CONFÉRENCE. V. AFFINITÉ MORALE NÉCESSAIRE À LA CONNAISSANCE D'UNE PERSONNE | Page de titre | CONFÉRENCE VII. LA RELIGION DANS L'HISTOIRE PRÉCHRÉTIENNE |
[ p. 138 ]
Il est naturel que, proportionnellement à la force de notre croyance en un Dieu personnel, nous nous attendions à ce qu’il se révèle à l’homme ; non seulement à quelques privilégiés, mais à l’humanité tout entière. Car le désir de communication avec soi-même est, comme nous l’avons vu, une fonction essentielle de notre personnalité ; il fait partie intégrante de ce que nous entendons par ce mot ; et nous ne pouvons concevoir une Personne créant librement des personnes, si ce n’est dans le but d’interagir avec elles une fois créées. Cette déduction est si nécessaire, en effet, que, si elle n’était pas justifiée par des faits historiques, elle créerait une forte présomption contre la véracité de la croyance dont elle découle. Pourtant, il est indéniable qu’en faisant appel à l’histoire, nous ne trouvons pas, à première vue, cette attente pleinement satisfaite. D’où l’importance de garder à l’esprit les nombreuses et sérieuses limites auxquelles, comme nous l’avons vu plus haut, toute révélation doit se soumettre. Car les hommes semblent souvent anticiper trop, et c’est précisément pour cette raison que [ p. 139 ] trouver trop peu de preuves d’une révélation divine dans l’histoire. Notre analyse de la nature de la personnalité nous conduit certainement à espérer que Dieu se révélera personnellement à chaque personne créée. Mais cette attente ne peut impliquer qu’une révélation ultime. Elle n’implique aucune autre idée de comment ni de quand, de temps ni de méthode. Et dans la mesure où notre croyance en Dieu est intimement liée à celle en l’immortalité, nous n’avons aucune raison, a priori, de limiter sa révélation à ce monde. La vie sur terre peut n’être pour beaucoup qu’une école maternelle ; et le sauvage peut être appelé à la quitter sans progrès tangibles, sans résultat visible atteint ; et pourtant avec une solide préparation intérieure pour l’étape à venir, même si elle se limite à l’amère induction négative : « par le moyen du mal, le bien est le meilleur. » Si le but de l’éducation est l’aptitude à la communion avec Dieu, la lenteur de son rythme n’a rien d’étonnant. Car les deux grands obstacles à toute amélioration du caractère sont l’indolence et l’impatience, et une révélation prématurée servirait l’un et l’autre, en donnant aux hommes plus que ce que leur conduite leur permettait encore de demander ou que leurs capacités leur permettaient d’utiliser. Nous avons déjà vu combien de conditions, de qualifications, de limitations et d’obstacles modifient la perspicacité spirituelle de tous les esprits ordinaires, même en présence des traditions les plus saintes et sous l’influence [ p. 140 ] du code moral le plus élevé. Il n’est donc pas surprenant que les signes d’une telle perspicacité se raréfient à mesure que nous remontons dans les régions les plus reculées du passé. Et pourtant, sans perspicacité, la révélation est impossible ; car la réalisation présuppose la faculté.
Si nous anticipons naturellement une révélation universelle, nous n’avons aucune raison d’être déconcertés de constater que ses preuves sont moins claires ou moins abondantes que nous aurions pu le supposer. Mais, d’un autre côté, nous ne devons pas permettre un seul instant aux adversaires de la révélation de éluder la question en interprétant l’histoire à partir d’une hypothèse irréligieuse, neutralisant ainsi d’emblée toutes les preuves existantes. Il n’est pas anormal que les collectionneurs de phénomènes religieux – les archéologues et antiquaires religieux, les fondateurs et les habitués des musées de religion comparée – décrivent les faits qu’ils découvrent d’un point de vue purement externe ou scientifique : mais nous devons nous rappeler qu’une telle description, à mesure qu’elle devient habituelle, nous empêche de reconnaître une contrepartie divine aux croyances humaines ; et exige donc une correction constante de ses préjugés. Car seuls les religieux peuvent légitimement apprécier la religion. Et les religions du passé ne peuvent jamais être correctement comprises qu’à la lumière de la religion du présent. La foi et la conscience doivent être connues telles qu’elles sont aujourd’hui, [ p. 141 ] avant que leurs manifestations antérieures puissent être reconnues. On nous met souvent en garde, en effet, contre l’erreur consistant à interpréter les idées modernes comme des choses révolues ; et cet avertissement est valable. Mais il est tout aussi erroné de supposer que nous pouvons isoler le passé et l’étudier sans l’aide du présent. Car il n’existe pas de faits isolés. Le fait d’observation le plus simple est, comme nous l’avons déjà vu, en partie créé par l’esprit de l’observateur ; et plus un fait devient complexe, plus son cadre intellectuel est élaboré. Or, les faits du passé lointain, qui nous sont parvenus, sont comme des fragments sortis de leur contexte ; et pour bien les comprendre, nous devons reconstituer leur contexte par un effort d’imagination, dans lequel les analogies tirées du présent sont nos guides inévitables. Dans les cas qui ne prêtent pas à controverse, ce processus passe souvent inaperçu, comme lorsque nous trouvons une pointe de flèche en silex et en déduisons immédiatement la fonction et les habitudes de son auteur. Mais dans les questions controversées, on semble parfois croire que nous pouvons éviter complètement l’opération, alors que tout ce que nous pouvons réellement faire est d’être précis et attentif dans sa réalisation, en distinguant les faits de l’imagination, et en veillant à ce que les faits ne soient pas d’abord influencés par une théorie, puis utilisés comme preuve de sa véracité. Le véritable danger ne réside pas dans l’interprétation de nos propres présupposés dans l’histoire, [ p. 142 ] mais dans le fait de le faire sans en être conscients et sans attirer l’attention sur le fait, afin de prendre les précautions critiques nécessaires. Lorsque, par exemple, nous trouvons ceci :En comparant les religions, on conclut que toute religion est une invention humaine et donc également fausse, ou que toutes les religions sont également inspirées et donc également vraies, ou que l’inspiration de l’une est renforcée par la fausseté flagrante des autres. Ces généralisations extrêmes sont évidemment dues aux préjugés inconsidérés de leurs auteurs. Les faits ont été indûment nuancés par les opinions qu’ils servent ensuite à justifier.
Or, la science des religions se trouve actuellement dans la même situation que toutes les sciences jeunes. Ses phénomènes accumulés sont nombreux et en même temps très incomplets ; leurs interprétations sont diverses et, selon les termes d’une haute autorité, parlant d’une seule de ses branches, « si fondamentalement opposées qu’il semble impossible, à l’heure actuelle, de se prononcer sur une position sûre et fondée à leur égard[1]. »
Le théiste est donc en droit d’aborder l’histoire religieuse avec une présomption initiale, à condition de le faire avec prudence. Il croit en un Dieu personnel ; et le besoin de communication avec soi-même fait partie de ce qu’il entend par personnalité. Il croit que les personnes ont été créées pour que Dieu puisse [ p. 143 ] entretenir des relations avec elles et elles avec Lui ; la prière et sa réponse étant les deux faces d’un même fait spirituel. Par conséquent, il s’attend à trouver la religion universelle, dès l’époque où l’homme fut homme ; et il suppose que partout où ses manifestations humaines se produisent, leur contrepartie divine a dû également être présente. Cette croyance ne repose pas sur l’histoire, mais sur l’analyse de sa propre personnalité et de son expérience religieuse ; et il l’intègre à l’étude des faits historiques, non pas comme une induction déguisée, mais comme une attente antérieure.
Et nous voici immédiatement confrontés à la prétendue objection à la religion, tirée de l’antiquité de l’homme. Le tableau de la lente évolution de l’homme est désormais trop familier et a été trop souvent dressé pour qu’il soit nécessaire de le répéter. La géologie le situe à une date bien antérieure à ce que l’on avait supposé ; et bien que cette date ne puisse être que relativement déterminée, sa distance par rapport à l’aube de l’histoire semble, selon les calculs les plus modérés, avoir largement dépassé celle qui sépare l’aube de l’histoire de nos jours. De plus, il a vécu durant cette longue période préhistorique dans un état rudimentaire et incivilisé, quant à ses méthodes et à ses moyens de vie. La biologie a ajouté l’hypothèse que sa constitution physique, au moins, s’est développée à partir d’une forme animale inférieure ; et si cela est vrai, comme il semble extrêmement probable d’après les faits, cela nécessiterait presque une date encore plus ancienne pour sa [ p. 144 ] première apparition que celle que nous aurions été disposés à accepter autrement. Or, il ne fait aucun doute qu’une forte présomption athée est créée dans de nombreux esprits par ce spectacle de la longue sauvagerie humaine. Le monde religieux est depuis longtemps habitué à l’existence de l’irréligion à sa périphérie et ne s’en inquiète guère. Car, en tout cas, l’immense masse de l’humanité, tout au long de la période historique, a été soumise à l’influence religieuse. L’Égypte, Babylone, la Chine et la grande famille indo-européenne ont toutes possédé suffisamment de religion pour justifier la croyance théiste selon laquelle, au milieu des innombrables erreurs humaines, Dieu ne s’est pas laissé sans témoin. Et, comparées à ces grandes races, les tribus sauvages dispersées, qui semblent ne connaître aucun Dieu, sont relativement insignifiantes quant à leur influence sur l’imagination. Leur état s’explique par une dégradation morale progressive ; et, bien que l’esprit religieux en ait été affligé, il n’a pas été anéanti. Mais lorsque la proportion et l’échelle de ces choses se transforment soudainement, et que la sauvagerie, au lieu de représenter un simple échec marginal du progrès humain, est présentée comme la condition normale de notre espèce pendant la majeure partie de son existence, le résultat est un bouleversement prodigieux de toutes nos idées préconçues. On soutient avec raison que ceux qui n’étaient pas plus civilisés que les sauvages modernes n’ont pu posséder une meilleure [ p. 145 ] mortalité ni de meilleures croyances religieuses ; et la question s’impose à nous avec une insistance importune : « Une race abandonnée à elle-même pendant des siècles aussi infinis peut-elle réellement avoir été l’objet de la sollicitude divine pendant ce temps ? » L’étude même du développement religieux au cours de la période historique a incité un écrivain chrétien à se demander : « Si Dieu nourrissait une pensée bienveillante envers l’espèce humaine…Comment pouvons-nous l’imaginer s’atteler à l’exécution de son plan pour le bien de l’humanité avec une délibération aussi fastidieuse ?.. Ce lent processus n’est-il pas trop froid, pour ainsi dire, pour le tempérament chaleureux de la grâce ?.. La lenteur de l’évolution n’est-elle pas la preuve que le but allégué n’est pas une réalité ?[2]’ Et de telles interrogations obstinées nous envahissent avec une intensité mille fois plus grande lorsque nous contemplons la longue perspective des âges préhistoriques. Elles ne constituent pas réellement une difficulté logique ; mais elles suscitent une présomption imaginative d’un poids et d’une force considérables, qui conduit de nombreux esprits à aborder l’histoire de la religion avec une forte prédisposition antithéiste.
Or, il faut se rappeler que les faits en question sont pour la plupart absolument neutres, tandis que les indications positives qu’ils donnent pointent plutôt dans une direction religieuse. Ils sont ainsi résumés par un auteur populaire dont le parti pris est clairement antithéologique[3]: [ p. 146 ] « En ce qui concerne les idées religieuses, elles ne peuvent être déduites que des reliques enterrées avec les morts, et celles-ci sont rares et incertaines pour les périodes antérieures… . Tout ce que nous pouvons dire, c’est que, depuis le début du Néolithique, il existe de nombreuses preuves que l’homme avait des idées sur un état d’existence futur très semblables à celles de la plupart des tribus sauvages d’aujourd’hui. De telles preuves font défaut pour la période paléolithique, infiniment plus longue, et nous en sommes réduits aux conjectures. » De plus, l’homme préhistorique n’était pas exactement dans la même situation que le sauvage moderne. C’est toute la différence entre eux, celle de la première et de la seconde enfance. L’un représente le vestige de l’humanité qui n’a pas progressé ; l’autre a dû contenir en lui le germe de tous les peuples progressistes. Même les instruments et les armes, qui pour l’un sont des survivances archaïques, ont dû être des inventions originales pour l’autre. La similitude de leur condition extérieure n’indique donc pas nécessairement une trop grande similitude de capacités et de caractère. Un homme peut avoir des pensées élevées dans un environnement très modeste ; et les nations les plus méditatives n’ont pas toujours été les plus progressistes, comme en témoigne « l’Orient stationnaire ». Si, par conséquent, nous croyons, comme nous le faisons, qu’une influence divine est clairement décelable tout au long de [ p. 147 ] la période historique, rien ne suggère son absence chez les races préhistoriques, et la présomption est en sa faveur. Peu importe, comme le dit si bien M. Reville, que l’aube du sentiment religieux dans l’âme humaine ait pu être associée à des notions simples et grossières du monde et de l’objet de la foi. Le point de départ est fixé et le voyage commence. En substance, cela revient exactement au même de dire que Dieu s’est révélé à l’homme dès que celui-ci a atteint un certain stade de son développement psychique, que de dire que l’homme était ainsi constitué qu’arrivé à un certain stade de son développement psychique, il devait prendre conscience de la réalité de l’influence divine. En ce sens… nous accepterions l’idée d’une révélation primitive [4].
Ainsi, le tableau de la longue enfance de l’homme, dressé par la science, n’affecte en rien la réalité de la religion. Il peut modifier notre vision de la méthode suivie par Dieu dans ses relations avec les hommes ; mais il ne contient rien qui puisse ébranler notre croyance en la probabilité de ces relations. Et il n’y a pas lieu de s’alarmer de ce qui, après examen, ne s’avère pas être un verdict de fait, mais seulement la vieille hypothèse athée, transposée dans les faits nouveaux, sans aucune justification logique.
En passant de la préhistoire aux premiers âges historiques, nous sommes immédiatement confrontés à la distinction générale entre le culte et la mythologie – c’est-à-dire [ p. 148 ] entre les cérémonies, les institutions, les usages et les observances rituelles d’une part, et les raisons qui les justifient, leur explication ou justification intellectuelle d’autre part – ce que nous appellerions aujourd’hui pratique et croyance religieuses. Des recherches récentes ont accordé une attention particulière au premier de ces deux éléments de la religion antique – le cérémonial ou la coutume –, car il est plus ancien que la plupart des mythologies connues, plus répandu par son étendue et son origine, plus tenace et donc susceptible d’éclairer davantage la condition spirituelle du monde primitif. De fait, cette priorité de la coutume sur la croyance a été utilisée par un auteur allemand récent[5] au service d’une théorie qui expliquerait la religion en la présentant comme une tentative artificielle d’expliquer ce qui était à l’origine une habitude irrationnelle. Mais le fait que les raisons invoquées pour justifier une coutume ancienne soient mutuellement contradictoires, et dans certains cas manifestement fausses, ne prouve en rien que la coutume en question n’ait eu aucune raison d’être originelle. Des habitudes peuvent devenir irrationnelles ou instinctives, mais elles peuvent difficilement commencer par l’être ; de même, un certain nombre d’habitudes sans fondement religieux ne peuvent engendrer des idées religieuses. Par conséquent, la théorie en question doit s’appuyer sur la vieille idée selon laquelle la religion était à l’origine une invention artificielle ; or, ce n’est là qu’une survivance [ p. 149 ] de ces conceptions obsolètes du siècle dernier, qui considéraient la société sous toutes ses formes comme artificielle, et que la science historique moderne a discréditées à jamais. Un tel paradoxe, aussi ingénieusement défendu soit-il, n’est donc pas susceptible de faire grand mal de nos jours ; il peut cependant servir à attirer l’attention sur le fondement factuel sur lequel il repose : l’extrême importance des rituels dans la société primitive. Par exemple, il y avait l’institution universelle du sacrifice, qu’il fût considéré comme une fête de communion entre les dieux et les hommes, ou comme un hommage, une propitiation, une expiation. Il y avait des fêtes annuelles et saisonnières, dont les coutumes, au sens longtemps oublié, perdurent dans le monde d’aujourd’hui. Il y avait des sacrements agricoles et pastoraux liés aux prémices des champs ou du troupeau, sources de nombreuses superstitions rustiques et expressions provinciales pittoresques. Il y avait aussi toutes les observances liées à la naissance et à la mort ; les cérémonies d’initiation à l’adolescence ; les coutumes matrimoniales ; les rites funéraires ; les jeûnes, les flagellations, les pénitences ; les systèmes scrupuleux de tabous ; les solennités d’allumer un feu, de puiser de l’eau, d’abattre des arbres. Ces occasions et ces actions, parmi d’autres,Trop nombreuses et variées pour être énumérées, ces questions relevaient de la réglementation rituelle, où le temps, le lieu, l’état corporel, la posture, la gestuelle, le langage et l’habillement étaient minutieusement et soigneusement prescrits. Une grande partie de cette religion coutumière, [ p. 150 ] bien sûr, coïncide avec des périodes historiques ; mais sa prévalence peut être déduite de la littérature et du folklore anciens, bien au-delà de l’horizon de l’histoire écrite. Elle porte toutes les marques d’un âge immémorial et pourrait bien remonter à l’homme primitif.
Les institutions politiques sont plus anciennes que les théories politiques, et de même les institutions religieuses sont plus anciennes que les théories religieuses… Les usages rituels et pratiques constituaient, à proprement parler, l’ensemble des religions antiques. La religion, aux temps primitifs, n’était pas un système de croyances avec des applications pratiques ; c’était un ensemble de pratiques traditionnelles fixes auxquelles chaque membre de la société se conformait naturellement. … Un homme naissait dans une relation fixe avec certains dieux aussi sûrement qu’il naissait dans une relation avec ses semblables ; et sa religion – c’est-à-dire la part de conduite déterminée par sa relation aux dieux – n’était qu’un aspect du schéma général de conduite que lui imposait sa position sociale. Il n’y avait pas de séparation entre la sphère religieuse et la vie ordinaire. Tout acte social avait une référence aux dieux aussi bien qu’aux hommes, car le corps social n’était pas composé seulement d’hommes, mais de dieux et d’hommes :… dans chaque région du monde, dès que nous trouvons une nation ou une tribu émergeant des ténèbres préhistoriques vers la lumière de l’histoire authentique, nous trouvons aussi que sa religion [ p. 151 ] est conforme au type général qui vient d’être indiqué [6].’
Quel était le ton dominant de cette religion primitive ? « L’aspect sévère de la religion naturelle », dit le Dr Newman dans un ouvrage célèbre, « en est l’aspect le plus marquant. » Ce n’est pas « une satisfaction ou un refuge, mais une terreur et une superstition. » « Son fondement profond et profond est le sentiment de péché et de culpabilité. » Et encore, « partout où la religion existe sous une forme populaire, elle a presque invariablement laissé transparaître son côté obscur[7]. » Ce point de vue, pour lequel Lucrèce est constamment cité – Lucrèce, l’ennemi déclaré de toute religion – est sans aucun doute une exagération. Et le professeur Robertson Smith est tout aussi en accord avec les faits tels que nous les connaissons aujourd’hui lorsqu’il affirme : « L’identité des occasions religieuses et des périodes de fêtes peut être considérée comme la caractéristique déterminante du type de religion antique en général[8]. » Mais la situation dans son ensemble est mieux décrite par M. Réville : « N’oublions jamais, dit-il, que quelle que soit l’idée qu’il se soit faite de la divinité, l’homme a toujours éprouvé et chéri un sentiment particulier de réconfort à être en relation normale avec elle, et ce même lorsque cette divinité se présentait à lui sous des aspects terrifiants… Dans le sentiment religieux, le sentiment de dépendance est intimement mêlé [ p. 152 ] au sentiment d’union, de réciprocité et de mutualité, qui n’est pas moins essentiel à la religion que le premier. On peut voir ici une double gamme ou une double série de sentiments… »
respect, vénération, peur, consternation, terreur :
admiration, joie, confiance, amour, extase.
Les deux gammes – dont l’une a pour ton fondamental la peur, et l’autre la confiance – se confondent le plus souvent dans la réalité. C’est parfois l’une qui prévaut, parfois l’autre, mais avec une infinie variété de nuances, de demi-tons et, si l’on peut dire, de quarts de tons[9]. » Une grande partie de cette religion coutumière, examinée en détail, est grossière, maladroite, irrationnelle ; et sa longue domination ne peut manquer de susciter des appréhensions similaires à celles que nous avons examinées à propos de l’antiquité de la race. Mais un fait en ressort avec une importance saisissante : la puissante, l’emprise formidable de la religion sur l’homme. Elle est coextensive à sa conduite, à son chemin et à son lit. Il ne peut s’en débarrasser. Elle le réconforte, elle le contrôle ; c’est naturel, c’est normal. Il peut se sentir tantôt en communion avec ses dieux, tantôt en éloignement d’eux. Mais dans les deux cas, il tient pour acquis un intérêt divin dans ses affaires ; une réponse divine à ses actes et aspirations ; un désir divin de communication et de communion [ p. 153 ] avec lui-même. On peut admettre que les conceptions intellectuelles qui accompagnaient tout cela étaient des plus vagues. À une époque où l’homme n’avait pas une notion claire de sa propre personnalité, distincte de la nature d’une part, et de sa famille et de sa tribu d’autre part, les contours du surnaturel et du surhumain seraient également flous. Mais c’est précisément cette indistinction qui confère à la religion primitive sa valeur probante. L’homme ne savait qu’en penser, balbutiait dans ses efforts pour l’expliquer, et pourtant il se laissait lier pieds et poings liés par elle. Il y avait en elle une réalité à laquelle il ne pouvait, une nécessité à laquelle il ne voulait pas échapper. Un pouvoir s’emparait de lui, et le saisissait pour son bien. Or, ce pouvoir reposait en définitive soit sur une fiction, soit sur une vérité. Aussi bénéfique que soit son action, elle était en dernière analyse un mensonge, ou c’était Dieu, au milieu et en dépit de la superstition, de l’ignorance et de l’erreur, revendiquant l’allégeance des hommes de la seule manière et au seul degré où, à ce stade particulier de son développement, elle pouvait l’être. S’il n’y avait pas de continuité organique dans l’histoire et si le passé était séparé du présent par un gouffre, ce dilemme pourrait rester sans solution. Mais le pouvoir en question est une forme antérieure, et essentiellement identique, du pouvoir de la religion [ p. 154 ] tel que nous le percevons dans le monde d’aujourd’hui. Nous sommes donc en droit de le juger à l’aune de ce qu’il est devenu. Existant dans un passé lointain, nous ne pouvons le percevoir que de l’extérieur ; mais existant dans le présent, nous pouvons aussi le percevoir de l’intérieur. Et si cette connaissance intime de la religion nous a convaincus de sa vérité, nous pouvons logiquement étendre cette conviction à toutes ses phases révolues. La prévalence précoce de la religion coutumière,avec sa subordination du credo à la conduite, deviendra alors une preuve supplémentaire de son origine providentielle - en initiant avec une puissance irrésistible un cours de développement spirituel, que ses sujets de l’époque ne pouvaient ni prévoir ni comprendre
Dire cela ne revient pas à imposer une théorie fantaisiste aux faits : c’est simplement affirmer que ces faits sont plus intelligibles pour nous que pour toute théorie adverse. La science historique découvre des faits qui, une fois découverts, sont de notoriété publique. Et nous sommes manifestement dans notre droit d’affirmer que les faits de la religion primitive sont bien moins compatibles avec sa fausseté qu’avec sa vérité ; sa grossièreté n’étant rien de plus que ce à quoi nous pouvions nous attendre, tandis que son emprise sur la vie était trop puissante et déterminée pour être autre chose que divine.
Mais aussi clairement établi que les sacrifices, les observances et les rites de nature religieuse ont précédé la grande masse de la mythologie écrite, ils présupposent néanmoins une forme de croyance religieuse élémentaire ; et la question se pose à nouveau : les formes antérieures de croyance religieuse sont-elles compatibles avec l’idée de révélation ? Trois [ p. 155 ] points de vue sont possibles. Il y a, d’abord, la théorie d’une révélation monothéiste claire à l’homme primitif, qui fut ensuite perdue par la majorité de notre race, et dont les fragments flous et déformés, flottant comme une brume au-dessus de la terre, ont donné naissance aux diverses mythologies. Cette théorie, bien qu’elle ait bénéficié d’un certain soutien scientifique, était probablement d’origine théologique ; elle était étroitement liée à cette vision de l’histoire que l’on croyait autrefois contenue dans la Genèse ; mais que, en tout cas, nous, Anglais, comme l’a souligné le professeur Maurice, devons beaucoup plus directement et immédiatement à Milton[10]. On ne saurait mieux le résumer que par les mots du docteur South[11]: « Adam, dit-il, est venu au monde en philosophe » ; et encore : « Aristote n’était qu’un Adam déchet. » Il suffit de comparer ces affirmations avec les premiers chapitres de la Genèse pour constater immédiatement combien d’hypothèses arbitraires elles intègrent au texte. La forme même du récit de la Genèse est trop manifestement orientale et mythique pour être intégrée à l’histoire, au sens occidental du terme ; alors que, même en l’état, elle n’implique aucune vision plus qu’une autre de la nature de la révélation primitive. Son analyse spirituelle de l’homme est profondément et éternellement vraie, mais elle est aussi compatible avec un niveau [ p. 156 ] d’intellect et de culture inférieur qu’avec un niveau élevé ; et si elle affirme le fait d’une interaction divine avec la conscience humaine, on ne peut pas dire qu’elle en indique la méthode.
« Qu’il s’agisse d’une vision réelle, sensible
À la vue et au toucher, ou que dans ce genre
Ont été projetés avec condescendance
Communications spirituellement maintenues
Et les intuitions morales et divines[12].»
La théorie en question n’a pas non plus de fondement plus scientifique que les Écritures. On a en effet soutenu que les premières étapes des principales religions historiques sont plus monothéistes que les suivantes et suggèrent donc un monothéisme originel. Mais le langage qui exprime ces premières tendances monothéistes est trop manifestement ancré dans des modes de pensée plus primitifs pour permettre une telle interprétation. Il s’agit d’une évolution et non d’une réminiscence ; d’un développement et non d’une dégradation. De plus, on trouve, enfouis dans la littérature religieuse et le folklore populaire, des fragments fossiles de formations mythologiques plus anciennes et plus rudimentaires, qui semblent, dans tous les cas, avoir précédé les formes plus pures des grandes religions historiques.
De là est né l’extrême opposé de la théorie précédente : l’idée que la théologie du monde a débuté avec les conceptions les plus rudimentaires et les plus enfantines, telles qu’on les trouve chez les [ p. 157 ] sauvages d’aujourd’hui, et qu’elle s’est ensuite progressivement affinée et développée jusqu’au niveau élevé que l’on retrouve dans les Védas et l’Avesta, ainsi que dans la religion ancienne d’Égypte. Les détails de cette théorie, aussi intéressants soient-ils, sont devenus aujourd’hui trop familiers pour qu’il soit nécessaire de les répéter. En même temps, ils ont jusqu’ici généralement été présentés comme des arguments contre la réalité de toute révélation. Mais tout ce qu’ils pourraient réellement réfuter, s’ils étaient vrais, sont des hypothèses comme celle mentionnée ci-dessus, quant à la méthode qu’une révélation divine a ou aurait dû suivre. Mais si nous considérons la grande loi de l’éducation par l’illusion, à laquelle nous avons fait allusion plus haut, ainsi que la fréquente coexistence d’une religion personnelle forte et d’une théologie grossière, nous pouvons facilement croire que, si l’homme s’est développé à partir d’un état de sauvagerie complète, Dieu a pu se révéler à lui par des degrés lents correspondants, et à travers des conceptions intellectuelles limitées de manière appropriée, et pourtant tout au long de ce processus avec suffisamment de certitude pour rendre possible un certain degré de vie spirituelle.
« Et ces illusions qui excitent le mépris
Ou, plus encore, la pitié des esprits irréfléchis—
Ne sont-ils pas principalement des ministres extérieurs ?
De la conscience intérieure ? — dont le service est chargé
Ils sont venus, et repartis, sont apparus et ont disparu,
Détourner les mauvaises intentions, le remords
Réveil, châtiment d’un chagrin intempérant,
Ou l’orgueil du cœur qui s’affaiblit [13].»
[ p. 158 ]
Mais cette théorie extrême, si elle est vraie, est encore bien loin d’être démontrée. Elle est d’une simplicité excessive ; et toutes les tentatives d’organiser le progrès humain par étapes, qu’elles soient déterminées empiriquement comme par Comte, ou rationnellement comme par Hegel, ont échoué ; elles sont inadaptées à la subtilité et à la complexité de la nature. En réalité, la mythologie est issue de sources multiples : nécessités du langage, maladies du langage, erreurs de langage stupides, poésie, spéculation, récits, intrigues de prêtres, visions inspirées et rêves immoraux. Elle est en partie une croissance naturelle, en partie une invention artificielle, en partie le résultat d’emprunts conscients ou inconscients d’une race à une autre. Et c’est une erreur de supposer que, dans son ensemble, elle ait jamais été étroitement liée à la religion, même lorsqu’elle est tissée autour des noms et des histoires des dieux. Dans les poèmes homériques, par exemple, une large distinction est palpable entre la religion implicite et la mythologie exprimée ; Un ton religieux élevé, pur, simple et naturel, tel qu’il n’aurait jamais pu être suggéré ou soutenu par le romantisme céleste auquel il est pourtant inextricablement lié. On trouve de nombreux cas similaires dans la littérature religieuse ; et nous pouvons donc croire qu’à des époques plus reculées, une différence similaire existait entre le sentiment intérieur qui accompagnait la prière, le rite ou le sacrifice, et les étranges fantaisies fétichistes [ p. 159 ] ou totémiques qui le recouvraient souvent ; et qu’alors aussi, comme si souvent depuis, le cœur était plus proche du ciel que la tête. Si tel est le cas, nous pourrions adopter une vision intermédiaire entre les deux extrêmes susmentionnés, selon laquelle Dieu s’est d’abord révélé à l’esprit humain, sous des formes mythiques aussi simples que semblent l’exiger la nature même du langage et de la pensée primitifs, mais avec suffisamment de clarté pour que ces mythes exercent une influence inspirante, ennoblissante et exaltante, marquant le début d’un véritable lien religieux entre l’humain et le divin. Après tout, les grands sacrements naturels du soir et de l’aube devaient exercer sur l’homme primitif le même étrange attrait spirituel qu’ils exercent encore sur nous, malgré toutes nos connaissances scientifiques sur la manière dont leur sorcellerie s’opère ; et l’amour et la mort, les deux grands maîtres jumeaux, devaient être aussi puissants alors qu’aujourd’hui pour tendre le cœur humain à la nostalgie du mystérieux pays du couchant. L’hypothèse selon laquelle ces stades supérieurs de la religion naturelle n’auraient été atteints qu’après un culte millénaire des bois, des pierres, des « bêtes à quatre pattes et des reptiles » est difficilement aussi probable que la théorie paulinienne, qui affirme que c’était exactement l’inverse. Si la première de nos deux théories précédemment évoquées surestime l’action de la dégénérescence, la seconde la sous-estime certainement beaucoup.La dégénérescence morale et spirituelle des races est un fait important [ p. 160 ] de l’histoire, qui agit immédiatement sur les conceptions religieuses ; on peut en déduire sans risque qu’elle était tout aussi active à l’époque préhistorique. Par conséquent, lorsque nous rencontrons des objets et des formes de culte mesquins, grotesques, absurdes, obscènes ou horribles, il y a lieu de présumer qu’ils sont en grande partie dus, non pas à une limitation intellectuelle originelle, mais à une détérioration et une déformation morales progressives. Une vision intermédiaire, qui considère les conceptions originelles de l’homme comme ni aussi élevées ni aussi basses qu’on a parfois tendance à le supposer, s’accorde donc parfaitement avec les faits de la mythologie comparée tels que nous les connaissons actuellement ; elle laisse néanmoins une large marge, à l’intérieur de laquelle les esprits continueront de diverger, à moins que de nouveaux faits n’apportent un éclairage nouveau sur le sujet. Ainsi, le mythe, mais non le mythe immoral ou ignoble, semble avoir été la première façon pour l’homme de penser à Dieu — un mythe que la pensée et le langage primitifs suggéraient inévitablement, en parlant des tempêtes et des saisons, du soleil, de la lune, des étoiles ; et si tel est le cas, le mythe peut être considéré comme le premier instrument de révélation de Dieu à l’esprit, par opposition à la conscience et au cœur de l’homme. « Il ne s’est pas laissé sans témoignage. »
Ainsi, l’examen de l’âge subhistorique, l’âge du mythe et des coutumes, nous présente précisément l’image de la religion à laquelle nous devrions nous attendre après avoir découvert l’antiquité de l’homme – une religion qui, [ p. 161 ] bien que rudimentaire, est manifestement réelle, puisqu’elle est un maillon d’une chaîne continue, une partie inséparable d’un système progressif, dont nous avons de plus fortes raisons de considérer les phases ultérieures comme révélées. Il faut se rappeler que les chrétiens, depuis l’époque de Tertullien et de Clément d’Alexandrie, ont toujours eu l’habitude d’adopter deux points de vue très différents sur les religions préchrétiennes du monde ; des points de vue que l’on peut appeler respectivement polémique et philosophique ; l’un s’intéressant à leur fausseté, nécessitant une contradiction, l’autre à leur vérité relative, comme préparant la voie à des choses plus élevées. Le contraste peut être bien illustré par une comparaison entre le traitement des dieux païens par Milton dans le Paradis perdu et celui de Wordsworth dans le quatrième livre de l’Excursion. La tendance naturelle de notre méthode historique moderne et notre connaissance accrue de la littérature sacrée mondiale ont été de privilégier ce dernier point de vue, le point de vue alexandrin, wordsworthien. Car aucun lecteur des Védas ou de l’Avesta, des psaumes akkadiens ou du rituel égyptien des morts ne peut manquer d’y reconnaître la véritable résonance de la religion. L’ancienne forme d’apologie, qui s’efforçait d’établir la vérité du christianisme en le contrastant avec la fausseté de toutes les croyances antérieures, est donc devenue pour nous chose du passé. Elle subsiste certes encore dans certains milieux, mais elle n’est plus vraiment défendable ; car elle est non seulement [ p. 162 ] contredit par les faits historiques évidents, mais aussi par nature suicidaire, car il cherche à rehausser l’importance d’une révélation particulière en discréditant la religion naturelle, à laquelle une telle révélation doit faire appel ; à élever la superstructure en détruisant ses fondements[14]. Mais toutes les réactions peuvent être poussées trop loin, et nous courons peut-être le danger actuel d’une acceptation trop facile des doctrines d’un progrès religieux cohérent. Il y a eu sans aucun doute des progrès dans l’histoire de la religion, mais d’une nature plus facile à ressentir qu’à définir. Tout d’abord, comme nous l’avons vu, il n’existe pas d’accord uniforme entre les autorités quant à son niveau précis de départ ; il ne peut pas non plus y en avoir davantage quant à son objectif, car un agnostique, un théiste et un chrétien, avec leurs normes différentes de perfection religieuse, doivent avoir des critères de progrès différents. De plus, nombre des dates, qui auraient une influence importante sur la priorité relative des différents systèmes, sont actuellement incertaines, et peut-être à jamais incertaines. Et puis aussi, l’effet de la dégénérescence est une quantité totalement indéfinissable, sur laquelle subsisteront les opinions les plus diverses. Toutes ces considérations [ p. 163 ] devraient nuancer notre acceptation des généralités superficielles concernant l’évolution religieuse. De plus, un point encore plus important à garder à l’esprit est la distinction, déjà signalée, entre ce que nous appellerions aujourd’hui la religion personnelle et la théologie. Nous avons tendance à surestimer, comme source de preuve, ce que l’on pourrait appeler l’élément externe de la religion primitive, du fait qu’il a survécu dans la littérature, les rituels et le folklore, et qu’il nous a donc été transmis ; tandis que la religion personnelle qui le sous-tendait a disparu sans laisser de traces. On parle de sept mille opposants au culte de Baal en Israël, alors que l’œil du prophète contemporain n’en voyait aucun. Et le cas est typique. Il y avait une piété domestique dans la Rome de Juvénal, et… La vie chrétienne aux IXe et Xe siècles, ces âges sombres de l’Église. Et il a dû en être ainsi tout au long de l’histoire religieuse. Nous trouvons continuellement parmi les pauvres sans instruction d’aujourd’hui une dose de religion qui contrôle, réconforte et raffine toute leur vie, combinée à peu de conceptions théologiques, souvent très rudimentaires ; tandis que les esprits les plus religieux parmi les classes instruites et cultivées sont les plus conscients de l’insuffisance du langage pour décrire l’objet de leur foi ; et la religion personnelle la plus élevée tend toujours vers le mysticisme, un sentiment de communion spirituelle « trop profond pour être exprimé par des mots ». Mais c’est précisément à l’étendue et à l’intensité de cette vie cachée, au nombre de personnes qu’elle affecte et à la mesure dans laquelle elle les affecte, que la véritable vitalité d’une religion [ p. 164 ] doit être jugée ; Le jugement est d’autant plus complexe que les renouveaux spirituels ont souvent tendance à recourir à des méthodes d’expression archaïques, offrant ainsi aux yeux de l’histoire une illusoire apparence de régression. Des deux principaux facteurs de la religion, nous ne pouvons donc nous intéresser qu’au plus externe, à savoir les vestiges mythologiques et rituels. Ce fait nuit gravement à l’exhaustivité de toute généralisation possible sur la nature et le caractère du progrès religieux. Nous pouvons évaluer l’intellect, mais non l’esprit du passé lointain, et c’est à l’esprit que se fait la révélation. Des races distinctes semblent avoir été dominées par des éléments distincts de la pensée religieuse, chacun ayant son type particulier, son idée caractéristique ; mais l’isolement de ces éléments a été fortement atténué dans la pratique populaire et, par une réaction facile, s’est transformé en son contraire.Laissant dans l’esprit une impression générale de fluctuation plutôt que de progrès ; tandis que le rituel est resté sensiblement identique partout dans le monde et a persisté, avec peu de changements, malgré les raffinements successifs des interprétations, les réformes religieuses et les changements de croyances. Mais tout cela ne nous dit rien des espoirs et des craintes profondes au milieu desquels, un à un, les hommes ont vécu et sont morts.
En bref, il faut se rappeler que la science des religions n’a qu’un accès partiel [ p. 165 ] aux phénomènes dont elle traite ; et, de plus, qu’elle est encore au stade empirique, la plupart de ses généralisations étant encore plus ou moins hypothétiques et nécessitant un examen attentif avant de pouvoir devenir des prémisses à partir desquelles de nouvelles conclusions peuvent être tirées.
CONFÉRENCE. V. AFFINITÉ MORALE NÉCESSAIRE À LA CONNAISSANCE D'UNE PERSONNE | Page de titre | CONFÉRENCE VII. LA RELIGION DANS L'HISTOIRE PRÉCHRÉTIENNE |
O. Schrader. ↩︎
Dr Bruce. ↩︎
S. Laing. ↩︎
Proleg. à Philos. de la Religion. ↩︎
Groupe. ↩︎
Robertson Smith, La religion des Sémites. ↩︎
Grammaire de l’assentiment. ↩︎
Religion des Sémites. ↩︎
Proleg. à Philos. de la Religion. ↩︎
Qu. dans Maurice, Morale et Métaphysique. Philos. ii. ↩︎
Wordsworth, Excursion. ↩︎
Wordsworth, Excursion. ↩︎