NEUVIÈME CONFÉRENCE. LA PRAVRAGYÂ DU ROI NAMI [^130].
Après que (Nami) soit descendu du monde des dieux et soit né en tant qu’homme, il mit fin à l’influence de l’illusion et se souvint de sa naissance antérieure. (1)
Se souvenant de sa naissance antérieure, le roi Nami [ p. 36 ] devint un Svayamsambouddha dans la vraie Loi, et plaçant son fils sur le trône, il se retira du monde. (2)
Après avoir joui, en compagnie des belles dames de son sérail, d’excellents plaisirs qui égalent ceux des cieux, le roi Nami devint éclairé et renonça à ses plaisirs. (3)
Ayant abandonné la ville et le pays de Mithilâ, son armée, son sérail et toute sa suite, le vénérable homme se retira du monde et se rendit dans un lieu solitaire. (4)
Lorsque le voyant royal Nami se retira du monde, à l’occasion de sa Pravragyâ, il y eut un tumulte à Mithilâ. (5)
Au voyant royal qui avait atteint l’excellent stade de Pravragyâ, Sakra, sous les traits d’un Brâhmanadressa les paroles suivantes : (6)
« Pourquoi Mithilâ [1] est-il maintenant en émoi ? Des bruits épouvantables s’élèvent des palais et des maisons. » (7)
En entendant cela, le voyant royal Nami, poursuivant ses raisons et ses arguments, répondit ainsi au roi des dieux : (8)
« À Mithilâ se trouve l’arbre sacré [2] Manôrama, plein de feuilles, de fleurs et de fruits, qui projette une ombre fraîche ; cet arbre est toujours le lieu de villégiature favori de nombreux (oiseaux). » (9)
[ p. 37 ]
« Maintenant, alors que cet arbre sacré Manôrama est secoué par la tempête, les oiseaux, souffrants, dépourvus de refuge et misérables, crient à haute voix. » (10)
En entendant cela, le roi des dieux, poursuivant ses raisons et ses arguments, répondit ainsi à la voyante royale Nami : (11)
« C’est le feu et la tempête, votre palais est en feu ! Révérend monsieur, pourquoi ne prenez-vous pas soin de votre sérail ? » (12)
Nami répondit (voir verset 8) : (13)
« Heureux sommes-nous, heureux vivons-nous qui ne considérons rien comme nôtre ; quand Mithilâ est en feu, rien de ce qui m’appartient n’est brûlé. » (14)
Pour un moine qui a quitté ses fils et ses femmes, et qui a cessé d’agir, rien d’agréable ne peut arriver, ni rien de désagréable. (15)
« Il y a beaucoup de bonheur pour le sage, pour le moine sans abri, qui est libre de tout lien et qui se sait célibataire et sans lien (avec le reste du monde). » (16)
Indra répondit (voir verset 11) : (17)
« Érigez un mur, des portes et des créneaux ; creusez un fossé ; construisez des sataghnîs [3] : alors vous serez [4] un Kshattriya. » (18)
Nami répondit (voir verset 8) : (19)
« Faisant de la Foi sa forteresse, de la Pénitence et de la Maîtrise de Soi le verrou (de sa porte), de la Patience son mur solide, de sorte que gardé de trois manières [5] il est imprenable ; faisant du Zèle son arc, de la Prudence dans la marche (iriyâ) sa corde, et de sa pointe (où la corde est attachée) Content, il devrait bander (cet arc) avec Vérité, perçant avec la flèche, Pénitence, la cotte de mailles (de l’ennemi), Karman — (de cette façon) un sage sera le vainqueur de la bataille et se débarrassera du Samsâra. » (20-22)
Indra répondit (voir verset 11) : (23)
« Construisez des palais, d’excellentes maisons [6] et des tourelles ; ainsi vous serez un Kshattriya. » (24)
Nami répondit (voir verset 8) : (25)
« Celui qui construit sa maison sur la route s’attirera certainement des ennuis ; où qu’il veuille aller, il pourra s’y loger. » (26)
Indra répondit (voir verset 11) : (27)
« En punissant les voleurs et les brigands, les coupe-bourses et les cambrioleurs, vous devez établir la sécurité publique ; ainsi vous serez un Kshattriya. » (28)
Nami répondit (voir verset 8) : (29)
« Les hommes appliquent souvent la punition de manière erronée : l’innocent est mis en prison et l’auteur du crime est mis en liberté. » (30)
Indra répondit (voir verset 11) : (31)
« Ô roi, soumets tous les princes qui ne te reconnaissent pas ; ainsi tu seras un véritable Kshattriya. » (32)
Nami répondit (voir verset 8) : (33)
« Même si un homme doit vaincre des milliers et des milliers de vaillants (ennemis), sa victoire sera plus grande s’il ne conquiert personne d’autre que lui-même. » (34)
« Combattez votre Soi ; pourquoi combattre des ennemis extérieurs ? Celui qui se conquiert par lui-même obtiendra le bonheur. » (35)
« Les cinq sens, la colère, l’orgueil, l’illusion et la cupidité [ p. 39 ] — il est difficile de vaincre soi-même ; mais quand on le conquiert, tout est conquis [7]. » (36)
Indra répondit (voir verset 11) : (37)
« Offrez de grands sacrifices, nourrissez les Sraman et les Brâhma, faites l’aumône, amusez-vous et offrez des sacrifices : ainsi vous serez un véritable Kshattriya. » (38)
Nami a répondu : (39)
« Même si un homme donne chaque mois des milliers et des milliers de vaches, meilleur sera celui qui se contrôle, même s’il ne fait pas l’aumône. » (40)
Indra répondit : (41)
« Tu as quitté le terrible âsrama (celui du maître de maison) [8] et tu veux entrer dans un autre ; (reste ce que tu étais), ô roi, et contente-toi d’observer les jours de Pôsaha. » (42)
Nami a répondu : (43)
« Si un homme ignorant mangeait ne serait-ce qu’un brin d’herbe de Kusa chaque mois, (le mérite de sa pénitence) n’égalerait pas le seizième de celui qui possède la Loi telle qu’elle a été enseignée. » (44)
Indra répondit : (45)
« Multipliez votre or et votre argent, vos bijoux et vos perles, votre cuivre, vos belles robes, vos carrosses et votre trésor ; alors vous serez un véritable Kshattriya. » (46)
Nami a répondu : (47)
« S’il y avait d’innombrables montagnes d’or et d’argent, aussi grandes que Kailâsa, elles ne satisferaient pas un homme avide ; car son avidité est sans limites comme l’espace. » (48)
« Sachant que la terre avec ses récoltes de riz et d’orge, avec son or et son bétail, que tout cela mis ensemble ne satisfera pas un seul homme, il faut pratiquer l’austérité. » (49)
Indra répondit : (50)
« Un miracle ! Ô roi, vous abandonnez ces merveilleux plaisirs à la recherche d’objets imaginaires ; votre espoir même causera votre ruine. » (51)
Nami a répondu : (52)
« Les plaisirs sont l’épine qui ronge, les plaisirs sont du poison, les plaisirs sont comme un serpent venimeux ; celui qui désire les plaisirs ne les obtiendra pas et finira mal à la fin. » (53)
« Il sombrera par la colère, il s’enfoncera par l’orgueil, l’illusion lui barrera la route, et par la cupidité il encourra des dangers dans les deux mondes. » (54)
Se débarrassant de l’apparence d’un Brâhmane et rendant visible sa véritable forme, Sakra le salua respectueusement et le loua avec ces douces paroles : (55)
Bravo ! tu as vaincu la colère ; bravo ! tu as vaincu l’orgueil ; bravo ! tu as banni l’illusion ; bravo ! tu as dompté la cupidité. (56)
« Bravo pour votre simplicité, ô saint ! bravo pour votre humilité, ô saint ! bravo pour votre parfaite patience ! bravo pour votre parfaite libération ! (57)
[ p. 41 ]
« Ici (sur terre), vous êtes l’homme le plus élevé, Révérend monsieur, et désormais vous serez le plus élevé ; exempt de toute tache, vous atteindrez la Perfection, un état plus élevé que celui qu’il n’y a pas dans ce monde. » (58)
Louant ainsi le voyant royal, Sakra, dans une foi parfaite, garda son côté droit tourné vers lui et lui rendit hommage, encore et encore. (59)
Après avoir adoré les pieds du meilleur sage marqués par le Kakra et l’Aṅkusa [9], il s’envola dans les airs, sa couronne et ses boucles d’oreilles tremblant joliment. (60)
Nami s’humilia ; ordonné par Sakra en personne, le roi de Vidêha quitta la maison et prit sur lui la condition de Srama. (61)
Ainsi agissent les éclairés, les sages, les intelligents ; ils se détournent des plaisirs, comme le fit Nami, la voyante royale. (62)
Ainsi je dis.
35:2 La vie du roi Nami et de sa Bôdhi est racontée dans le commentaire. Le texte Prâkrit de ce roman est imprimé dans mes « Ausgewählte Erzählungen in Mâhârâshtrî », Leipzig, 1886, p. 41 et suivantes. Nami est l’un des quatre Pratyêkabuddhas simultanés, c’est-à-dire l’un de ces saints qui atteignent le plus haut degré de connaissance par un effort personnel, et non par une instruction régulière et une discipline religieuse. Les Pratyêkabuddhas ou Svayamsambuddhas (Sahasambuddha dans Prâkrit) ne propagent cependant pas la vraie Loi, comme le font les Tîrthakaras. Comme la légende de Nami n’est pas matériellement liée à notre texte, je n’ai pas besoin d’en donner un résumé ici. ↩︎
36:1 Le texte contient Mahilâê, ce qui est contre le mètre. Le locatif rend la construction inutilement compliquée. ↩︎
36:2 Kêiê, kaitya. Le commentateur l’interprète comme signifiant udyâna, parc ; mais pour confirmer son interprétation, il prend vakkhê pour un pluriel instrumental au lieu d’un nominatif singulier. Le contexte lui-même semble militer contre cette interprétation ; car il est naturel de dire d’un arbre qu’il a beaucoup de feuilles, mais il est plutôt forcé de dire la même chose d’un parc. ↩︎
37:1 Un instrument pour défendre une ville. ↩︎
37:2 Gakkhasi. Le commentateur explique cela comme un impératif, mais il n’y a aucune nécessité. ↩︎
37:3 Tigutta, c’est un jeu de mots sur les trois guptis. ↩︎
38:1 Vardhamânagriha ; les maisons ainsi appelées appartiennent à la meilleure catégorie, voir Varâha Mihira, Brihat Samhitâ 53, 36. ↩︎
39:1 Le premier vers de ce vers est en Âryâ, le second en Anushtubh ; l’ensemble ne s’interprète pas, mais le sens est clair. Il existe de nombreux exemples où le mètre change dans la même strophe, de Âryâ à Anushtubh, et vice versa, si fréquents qu’il faut admettre que les auteurs de ces textes métriques n’ont pas hésité à prendre de telles libertés. ↩︎
39:2 Ghôrâsama. Un auteur gaïna ne peut s’empêcher de nommer les choses de son point de vue religieux. Ainsi seulement peut-on expliquer qu’Indra soit amené ici à appliquer à l’âsrama du maître de maison un attribut que non lui, mais son adversaire, aurait pu utiliser. Notre verset n’est cependant probablement qu’un ajout ultérieur, car il n’a pas le poids des versets mis dans la bouche d’Indra. ↩︎