ONZIÈME CONFÉRENCE, INTIMÉ LE CHEMIN.
Quel est le chemin qui a été prêché par le sage Brâhmana [^912] (c’est-à-dire Mahâvîra), après être entré correctement dans ce chemin, un homme traverse le flot (de Samsâra) qui est difficile à traverser ? (1)
Ô moine et grand sage, indique-nous ce meilleur chemin qui mène à la libération de toute misère, tel que tu le connais ! (2)
Dites-nous comment nous devrions décrire ce chemin, si quelqu’un, un dieu ou un homme, nous le demandait ! (3)
Si quelqu’un, dieu ou homme, t’interroge à ce sujet, dis-lui la vérité sur le chemin. Écoute-moi ! (4)
Le chemin très difficile expliqué par le Kâsyapa, que certains hommes de cette terre [ p. 311 ] ont autrefois emprunté. (les Samsâra) comme des marchands sur l’océan [^913], le franchissent (même maintenant), et le franchiront à l’avenir ; (ce chemin que) j’ai appris, je l’expliquerai dans l’ordre ; hommes, écoutez-moi ! (5, 6)
Les êtres terrestres sont des êtres individuels, tout comme les êtres aquatiques, les êtres du feu et les êtres du vent ; l’herbe, les arbres, le maïs ; (7)
Et le reste, (à savoir) les êtres mobiles ; ainsi sont énumérées les six classes d’êtres vivants ; ce sont tous les êtres vivants, il n’y en a pas d’autres. (8)
Un homme sage devrait les étudier avec tous les moyens de la recherche philosophique. Tous les êtres détestent la douleur ; il ne faut donc pas les tuer. (9)
Telle est la quintessence de la sagesse : ne rien tuer. Sachez que telle est la conclusion légitime du principe de réciprocité concernant le non-meurtre [^914]. (10)
Il devrait cesser de nuire aux êtres vivants, qu’ils se meuvent ou non, en haut, en bas et sur terre. Car cela a été appelé le Nirvânâ, qui consiste en la paix [^915]. (11)
Maître (de ses sens) et évitant le mal, il ne doit faire de mal à personne, ni par des pensées, ni par des paroles, ni par des actes. (12)
Un homme sage qui maîtrise ses sens et possède une grande connaissance, devrait accepter les choses qui lui sont données gratuitement, en étant toujours circonspect à l’égard de l’acceptation des aumônes et en s’abstenant de ce qui lui est interdit d’accepter. (13)
[ p. 312 ]
Un vrai moine ne doit pas accepter de nourriture et de boisson spécialement préparées pour lui, en même temps que l’abattage d’êtres vivants. (14)
Il ne doit pas manger un repas contenant ne serait-ce qu’une particule d’aliment interdit [^916] : telle est la loi de celui qui maîtrise parfaitement sa nourriture. Tout ce qu’un moine soupçonne d’être impur, il ne peut pas le manger. (15)
Un homme qui garde son âme et soumet ses sens ne devrait jamais consentir à ce que quelqu’un tue des êtres. — Dans les villes et les villages, des cas (se produiront, qui placeront) les fidèles (dans un dilemme) [^917]. (16)
En entendant les gens parler, il ne faut pas dire : « Ceci est une bonne action » ou « Ceci est une mauvaise action ». Car il y a une objection (à l’une ou l’autre réponse). (17)
Il ne devrait pas dire que c’est méritoire, car il devrait sauver ces êtres, qu’ils bougent ou non, qui sont tués là pour faire un don. (18)
Il ne devrait pas non plus dire que ce n’est pas méritoire, car il empêcherait alors ceux pour qui la nourriture et la boisson en question sont préparées, d’obtenir leur dû. (19)
Ceux qui louent le don sont complices [^918] du meurtre des êtres ; ceux qui l’interdisent privent (les autres) des moyens de subsistance. (20)
Ceux, cependant, qui ne donnent aucune réponse, à savoir [ p. 313 ] si c’est méritoire ou non, ne s’exposent pas à la culpabilité et atteindront la Béatitude [1]. (21)
Sachant que la Béatitude est la meilleure chose comme la lune est parmi les étoiles, un sage toujours retenu et soumettant ses sens amène la Béatitude. (22)
Un homme pieux [2] montre une île aux êtres emportés (par le déluge du Samsâra) et qui souffrent pour leurs actes. Ce lieu de sécurité a été proclamé (par les Tîrthakaras). (23)
Celui qui garde son âme, soumet ses sens, met un terme au courant (du Samsâra) et est libre des Âsravas [3], est (en droit d’) exposer la Loi pure, complète et sans pareille. (24)
Ceux qui ne connaissent pas cela (la Loi), ne sont pas éveillés, bien qu’ils s’imaginent l’être ; se croyant éveillés, ils sont au-delà des limites de la foi juste [4]. (25)
En mangeant des graines et en buvant de l’eau froide [5] et ce qui [ p. 314 ] a été spécialement préparé pour eux, ils entrent en méditation [6], mais ils ignorent la vérité et ne possèdent pas la prudence. (26)
De même que les dhanaṅkas, les hérons, les balbuzards pêcheurs, les cormorans et les faisans méditent sur la capture de poissons, ce qui est une méditation pécheresse et très basse, de même certains Sramaṅas hérétiques et indignes contemplent la poursuite des plaisirs ; ils sont pécheurs et très bas comme les hérons. (27, 28)
Ici, certains esprits faibles, s’écartant du chemin pur, s’engagent sur une voie erronée. Ils courent ainsi à la misère et à la destruction. (29)
Comme un aveugle-né qui monte dans une barque qui fait eau veut atteindre le rivage, mais se noie pendant la traversée [7] ; ainsi certains Sramanas indignes et hérétiques, s’étant retrouvés dans le courant (du Samsâra), encourront un grand danger. (30, 31)
Mais connaissant cette Loi qui a été proclamée par le Kâsyapa, (un moine) traverse le courant redoutable (du Samsâra) et erre çà et là, déterminé à faire du bien à son âme. (32)
Indifférent aux objets du monde, l’homme devrait errer en traitant toutes les créatures du monde comme il voudrait être traité lui-même. (33)
Un homme sage connaissant (et renonçant) à l’orgueil excessif et à la tromperie, (en bref) abandonnant toutes (les causes de l’existence terrestre), apporte sa Libération [8]. (34)
Il acquiert de bonnes qualités et abandonne les mauvaises qualités ; un moine qui pratique vigoureusement les austérités évite la colère et l’orgueil. (35)
Les Bouddhas [9] qui furent, et les Bouddhas qui [ p. 315 ] seront, ils ont (pour ainsi dire) la Paix comme fondement, tout comme toutes choses ont la terre pour fondement. (36)
Et si des accidents, quels qu’ils soient, arrivent à celui qui a acquis ce fondement, il ne sera pas vaincu par eux comme une montagne par la tempête [^928]. (37)
Un moine sage, sage et très instruit devrait accepter les aumônes qui lui sont faites librement, étant libre de toute passion et attendant sa fin. Telle est la doctrine du Kêvalin. (38)
Ainsi je dis.
[^928] : 313:3 Voir ci-dessus, p. 55, note 1.
[^930] : 313:5 Vîôdaga = bîgôdaka.
310:2 Voir note sur IX, 1. ↩︎
311:1 La même comparaison apparaît également dans I, 3, 4, 18, ci-dessus p. 271. ↩︎
311:2 Le même verset apparaît ci-dessus, I, 1, 4, 10, p. 247. ↩︎
311:3 Nous avons eu le même verset ci-dessus, I, 3, 4, 20, p. 271. ↩︎
312:1 C’est le sens de l’expression pûtikarma na sêvêta. ↩︎
312:2 Lorsque des gens bien intentionnés creusent un puits, offrent un sacrifice ou nourrissent des personnes, etc. ↩︎
312:3 Littéralement, souhaiter. ↩︎
313:1 Sîlâṅka cite le verset sanskrit suivant pour montrer l’application de la maxime au creusement d’un puits : satyam vaprêshu sîtam sasikaradhavalam vâri pîtvâ prakâmam vyukkhinnâsêshatrishnâh pramuditamanasah prânisârthâ bhavanti | sôsham nîtê galaughê dinakarakiranair yânty anantâ vinâsam tênôऽdâsînabhâvam vragati muniganah kûpavaprâdikârvê || ‘En vérité, lorsque les êtres vivants boivent à satiété l’eau fraîche des fossés, qui est blanche comme la lune, leur soif est complètement apaisée et leur cœur est réjoui ; mais lorsque toute l’eau est tarie par les rayons du soleil, d’innombrables créatures doivent mourir ; c’est pourquoi les sages déclinent tout intérêt pour la construction de puits et de fossés.’ ↩︎
313:2 Les commentateurs relient sâhu comme adjectif à dîvam, et fournissent Tîrthakara, etc. comme sujet. ↩︎