DIXIÈME LEÇON, INTIMÉ LA PRUDENCE [^903].
Le sage (Arhat), après avoir médité sur la Loi, l’a proclamée ; apprenez de moi ce qu’est la prudence. Un moine qui ne prend aucune résolution et qui est prudemment attentif devrait errer sans offenser personne ; (1)
À aucun être vivant, qu’il se meuve ou non, qu’il soit en haut, en bas ou sur terre, en le forçant avec ses mains ou ses pieds [^904]. Il ne prendra rien non plus des chefs de famille qui ne lui soit donné librement. (2)
Ayant maîtrisé la Loi et s’étant débarrassé de l’insouciance, il devrait vivre de nourriture autorisée [^905] et traiter [ p. 307 ] tous les êtres comme lui-même voudrait être traité ; il ne devrait pas s’exposer à la culpabilité par son désir de vivre ; un moine qui accomplit des austérités ne devrait pas garder de réserve. (3)
Refusant de fréquenter les femmes, un sage devrait errer, libre de toute attache terrestre. Voyez, chaque créature, chaque être, souffre et est affligé. (4)
En faisant du mal à ces êtres, l’ignorant commet des péchés. On commet un péché en blessant (des êtres), et on pèche aussi en employant d’autres personnes (à de tels actes). (5)
Celui qui mène une vie misérable commet un péché. C’est pourquoi les Ginas recommandent une prudence rigoureuse. Il faut connaître la vérité, se réjouir de la maîtrise de soi et d’un jugement sain, cesser de nuire aux êtres et avoir l’esprit calme. (6)
En considérant tous les hommes avec impartialité, il ne faut rien faire pour leur plaire ou leur nuire. Après un début vertueux, certains deviennent malheureux et perdent courage, car ils aspirent à l’honneur et à la gloire. (7)
Désirant une nourriture non autorisée [^906] et l’acceptant, le pécheur, négligent dans sa conduite, s’attache aux femmes et essaie d’acquérir des biens. (8)
Adonné à la violence, il accumule (Karman) ; à sa mort, il connaît une misère vraiment pénible. C’est pourquoi le sage considère attentivement la Loi ; le sage erre, libre de toute attache terrestre. (9)
Il ne doit pas s’exposer à la culpabilité par son désir de vivre, mais il doit errer sans attachement. Après mûre réflexion, [ p. 308 ] et luttant contre ses désirs terrestres, il ne doit rien dire qui implique le massacre d’êtres vivants. (10)
Il ne doit pas désirer de nourriture illicite, et il ne doit pas se mêler à ceux qui désirent de telles choses ; il doit mortifier sa chair, en pensant (à son devoir) et en abandonnant ses chagrins sans tenir compte (des intérêts mondains). (11)
Essayez de réaliser que vous êtes seul et unique ; vous obtiendrez ainsi la Libération. Attention, ce n’est pas une fausse affirmation ! Cette Libération n’a rien d’irréel, mais est la meilleure chose. Un ascète est libéré de la colère et se délecte de la vérité. (12)
Abstenez-vous de rapports sexuels avec les femmes, n’acquérez pas de biens ; un homme doté de prudence sera, sans aucun doute, un sauveur (pour les autres) en toutes circonstances. (13)
Un moine ayant vaincu l’aversion pour le contrôle et le plaisir des objets sensuels [^907], devrait supporter tous les troubles causés par l’herbe (piquante), le froid, la chaleur et les insectes ; il devrait supporter les odeurs agréables et désagréables. (14)
Gardant sa parole et possédant de la prudence, acquérant (pur) Lêsyâ [^908], il doit errer ; il ne doit pas construire une maison pour lui-même ou pour les autres, ni se comporter envers les autres comme un chef de famille. (15)
Interrogé par quelqu’un qui maintient le caractère immuable de l’âme [^909], il devrait exposer la vraie (doctrine) ; ceux qui s’engagent dans des œuvres et [ p. 309 ] sont tenus dans l’esclavage du monde, ne connaissent pas la Loi qui conduit à la Libération. (16)
Les hommes ici ont des opinions diverses ; ils adhèrent à la doctrine des Kriyâvâdins et des Akriyâvâdins. L’iniquité d’un pécheur effréné qui, après sa naissance, nuit au corps (des êtres pour assurer son propre bonheur), ne cesse de croître. (17)
Oubliant que sa vie aura une fin, l’homme téméraire et insensé est plein d’égoïsme ; il travaille jour et nuit, avide de richesses, comme s’il ne devait jamais vieillir ni mourir. (18)
Laissez vos biens et votre bétail, vos proches et vos amis chers ! (L’homme) parle toujours (de ces choses), et il s’en passionne ; mais d’autres lui prendront ses biens. (19)
Comme les petites bêtes se tiennent à distance du lion, qu’elles craignent, ainsi l’homme sage se tient à l’écart du péché, considérant bien la loi. (20)
Un homme sage qui s’est éveillé devrait se détourner du péché, lorsqu’il considère les maux découlant du massacre et les grands dangers qu’implique son tempérament cruel. (21)
Un sage qui se dirige vers le bien véritable [1] (à savoir la Libération) ne doit pas mentir ; cette règle, disent-ils, comprend le Nirvânâ et toute la prudence. Il ne doit pas accomplir d’œuvres, ni inciter les autres à les accomplir, ni consentir à ce qu’elles soient accomplies. (22)
Lorsqu’il est purifié (de la nourriture), il ne doit pas être affecté (par l’amour ou la haine), et il ne doit pas être trop friand (de cette nourriture) ni en avoir envie. Un moine pieux, libre de toute entrave, devrait errer sans désirer ni honneurs ni gloire. (23)
Un moine qui a quitté la maison et est libre de tout désir doit abandonner son corps, anéantissant ses péchés ; il ne doit désirer ni la vie ni la mort, et marcher, ayant dépassé le Cercle (des Naissances) [2]. (24)
Ainsi je dis.
306:1 Samâhi = samâdhi. Ce mot a non seulement le sens de « méditation », mais aussi un sens beaucoup plus large. Il est ici expliqué comme « le moyen d’obtenir Môksha ». J’ai choisi « prudence », car il est moins technique que « contrôle », que j’ai utilisé ailleurs. ↩︎
306:2 La première partie du verset 2 doit être interprétée avec la dernière partie du verset précédent. ↩︎