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TRENTIÈME CONFÉRENCE. LE CHEMIN DE LA PÉNITENCE.
Écoutez maintenant avec un esprit concentré comment un moine détruit par des austérités le mauvais Karman qu’il avait acquis par l’amour et la haine. (1)
En s’abstenant 1. de détruire la vie ; 2. de mentir ; 3. de prendre quoi que ce soit qui ne soit pas donné ; 4. de toute indulgence sexuelle ; 5. de posséder une quelconque propriété ; et 6. de manger la nuit, l’âme se libère des Âsravas [^464]. (2)
En possédant les cinq Samitis et les trois Guptis, en se libérant des passions, en maîtrisant les sens, en vainquant la vanité [^465] et en évitant les illusions, l’âme se libère des Âsravas. (3)
Écoutez attentivement comment un moine détruit (le Karman) acquis par l’amour et la haine en l’absence des (vertus) mentionnées ci-dessus. (4)
Comme un grand réservoir, lorsque son approvisionnement en eau a été arrêté, s’assèche peu à peu par la consommation de l’eau et par l’évaporation, ainsi le Karman d’un moine, qu’il a acquis en des millions [1] de naissances, est anéanti par les austérités, s’il n’y a pas d’afflux de mauvais Karman. (5, 6)
Les austérités sont de deux sortes : externes et internes ; [ p. 175 ] les austérités externes sont de six sortes, et les austérités internes sont de six sortes [^467]. (7)
Les austérités externes sont :
1. anasana, jeûne ; 2. avamôdarikâ, abstinence [2] ; 3. bhikshâkaryâ, collecte d’aumônes ; 4. rasaparityâga, abstention de nourriture délicate ; 5. kâyaklêsa, mortification de la chair ; 6. samlînatâ, prendre soin de ses membres [3]. (8)
a. Le jeûne temporaire se présente brièvement sous six formes : 1. sous forme de ligne [4] ; 2. sous forme de carré ; 3. sous forme de cube ; 4. à une puissance six ; 5. à une puissance douzième ; 6. de toute disposition. Le jeûne temporaire (peut être pratiqué) pour différents objets que l’on a en tête. (10, 11)
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b. Le jeûne qui précède la mort est de deux sortes selon les mouvements du corps : avec changement (de position) et sans changement. (12)
Et encore, c’est double : admettre le soulagement [^471], ou non ; on peut soit quitter le lieu (où l’on a choisi de mourir), soit ne pas le quitter ; dans les deux cas on ne peut prendre aucune nourriture. (13)
2. L’abstinence est brièvement de cinq sortes : en ce qui concerne a. la substance ; b. le lieu ; c. le temps ; d. l’état d’esprit ; e. le développement. (14)
a. Celui qui prend moins de nourriture que d’habitude [5], dans le cas extrême une seule bouchée, pratique l’abstinence de substance. (15)
b. (Lieu signifie) un village, une ville franche [6], une capitale, un camp de marchands [7], une mine, une colonie d’une tribu sauvage [8], un endroit avec un mur de terre [9], une ville pauvre [10], une ville avec un port [11], une grande ville [12], une ville isolée [13] et une ville ouverte [14]. (16)
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Dans un ermitage, un vihâra [15], une halte pour procession [^483], un lieu de repos pour voyageurs [16], une station de bergers, un camp sur une hauteur, un camp de caravane, un lieu de refuge fortifié. (17)
Dans les jardins, sur les routes, dans les maisons – tout cela est entendu par lieu. Dans ces lieux et d’autres semblables, il peut errer. De cette façon, il pratique l’abstinence de lieu. (18)
1. pêtâ, 2. ardhapêtâ, 3. gômûtrikâ, 4. pataṅgavîthikâ, 5. sambûkâvartta, 6. âyatam-gatvâ-pratyâgata [^485]. (19)
c. L’abstinence temporelle est observée par celui qui se promène à ce moment précis des quatre Paurushîs du jour (qu’il choisit à cet effet). (20)
Ou s’il collecte l’aumône dans une partie du troisième Paurushî, ou dans son dernier quart, alors il observe l’abstinence par rapport au temps. (21)
d. L’abstinence, en référence à l’état d’esprit, est observée par celui qui accepte l’aumône d’une femme ou d’un homme, d’une personne parée ou non, de tout âge, de tout vêtement, de tout tempérament ou de toute couleur : si cette personne ne change pas de disposition ou de condition [17]. (22, 23)
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e. Un moine qui observe l’abstinence selon les détails qui ont été énumérés concernant la substance, le lieu, le temps et l’état d’esprit, observe également l’abstinence concernant le développement [18]. (24)
3. En ce qui concerne la collecte d’aumônes, il existe huit manières principales [19] de les collecter : les sept êshanâs (ou modes de mendicité) et d’autres restrictions auto-imposées. (25)
4. S’abstenir de nourriture délicate signifie s’abstenir d’aliments et de boissons hautement nourrissants [20] tels que le lait, le caillé, le ghee, etc. (26)
5. La mortification de la chair consiste en différentes postures comme Virâsana, etc., qui profitent à l’âme et qui sont difficiles à exécuter. (27)
6. Utiliser des logements et des lits non fréquentés consiste à vivre et à dormir dans des endroits séparés et [ p. 179 ] peu fréquentés, où il n’y a ni femmes ni bétail. (28)
Ainsi, les austérités externes ont été brièvement expliquées ; je vais maintenant expliquer les austérités internes dans l’ordre. (29)
Les austérités internes sont :
1. prâyaskitta, expiation des péchés ;
2. vinaya, politesse ;
3. vaiyâvritya, servir le gourou ;
4. svâdhyâya, étude ;
5. dhyâna, méditation ;
6. vyutsarga [21], abandon du corps. (30)
1. L’expiation des péchés est décuplé, ce qui doit être confessé [22], etc. ; cela doit être strictement observé par un moine ; c’est ce qu’on appelle l’expiation des péchés. (31)
2. La politesse consiste à se lever (de son siège), à joindre les mains, à offrir un siège, à aimer le gourou et à obéir cordialement. (32)
3. Il y a dix [23] sortes de services, comme servir l’Âkârya, etc. [^493] ; rendre service consiste à apporter son aide du mieux que l’on peut. (33)
4. L’étude est quintuple : 1. dire ou apprendre sa leçon ; 2. (interroger le professeur à ce sujet) ; 3. répéter ; 4. méditer ; 5. tenir un discours religieux. (34) [ p. 180 ] 5. S’abstenant de méditer sur des choses pénibles et pécheresses [24], on devrait, l’esprit recueilli, s’engager dans de pures méditations sur la Loi ; c’est ce que les sages appellent méditation. (35)
6. Si un moine reste immobile lorsqu’il est couché, assis ou debout, cela s’appelle l’abandon du corps, qui est la sixième sorte (d’austérités internes). (36)
Si un sage accomplit véritablement ces deux types d’austérités, il sera bientôt complètement libéré du Cercle des Naissances. (37)
Ainsi je dis.
[^467] : 174:2 Agârava = agaurava; mais il est expliqué ici, exempt de garva, cf. p. 98, note 2.
[^471] : 175:3 Angôpâṅgâdikam samvritya pravartanam, Tîkâ.
[^483] : 176:11 Sambadha, prabhûtakâturvarnyanivâsa.
[^485] : 177 : 2 Sannivêsa.
[^493] : 179 : 2 Comparez Aupapâtika Sûtra, éd. Leumann, p. 40.
174:1 Karmôpâdânahêtavas, ce par quoi l’âme devient affectée par Karman. ↩︎
174:3 Littéralement krores, c’est-à-dire dix millions. ↩︎
175:1 Comp. Aupapâtika Sûtra, éd. Leumann, p. 38 et suivantes. La division générale est la même, mais la subdivision diffère sur de nombreux détails. ↩︎
175:2 Réduction progressive de la nourriture, d’un repas complet de trente-deux morceaux à un repas d’un seul morceau. ↩︎
175:4 La signification de cette affirmation singulière est la suivante. Si quatre jeûnes de deux, trois, quatre et cinq jours sont accomplis dans cet ordre, ils forment une ligne. Si cet ensemble de jeûnes est répété quatre fois, en commençant chaque fois par un nombre différent, nous obtenons seize jeûnes ; ils forment un carré, à savoir :
1 . 2 . 3 . 4
2 . 3 . 4 . 1
3 . 4 . 1 . 2
4 . 1 . 2 . 3
La classe suivante comprend 64 jeûnes, la quatrième 4 096 et la cinquième 16 777 216. Les jeûnes de cette dernière classe nécessitent au moins 700 000 ans et sont probablement réservés aux anciens Tîrthakaras, dont la vie a duré d’immenses périodes. ↩︎
176:1 Saparikarma = vaiyâvrityasahita. Ceci mène à iṅginîmara et bhaktapratyakhyâna ; l’aparikarma à pâdapôpagamana (c’est-à-dire prâyôpagamana) ; comp. partie i, p. 72. ↩︎
176:2 Trente-deux bouchées constituent la quantité habituelle de nourriture des hommes, vingt-huit celle des femmes. Une bouchée a la taille d’un œuf. ↩︎
176:3 Nagara, où aucune taxe (na kara) n’est prélevée, tandis que les villages paient dix-huit taxes. ↩︎
176:4 Nigama, ou un endroit où habitent de nombreux marchands. ↩︎
176:5 Pallî. ↩︎
176:6 Khêta. ↩︎
176:7 Karvata. Selon le dictionnaire, cela signifie « ville marchande » ; mais les commentateurs le traduisent par kunagara, ou disent qu’il s’agit de karvataganâvâsa, la demeure du peuple Karvata. ↩︎
176:8 Drônamukha, une ville à laquelle on peut accéder par voie d’eau et par voie terrestre, comme Bhrigukakkha ou Tâmralipti. ↩︎
176:9 Pattana. ↩︎
176:10 Matamba, une ville qui est à plus de trois yôganas et demi de distance du village suivant. ↩︎
177:1 Une demeure de Bhikshus, ou un dêvagri. ↩︎
177:3 Samâga. ↩︎
177:4 Ce sont des termes pour différentes sortes de collecte d’aumônes ; on l’appelle pêtâ (boîte), quand on mendie successivement à quatre maisons formant les coins d’un carré imaginaire ; gômûtrikâ, quand on prend les maisons en zigzag ; pataṅgavîthikâ (chemin du grillon), quand on va à des maisons très éloignées les unes des autres ; sambûkâvartta (les méandres d’une conque), quand on va en spirale, soit vers le centre (abhyantara), soit du centre vers l’extérieur (bahis) ; âyatam-gatvâ-pratyâgata, quand on va d’abord tout droit puis qu’on revient. ↩︎
177:5 Je donne l’explication traditionnelle des versets, telle que rapportée p. 178 dans les commentaires. Si nous pouvions la mettre de côté, je traduirais : l’abstinence relative à la disposition est observée par celui qui, en collectant des aumônes, conserve la même disposition, qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme, etc. ↩︎
178:1 Car le développement (paggava = paryâya) désigne toute forme ou phase d’existence que quoi que ce soit peut assumer. Par conséquent, tous les détails du lieu, par exemple, sont des développements du Lieu. Comme toutes les restrictions de lieu, etc., diminuent indirectement la nourriture que peut obtenir un moine, elles entrent également dans la catégorie de l’Abstinence. ↩︎
178:2 Selon le commentateur, ce sont les six sortes énumérées au verset 29. Sambûkâvartta est de deux sortes, comme expliqué dans la note ; la huitième sorte est rigvî, ou la manière courante de mendier. Ces huit façons font référence aux maisons dans lesquelles on collecte les aumônes. Les sept êshanâs font référence à la qualité ou à la quantité de nourriture ; leurs noms sont donnés dans le Tîkâ, en partie en Prâkrit, en partie en sanskrit : 1. samsatthâ ; 2. asamsatthâ ; 3. uddhadâ ; 4. alpalêpikâ ; 5. udgrihîtâ; 6. pragrihîtâ; 7. ugghitadharmâ. Selon un autre passage : 1. is samsprishta, 3. uddhrita, 5. avagrihîta. ↩︎
178:3 Pranîta, a expliqué pushtikara. ↩︎
179:1 Viôsagga, viussaga, viusagga. On le traduit généralement par vyutsarga, mais le prototype sanskrit est vyavasarga, comme l’a souligné Leumann, lc, p. 152. ↩︎
179:3 Ibidem, p. 42. ↩︎