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QUATRIÈME LEÇON, INTIMÉ LE RENONCIATION À L’ACTIVITÉ.
Ô longévif (Gambûsvâmin) ! J’ai (Sudharman) entendu le discours suivant du Vénérable (Mahâvîra). Nous en arrivons maintenant à la conférence intitulée « Renonciation à l’activité ». Son contenu est le suivant :
[ p. 399 ]
C’est le Soi qui peut [^1171] ne pas renoncer (à l’activité), qui peut être habitué à agir, qui peut adhérer aux erreurs, qui peut être enclin au péché, qui peut être complètement ignorant, qui peut être complètement stoïque [^1172], qui peut ne pas considérer les opérations [^1173] de l’esprit, de la parole et du corps, qui peut ne pas éviter et renoncer aux péchés.
Le Vénérable a dit : « Il (le Soi) est incontrôlable, insouciant, n’évite ni ne renonce aux péchés, est actif, insouciant, enclin au péché, totalement ignorant, totalement inerte. Bien qu’un insensé ne considère pas [^1174] les opérations de son esprit, de sa parole et de son corps, et ne voie même pas un rêve [^1175], il commet néanmoins des péchés [^1176]. » (1)
L’adversaire dit au professeur : « Il ne peut y avoir de péché si (l’auteur d’une action) ne possède pas de pensées, de paroles et de fonctions corporelles pécheresses, s’il ne tue pas, s’il n’a pas d’organe interne, s’il ne considère pas les opérations de l’esprit, de la parole et du corps, s’il ne voit même pas un rêve. » [ p. 400 ] Que veut dire l’adversaire en faisant cette déclaration ? « Lorsqu’il y a un esprit pécheur, il y a péché de l’esprit ; lorsqu’il y a une parole pécheresse, il y a péché de la parole ; lorsqu’il y a un corps pécheur, il y a péché du corps. Lorsqu’on tue, qu’on possède un organe interne et qu’on considère les opérations de l’esprit, de la parole et du corps, lorsqu’on voit même un rêve, alors il y a péché. Seul celui qui a ces qualités peut commettre un péché. » L’opposant poursuit en disant : « Ceux qui disent : Il y a péché, bien que (l’auteur d’une action) ne possède pas de pensées, de paroles et de fonctions corporelles pécheresses, bien qu’il ne tue pas, bien qu’il ne possède pas d’organe interne, bien qu’il ne considère pas les opérations de l’esprit, de la parole et du corps, et bien qu’il ne voie même pas un rêve, ceux qui disent cela, ont tort. » (2)
Ici, le maître dit à l’adversaire : « Ce que je viens de dire est vrai : il y a péché, même si (l’auteur de l’acte) n’a pas de pensées pécheresses, (etc., tout comme ci-dessus, jusqu’à) même s’il ne voit pas un rêve. » « Quelle en est la raison ? » (L’Âkârya dit) [^1177] : « Le Vénérable a assigné les six classes d’êtres vivants comme raison : les êtres terrestres, (etc., jusqu’aux) êtres mobiles. Concernant ces six classes d’êtres vivants, le Soi n’évite pas et ne renonce pas aux péchés, il est méchant et fait du mal par cruauté : (ceci est vrai pour les cinq péchés capitaux) : tuer des êtres vivants, etc. (et les passions) : la colère, etc. (jusqu’au) péché de croyance erronée. » (3)
(L’Âkârya dit) : « Le Vénérable a illustré cela par l’exemple d’un meurtrier : [ p. 401 ] un meurtrier (qui hait) un maître de maison, son fils, le roi ou son serviteur, décide, à l’occasion, d’entrer (dans la maison de la victime) et de la tuer dès qu’il en trouve l’occasion [^1178]. Ce meurtrier qui a pris cette résolution [^1179] n’est-il pas (un homme) qui, jour et nuit, qu’il dorme ou qu’il soit éveillé, est plein d’hostilité et de mal ; qui est méchant et fait du mal par cruauté ? Un adversaire impartial à qui l’on présente cela répondra : En effet, il l’est ! » (4)
(L’Âkârya dit) : « Comme ce meurtrier qui a pris la résolution ci-dessus est un homme qui (etc., tout comme au § 4, jusqu’à) fait du mal par cruauté — (et cela est vrai pour les cinq péchés capitaux tuer des êtres vivants, etc. (et les passions
la colère, etc., (jusqu’au) péché de croyance erronée — ainsi le Vénérable a dit de lui : il [^1180] est incontrôlable, insouciant, il n’évite ni ne renonce aux péchés, il est actif, insouciant, enclin aux péchés, complètement ignorant, complètement stoïque. Bien qu’un insensé ne considère pas les opérations de son esprit, de sa parole et de son corps, et ne voie même pas un rêve, il commet néanmoins des péchés. » (5)
De même qu’un meurtrier qui nourrit des intentions (meurtrières) envers un maître de maison, etc., est un homme qui (&c., tout comme au § 4, jusqu’à) fait du mal par cruauté ; de même un homme ignorant qui nourrit des intentions (cruelles) envers toutes sortes d’êtres vivants, est un homme [ p. 402 ] qui (&c., tout comme au § 4, jusqu’à) fait du mal par cruauté. (6)
(Un adversaire pourrait objecter) : Ce raisonnement est erroné. Car il existe de nombreux êtres vivants qu’on n’a jamais vus, dont on n’a jamais entendu parler, dont on ne s’est jamais soucié, dont on n’a jamais prêté attention. On ne peut donc pas dire qu’on nourrisse envers eux des intentions meurtrières, ni qu’on soit, jour et nuit, éveillé ou endormi, plein d’hostilité et de malveillance (etc., le reste étant comme au § 4). (7) [1]
(L’Âkârya dit) : Le Vénérable a réfuté cela par deux illustrations, l’une d’un être sensible, l’autre d’un être insensé. La première est la suivante : Un être sensible, possédant cinq organes des sens et un organe interne développé, peut, à l’égard des six classes d’êtres vivants, à savoir les corps terrestres, (jusqu’aux) êtres mobiles, s’imposer une certaine restriction ; (par exemple) qu’il satisfera ses besoins, ou qu’il les fera satisfaire par d’autres, au moyen des corps terrestres seulement. Son intention est : je satisferai mes besoins, ou je les ferai satisfaire par d’autres, au moyen des corps terrestres seulement. Son intention n’est pas (de faire usage de) tel ou tel (corps terrestre particulier) : il satisfera ses besoins, ou les fera satisfaire par d’autres, au moyen des corps terrestres en général. À leur égard, [ p. 403 ] par conséquent, il est incontrôlable, sans retenue, n’évite ni ne renonce aux péchés. Il en va de même pour les cinq autres classes d’êtres vivants. Quelqu’un peut satisfaire ses besoins, ou les faire satisfaire par d’autres, au moyen des six classes d’êtres vivants. Son intention est : je satisferai mes besoins, ou les ferai satisfaire par d’autres, au moyen des six classes d’êtres vivants ; ce n’est pas : au moyen de certains êtres particuliers. Il satisfait ses besoins, (etc.) au moyen des êtres vivants en général. À leur égard, il est donc incontrôlable, etc. (Ceci est vrai pour les cinq péchés capitaux) : tuer des êtres vivants, etc., (et pour les passions) : la colère, (etc., jusqu’au) péché de croyance erronée. Le Vénérable a dit qu’une telle créature, (etc., tout comme au § 1, jusqu’à) commet des péchés. (8)
Français L’illustration des êtres insensés est la suivante : les êtres insensés, à savoir les corps terrestres, (&c., jusqu’aux) plantes, auxquels il faut ajouter, comme sixième élément, certains êtres mobiles, qui n’ont ni raison, ni conscience, ni intellect, ni esprit, ni parole, pour faire quelque chose, ou pour le faire faire par d’autres, ou pour consentir à ce que d’autres le fassent ; ces créatures aveugles (doivent être considérées comme des meurtriers), sont pleines d’hostilité et de mal (tout comme au § 4) [2] contre toutes les sortes d’êtres vivants. (Ceci est vrai pour les cinq péchés capitaux tuer des êtres vivants, etc., (et pour les passions, jusqu’au) péché de fausse croyance. Sachez ceci : bien que ces êtres n’aient ni esprit ni parole, comme ils causent de la douleur, du chagrin, des dommages, du tort et des blessures, ils doivent être considérés comme ne s’abstenant pas de causer de la douleur, etc. (9)
Ainsi, même les êtres insensés sont considérés comme responsables du massacre des êtres vivants, (etc., jusqu’au) péché de croyance erronée. Les êtres, quelle que soit leur origine, qui étaient sensibles (dans une existence) deviendront insensés (dans une autre) et vice versa. Ne se débarrassant pas, ne se débarrassant pas, n’annihilant pas, ni ne détruisant leur Karman, les personnes profondément mauvaises et ignorantes errent du corps d’un être insensé vers celui d’êtres sensibles, ou du corps d’un être sensible vers celui d’êtres insensés, ou du corps d’un être sensible vers celui d’un autre, ou du corps d’un être insensé vers celui d’un autre. Les êtres sensibles comme les insensés ont tous deux une conduite mauvaise et commettent des péchés par cruauté. Le Vénérable a dit qu’une telle créature est incontrôlable, (etc., tout comme dans I, jusqu’à) commet des péchés. (10)
(L’adversaire demande) : « Que faut-il faire ou faire faire pour se maîtriser et se retenir, pour éviter et renoncer aux péchés ? » (L’Âkârya répond) : Le Vénérable a déclaré que la cause (des péchés) sont les six classes d’êtres vivants, les vies terrestres, etc. Comme je ressens la douleur, ainsi en ressentent-elles. Par conséquent, elles ne doivent pas être blessées ou tuées [^1183].
[ p. 405 ]
Cette Loi constante, permanente, éternelle et vraie a été enseignée par des sages qui comprennent toutes choses. Ainsi, un moine s’abstient des cinq péchés capitaux : le massacre d’êtres vivants, etc., (et des vices, jusqu’au péché de croyance erronée). Il ne se brosse pas les dents, n’accepte ni collyre, ni émétiques, ni parfums. Un tel moine n’agit pas et ne tue pas, il est exempt de colère, d’orgueil, de tromperie et de cupidité, il est calme et heureux. Le Vénérable dit qu’un tel moine est bien contrôlé et modéré, évite et renonce aux péchés, n’est pas actif, mais prudent et profondément sage. (11)
Ainsi je dis.
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[^1183] : 399 : 3 Littéralement, discours (vakka = vâkya).
399:1 « May » signifie yâvi = kâpi. Ce mot est utilisé ici pour indiquer que l’inverse est vrai dans d’autres cas. Ce paragraphe met l’accent sur la doctrine gaïna selon laquelle le Soi ou âtman est la cause directe de toutes les actions d’un individu, en opposition aux philosophes sâṅkhya qui maintiennent l’inactivité absolue du purusha, et aux Bauddhas qui nient l’existence d’un âtman distinct. ↩︎
399:2 Littéralement, dormir (sutta = supta). ↩︎