu’il est devenu spirituellement parfait, tous les attributs divins sont manifestés par lui, de sorte qu’en tant que saint ou prophète il est l’homme-Dieu, le représentant et le vice-gérant de Dieu sur terre. ↩︎
80:1 C’est-à-dire que son apparition marque la fin d’une époque. ↩︎
81:1 Coran, ch. 2, v. 29. L’Homme Idéal est la cause finale de la création. ↩︎
81:2 Coran, ch. 17, v. 1, se référant à l’Ascension du Prophète. ↩︎
81:3 Pour la main blanche (de Moïse) cf. Coran, ch. 7, v. 105, ch. 26, v. 32, et Exode, ch. 4, v. 6. ↩︎
82:1 Ces quatre lignes peuvent faire allusion à Jésus, considéré comme un type de l’Homme Parfait. ↩︎