Emil Schürer écrit (La littérature du peuple juif au temps de Jésus, pp. 329-331) :
Alors que cette explication plus courte sous forme catéchétique [Questions et réponses sur la Genèse] était destinée à des cercles plus larges, l’œuvre scientifique principale et spéciale de Philon est son grand commentaire allégorique sur la Genèse, Νομων ιερων αλληγοριαι (tel est le titre qui lui est donné dans Eusèbe Hist. eccl. ii. 18. 1, et Photius, Bibliotheca cod. 103. Comp. aussi Origène, Comment. in Matth. vol. xvii. c. 17 ; contra Celsum, iv. 51). Ces deux œuvres se rapprochent fréquemment quant à leur contenu. Car dans les Quaestiones et solutiones aussi, la signification allégorique plus profonde est donnée aussi bien que le sens littéral. Dans le grand commentaire allégorique, au contraire, l’interprétation allégorique prévaut exclusivement. Le sens allégorique profond de la lettre sacrée est établi dans une discussion longue et prolixe qui, en raison de l’ajout abondant de passages parallèles, semble souvent s’éloigner du texte. Ainsi, toute la méthode exégétique, avec son intégration des passages les plus hétérogènes pour éclaircir l’idée supposée se trouver dans le texte, rappelle fortement la méthode du Midrash rabbinique. Cette interprétation allégorique comporte cependant, malgré son arbitraire, ses règles et ses lois, le sens allégorique, autrefois établi pour certaines personnes, objets et événements, étant ensuite respecté avec une cohérence acceptable. C’est notamment une idée fondamentale, dont l’exposé est partout déduit, que l’histoire de l’humanité telle que relatée dans la Genèse n’est en réalité rien d’autre qu’un système de psychologie et d’éthique. Les différents individus qui apparaissent ici dénotent les différents états d’âme (τροποι της ψυχης) qui se manifestent chez les hommes. Analyser ces états dans leur diversité et leurs relations, tant entre eux qu’avec la Divinité et le monde sensible, et en déduire des doctrines morales, tel est le but particulier de ce grand commentaire allégorique. On perçoit ainsi que l’intérêt principal de Philon n’est pas – comme on pourrait le supposer d’après l’ensemble de son système – la théologie spéculative en soi, mais au contraire la psychologie et l’éthique. À en juger par son objectif ultime, il n’est pas un théologien spéculatif, mais un psychologue et un moraliste (cf. note 183).
Le commentaire suit d’abord le texte de la Genèse verset par verset. Ensuite, des sections isolées sont sélectionnées, et certaines d’entre elles sont traitées de manière si complète qu’elles deviennent de véritables monographies. Ainsi, par exemple Philon prend l’occasion de l’histoire de Noé pour écrire deux livres sur l’ivresse (περι μεθης), ce qu’il fait avec une telle minutie qu’un recueil des opinions d’autres philosophes sur ce sujet remplit le premier de ces livres perdus (Mangey, i. 357)
.
L’ouvrage, tel que nous le connaissons, commence à Gen. ii. 1 ; Και ετελεσθησαν οι ουρανοι και η γη. La création du monde n’est donc pas traitée. Car le texte De opificio mundi, qui le précède dans nos éditions, est un ouvrage d’un caractère entièrement différent, n’étant pas un commentaire allégorique sur l’histoire de la création, mais un récit de cette histoire elle-même. Le premier livre du Legum allegoriae ne rejoint en aucune façon l’ouvrage De opificio mundi ; car le premier commence à Gen. ii. 1, tandis que dans De opif. mundi, la création de l’homme aussi, selon Gen. ii, est déjà traitée. Ainsi, comme l’affirme à juste titre Gfrörer en réponse à Dähne, le commentaire allégorique ne peut être combiné avec De opif. mundi comme si les deux ne faisaient partie que d’une seule et même œuvre. On peut tout au plus se demander si Philon n’a pas également écrit un commentaire allégorique sur Gen. I. Cela est cependant improbable. Car le commentaire allégorique se propose de traiter de l’histoire de l’humanité, et celle-ci ne commence qu’à Gen. II. I. Le début abrupt de Leg. alleg. i ne paraît pas étrange, car cette manière de commencer immédiatement par le texte à expliquer correspond parfaitement à la méthode du Midrash rabbinique. Les livres ultérieurs du commentaire de Philon lui-même commencent d’ailleurs de la même manière abrupte. Dans nos manuscrits et éditions, seuls les premiers livres portent le titre propre à l’ouvrage entier : Νομων ιερων αλληγοριαι. Tous les livres ultérieurs portent des titres spécifiques, ce qui donne l’impression qu’il s’agit d’ouvrages indépendants. En réalité, tout le contenu du premier volume de Mangey, à savoir les ouvrages qui suivent, appartient au livre en question (à la seule exception de De opificio mundi).
Emil Schürer commente : « Νομων ιερων αλληγοριαι πρωται των μετα την εξαημερον. Legum allegoriarum liber i. (Mangey, i. 43-65). Sur Gen. ii. Oui. Legum allegoriarum liber ii. (Mangey, je. 66-86). Sur le général ii. 18-iii. 1a.—Νομων ιερων αλληγοριαι τριται των μετα την εξαημερον. Legum allegoriarum liber iii. (Mangey, je. 87-137). Sur le général iii. 8b-19. — Les titres donnés ici des trois premiers livres, comme c’est l’usage dans les éditions depuis Mangey, nécessitent une correction importante. Même l’étendue différente des Livres i. et ii. nous amène à supposer qu’il ne s’agit peut-être que d’un seul livre. Mangey remarque d’ailleurs au début du troisième livre (i. 87, note) : in omnibus codicibus opusculum hoc inscribitur αλληγορια δευτερα. Nous n’avons donc en réalité que deux livres. Il existe cependant un vide entre les deux, le commentaire sur Gen. iii. 1b-8a étant absent. Le commentaire sur Gen. iii. 20-23 fait également défaut, car le livre suivant commence par Gen. iii. 24. Comme Philon suit le texte étape par étape dans ces premiers livres, il faut supposer que chacune des deux parties a été élaborée en un livre à part entière, et cela est même certain pour le second. Par conséquent, la condition initiale était très probablement la suivante : Livre i. sur Gen. ii. 1-3, 1a, Livre ii. sur Gen. iii. 1b-3, 8a, Livre iii. sur Gen. iii. 8b-19, Livre iv. sur Gen. iii. 20-23. Ceci coïncide avec le fait que dans le soi-disant Johannes Monachus ineditus, le commentaire sur Gen. iii. 8b-19 est en effet plus souvent cité comme το γ της των νομων ιερων αλληγοριας (Mangey, i. 87, note). Alors que d’un autre côté, le même livre est intitulé comme montrant que le deuxième livre réel était déjà absent dans l’archétype de ces manuscrits. (La littérature du peuple juif au temps de Jésus, pp. 331-332)
FH Colson et GH Whitaker écrivent (Philon, vol. 1, pp. 220-223) :
Ce traité traite de Genèse ii. 18-iii. 1. Notons sa façon de traiter le Texte sacré dans les cas saillants.
L’histoire de la création d’Ève, nous dit-on, ne doit pas être prise au pied de la lettre. C’est un « mythe », montrant l’origine de la perception sensorielle, qui devient active lorsque l’Esprit est endormi (Gen. ii. 21). L’introduction de la femme à l’homme est l’introduction de la perception sensorielle à l’Esprit, qui la salue comme sienne (ii. 22 s.). (19 ss., 40 ss.)
Qu’Adam et Ève étaient tous deux nus (ii. 25) signifie qu’ils étaient sans bien ni mal ; car la nudité de l’âme peut se manifester comme (a) Absence de passions ; (b) perte de vertu ; © neutralité. Adam et Ève étaient inactifs, tant sur le plan mental que sensoriel, et « sans honte », c’est-à-dire sans l’impudence de l’homme sans valeur, ni la pudeur de l’homme de valeur. (53 et suiv.)
L’entrée du Serpent (Gen. iii. 1) est due au besoin de moyens d’unir l’Esprit et la perception sensorielle pour leur appréhension conjointe des objets et pour susciter leurs activités. (71 et suiv.)
Remarquons ensuite à quel point Philon s’attarde sur des mots isolés.
Le mot « seul » dans Gen. ii. 18 rappelle que Dieu seul est seul, autonome, n’ayant besoin de rien, non composé ; tandis que l’Homme céleste aspire toujours à être avec Dieu, et l’homme terrestre est toujours avec ses passions. (1-4.)
Le mot « aide » ou « assistant » lui suggère les assistants créés, nés plus tard, donnés à l’homme terrestre. Ces « bêtes sauvages » sont les sens et les passions, tels que le désir, la peur, la colère, donnés à l’Esprit (Gen. ii. 19) — nos assistants, mais souvent nos ennemis. (5 ff.)
Le mot « de plus » (dans la version grecque de Gen. ii. 19) est pris par Philon pour signifier une seconde création des sens et des passions ; et cette création supplémentaire est expliquée par l’observation que les maux sont nombreux, et par la suggestion que Gen. i. 24 se réfère à des genres, et Gen. ii. 19 à des espèces, une suggestion à l’appui de laquelle des preuves sont apportées. (11 ff.)
Dans le récit de l’attribution de noms aux créatures, les mots « ce qu’il appellerait » sont pris comme signifiant « pourquoi il inviterait ». (14 ff.)
Dans le récit de la création d’Ève, « côtes » ou « côtés » sont compris comme « force » ; « prit » comme signifiant « inscrit sur le rôle », « enregistré », c’est-à-dire mis en service actif (ceci sur la base de Nomb. xxxi. 26, « prendre la somme ») ; « rempli de chair à sa place » signifie « accompli » la perception sensorielle, et « rempli » le corps « avec elle » ; et la femme est « construite » (Gen. ii. 22, RV margin) parce qu’elle est poussée à l’activité de l’extérieur. (19 s., 35, 38 s.)
Un exemple frappant de mots isolés mis au service de l’allégorie est l’accueil d’Adam à Ève : « Ceci est maintenant l’os de mes os. » « Ceci » est la perception sensorielle qui n’est plus passive mais qui devient active ; et « maintenant » indique que la perception sensorielle n’est affectée que par le présent. (42 s.)
Nous passons à l’observation des exemples fournis par ce traité de la passion de Philon pour les illustrations et les parallèles tirés de l’histoire des patriarches et de l’histoire primitive d’Israël.
Dans 46 s. Philon soutient que, bien que la perception sensorielle active, étant une extension de la perception sensorielle potentielle inhérente à l’Esprit, puisse être considérée comme provenant de l’Esprit, supposer que quoi que ce soit soit, au sens strict du terme, dérivé de l’Esprit, c’est être coupable de pensée superficielle, et il illustre la vérité de ce qu’il dit par le contraste entre Rachel adressant à Jacob l’appel « Donne-moi des enfants » et « le Seigneur ouvrant le ventre de Léa » (Gen. xxix. 31 et xxx. 1 s.).
Dans 51 s., le danger de détourner l’esprit de l’amour de Dieu par son attachement à la perception sensorielle est mis en évidence par une référence au noble choix de Lévi (Deut. xxxiii. 9) faisant du Seigneur sa part (x. 9), et aux deux boucs de Lév. xvi. 8.
La liberté des passions (l’une des significations de « nudité ») est illustrée par Moïse installant la Tente du Témoignage hors du Camp (Exod. xxxiii. 7) ; par Aaron entrant sans robe (!) dans le Saint des Saints (cf. Lév. xvi. 1 ss.) ; par Nadab et Abihu laissant leurs tuniques (ou parties irrationnelles) à Mishaël et Elzaphan (Lév. x. 5) ; par Abraham quittant son pays (Gen. xii. 1) ; par l’interdiction faite à Isaac de descendre en Égypte (c’est-à-dire le corps, Gen. xxvi. 2) ; et par la douceur de Jacob (Gen. xxvii. 11). (54 ff.)
La perte de vertu (un autre sens donné à la « nudité ») est illustrée par la chute de Noé (Gen. ix. 21). Et les indications que Philon trouve dans le récit selon lesquelles la chute n’était pas irréparable sont illustrées par la disposition de la Loi selon laquelle les vœux faits uniquement intentionnellement peuvent être révoqués (Nombres xxx. 10). (60 ff.)
Les assauts du plaisir et la vertu guérisseuse de la maîtrise de soi sont illustrés par les serpents mortels et le serpent d’airain du voyage dans le désert (Nombres xxi.). La distraction, agent du plaisir, est comme le scorpion (= « dispersion ») du désert. La soif de l’âme de « l’Égypte » est étanchée par la Sagesse (« Eau ») comme l’est la faim par la Parole (« Manne ») de Dieu. Un signe de la grande audace du Plaisir, qui s’en prend même à Moïse, se trouve dans l’histoire de sa verge. Comme celle de Jacob, c’est une « discipline ». Refusant cela, Moïse la jette au loin, puis est invité à la saisir par la queue (Exode 4. 1 et suiv.). (78 et suiv., 87 et suiv.)
Le Plaisir est à nouveau évoqué dans la Prière de Jacob (Genèse 49. 16-18), où Dan (« distinguant ») est le principe de la maîtrise de soi, qui doit devenir un serpent mordant le cheval (les passions) et en sauvant l’Esprit (le « cavalier »), qui « attend » le « salut » de Dieu ; et dans le Cantique de Moïse (Exode 15. 1), où le cheval et son cavalier, c’est-à-dire les quatre passions sur lesquelles repose l’Esprit, sont jetés à la mer.
* Titre de Yonge, Le deuxième livre du traité sur les allégories des lois sacrées, d’après l’œuvre des six jours de la création.
I. (1) « Et le Seigneur Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; faisons-lui une aide semblable à lui. » Pourquoi, ô prophète, n’est-il pas bon que l’homme soit seul ? Parce que, dit-il, il est bon que celui qui est seul soit seul. Or, Dieu est seul, et par lui-même, étant un ; et il n’y a rien qui lui ressemble. De sorte que, puisqu’il est bon que celui qui n’a qu’une existence réelle soit seul (car ce qui est à propos de lui-même seul est bon), il ne peut être bon que l’homme soit seul. (2) Mais le fait que Dieu soit seul peut être reçu en ce sens que ni avant la création il n’y avait rien avec Dieu, ni, depuis que le monde a été créé, rien n’est placé au même rang que lui ; car il n’a absolument besoin de rien. Mais la meilleure façon de comprendre ce passage est la suivante : Dieu est seul, un être unique, et non une combinaison, une nature unique. Or, chacun de nous, et tous les autres animaux du monde, sont des êtres composés. Par exemple, je suis moi-même composé de plusieurs choses, d’une âme et d’un corps. De même, l’âme est composée d’une partie rationnelle et d’une partie irrationnelle ; de même, dans le corps, il y a une partie chaude, une autre froide ; une partie lourde, une autre légère ; une partie sèche, une autre humide. Or, Dieu n’est pas un être composé, ni composé de plusieurs parties, mais un être qui n’a de mélange avec rien d’autre ; (3) car tout ce qui pourrait être combiné avec Dieu doit être soit supérieur à lui, soit inférieur à lui, soit égal à lui. Or, rien n’est égal à Dieu, ni supérieur à lui, et rien ne lui est combiné qui soit pire que lui ; car s’il l’était, il se détériorerait lui-même ; et s’il subissait une détérioration, il deviendrait lui aussi périssable, ce qu’il est impie d’imaginer. Dieu est donc un et unifié ; ou plutôt, l’unicité est unifiée selon le Dieu unique, car tout nombre est plus récent que le monde, comme le temps. Or, Dieu est plus ancien que le monde, et il en est le Créateur.
II. (4) Or, il n’est bon à aucun homme d’être seul. Car il y a deux sortes d’hommes : l’un créé à l’image de Dieu, l’autre tiré de la terre ; car il aspire à sa propre ressemblance. Car l’image de Dieu est l’antitype de toutes les autres choses, et toute imitation tend à ce dont elle est l’imitation, et est placée dans la même classe qu’elle. Et il n’est bon ni pour l’homme, qui a été créé à l’image de Dieu, d’être seul ; il n’est pas plus désirable que l’homme factice soit seul, et même cela est impossible. Car les sens externes, les passions, les vices, et d’innombrables autres choses, sont combinés et adaptés à l’esprit de cet homme. (5) Mais le second genre d’homme a une aide semblable à celui qui, en premier lieu, a été créé ; « Car je ferai de lui », dit Dieu, « une aide semblable à lui. » Deuxièmement, il est plus jeune que l’objet à aider ; car Dieu a d’abord créé l’esprit, puis il prépare son aide. Mais tout cela est dit allégoriquement, conformément aux principes de la philosophie naturelle ; car les sensations externes et les passions de l’âme sont toutes plus jeunes que l’âme, et nous verrons plus loin comment elles l’aident. Mais pour l’instant, nous examinerons le fait qu’elles sont des aides plus jeunes que l’objet aidé.
III. (6) De même que, selon les médecins et les philosophes les plus habiles, le cœur semble se former avant le reste du corps, à la manière des fondations d’une maison ou de la quille d’un navire, et que le reste du corps est ensuite construit dessus ; c’est pourquoi, même après la mort, les médecins disent que le cœur tremble encore, comme ayant été créé avant le reste du corps et détruit après lui ; de même, la partie dominante de l’âme semble être plus ancienne que l’âme entière, et la partie irrationnelle plus jeune ; Moïse n’a pas encore mentionné la formation de laquelle il va en donner un aperçu, comment la partie irrationnelle de l’âme est la sensation extérieure et les passions qui en découlent, surtout si les jugements sont les nôtres. Et cet assistant de Dieu est plus jeune et créé, étant ainsi décrit avec une parfaite justesse. (7) Mais voyons maintenant comment cette partie, qui a été ajournée auparavant, agit comme un assistant : comment notre esprit comprend-il que telle ou telle chose est noire ou blanche, s’il n’utilise la vue comme assistant ? Et comment sait-il que la voix de l’homme qui chante sur sa harpe est douce, ou, au contraire, fausse, s’il n’a pas l’assistance de la faculté de l’ouïe pour le guider ? Et comment peut-il dire que les exhalaisons sont parfumées ou nauséabondes, s’il ne se sert pas de l’odorat comme allié ? Comment encore juge-t-il des différentes saveurs, si ce n’est par l’intermédiaire de son assistant, le goût ? (8) Comment peut-il distinguer ce qui est rugueux de ce qui est lisse, si ce n’est par le toucher ? Il existe une autre classe d’auxiliaires, comme je l’ai déjà dit, à savoir les passions. Car le plaisir est aussi un auxiliaire, contribuant à la pérennité de notre race. De même, la concupiscence, la douleur et la peur, mordant l’âme, la conduisent à ne rien traiter avec indifférence. La colère, quant à elle, est une arme défensive qui a été d’une grande utilité à beaucoup, tout comme les autres passions. C’est pourquoi Moïse a dit, avec beaucoup de bonheur, « qu’il était son propre auxiliaire » : il est en réalité l’auxiliaire de l’esprit, comme s’il était son frère et son proche parent : car les sensations extérieures et les passions font partie d’une même âme et en sont la progéniture.
IV. (9) Or, il y a deux sortes d’assistants, l’un consistant dans les passions, l’autre dans les sensations. […][1] Mais la première sorte est celle de la génération, car Moïse dit : « Et Dieu procéda et fit de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel ; et il les amena vers Adam pour voir comment il les appellerait, et quel nom Adam donnerait à une âme vivante, cela deviendrait son nom. » Vous voyez ici qui sont nos assistants, les bêtes de l’âme, les passions. Car après que Dieu eut dit : « Je lui ferai une aide semblable à lui », Moïse ajoute ensuite : « Il a fait les bêtes », comme si les bêtes aussi étaient nos assistants. (10) Mais ceux-ci ne sont pas, à proprement parler, des assistants, mais ne sont appelés ainsi que d’une manière catachrétique, par une sorte d’abus de langage, car ils se trouvent en réalité être des ennemis de l’homme. Comme dans le cas des cités, les alliés se révèlent parfois être des traîtres et des déserteurs ; et dans le cas de l’amitié, les flatteurs se révèlent être des ennemis plutôt que des compagnons ; et Moïse parle ici du ciel et du champ comme synonymes, décrivant l’esprit de cette manière allégorique ; car l’esprit, comme le champ, a d’innombrables périodes d’essor et de bourgeonnement ; et, comme le ciel, a des caractéristiques naturelles brillantes, divines et heureuses. (11) Mais il compare les passions aux bêtes et aux oiseaux, parce qu’elles nuisent à l’esprit, étant indomptées et sauvages, et parce que, à la manière des oiseaux, elles s’abattent sur l’intellect ; car leur attaque est rapide et difficile à résister ; et le mot « outre », ajouté à « il a fait », n’est pas superflu. Pourquoi ? Parce qu’il a déjà dit que les bêtes furent formées avant la création de l’homme, et il le montre dans les mots suivants, qui sont un récit de ce qui s’est passé le sixième jour. « Et Dieu dit : Que la terre produise des êtres vivants selon leur espèce, des quadrupèdes, des reptiles et des bêtes sauvages. » (12) Pourquoi donc crée-t-il maintenant d’autres animaux, ne se contentant pas de ceux qui existent déjà ? Or, cela doit être énoncé selon les principes de la philosophie morale. Les espèces de mal sont abondantes dans l’homme créé, de sorte que les choses les plus mauvaises sont continuellement produites en lui ; et cette autre chose doit être affirmée selon les principes de la philosophie naturelle. Tout d’abord, dans les six jours, il a créé les différentes sortes de passions et les idées, mais maintenant, en plus d’elles, il crée les espèces. (13) C’est pourquoi Moïse dit : « Et de plus, il a fait… » et que ce qui avait été créé auparavant étaient des genres, cela ressort clairement de ce qu’il dit : « Que la terre produise des âmes vivantes », non selon les espèces mais selon les genres. Et c’est là la voie suivie par Dieu dans tous les cas ; car avant de faire l’espèce il complète les genres,comme il l’a fait dans le cas de l’homme : car après avoir d’abord modelé l’homme générique, dans lequel on dit que les sexes mâle et femelle sont contenus, il a ensuite créé l’homme spécifique Adam.
V. (14) C’est pourquoi il a appelé cela l’espèce des assistants, mais l’autre partie de la création, la description, c’est-à-dire la formation des sensations externes, a été différée jusqu’à ce qu’il ait commencé à former la femme ; et ayant remis cela à plus tard, il rend compte ensuite de la distribution des noms ; et c’est une explication, en partie figurative et en partie littérale, qui est digne de notre admiration. Elle est littérale, dans la mesure où le Législateur a attribué l’imposition des noms à l’homme premier-né ; (15) car ceux aussi parmi les Grecs, qui étudient la philosophie, disent que ce sont des hommes sages qui ont les premiers donné des noms aux choses : mais Moïse parle plus correctement en premier lieu, car il attribue cette attribution de noms, non pas à certains de ces hommes qui ont vécu dans les temps anciens, mais au premier homme qui a été créé sur la terre ; de sorte que, tout comme il a été créé lui-même pour être le commencement de la création de tous les autres animaux, il pourrait aussi être considéré comme le commencement de la conversation et du langage : car s’il n’y avait pas de choses telles que les noms, il ne pourrait pas y avoir de langage ; et, deuxièmement, parce que, si plusieurs personnes différentes donnaient des noms, ils devaient être différents et dépourvus de toute connexion, puisque des personnes différentes auraient donné des noms différents : mais si une seule personne le faisait, le nom donné par l’une était sûr d’être adapté à la chose : et le même nom était susceptible d’être un signe pour chacune des choses existantes signifiées par lui.
VI. (16) Mais le sens moral de ce passage est le suivant : Nous utilisons souvent l’expression ti au lieu de dia ti ; (pourquoi ?) comme lorsque nous disons, pourquoi (ti) t’es-tu lavé ? pourquoi (ti) marches-tu ? pourquoi (ti) converses-tu ? car dans tous ces cas, ti est utilisé au lieu de dia ti ; lorsque donc Moïse dit : « pour voir comment il les appellerait », vous devez le comprendre comme s’il avait dit dia ti (pourquoi), au lieu de ti (quoi) : et l’esprit invitera et embrassera chacune de ces significations. Est-ce donc seulement pour ce qui est nécessaire que la race mortelle est nécessairement impliquée dans les passions et les vices ? ou est-ce aussi à cause de ce qui est immodéré et superflu ? Et encore, est-ce à cause des exigences de l’homme né sur terre, ou parce que l’esprit les juge comme des choses très excellentes et admirables ; (17) Par exemple, est-il nécessaire que toute créature jouisse du plaisir ? Or, l’homme mauvais s’envole vers le plaisir comme vers un bien parfait, tandis que l’homme bon ne le recherche que comme un bien nécessaire ; car sans plaisir rien ne se fait parmi les humains. De même, l’homme mauvais considère l’acquisition des richesses comme le bien le plus parfait qui soit ; tandis que l’homme bon ne les considère que comme une chose nécessaire et utile. (18) Il est donc tout naturel que Dieu désire voir et apprendre comment l’esprit nomme et apprécie chacune de ces choses, s’il les regarde comme bonnes, ou comme indifférentes, ou comme mauvaises en elles-mêmes, mais néanmoins nécessaires à certains égards. C’est pourquoi, pensant que tout ce qu’il invitait à lui et embrassait comme une âme vivante était d’égale valeur et importance avec l’âme, ce nom devint non seulement celui de la chose ainsi invitée, mais aussi celui de celui qui l’invitait. Ainsi, par exemple, si l’homme embrassait le plaisir, il était appelé homme adonné au plaisir ; s’il embrassait l’appétit, il était appelé homme d’appétit ; s’il invitait l’intempérance, il était lui-même appelé intempérant ; s’il admettait la lâcheté, il était appelé lâche ; et ainsi de suite pour les autres passions. Car, de même que celui qui possède des qualités distinctives selon les vertus est appelé, selon la vertu dont il est particulièrement doué, prudent, ou tempérant, ou juste, ou courageux, selon le cas ; de même, en ce qui concerne les vices, un homme est appelé injuste, ou insensé, ou indigne d’homme, lorsqu’il a invité et embrassé ces habitudes d’esprit et de conduite.
VII. (19) « Et Dieu jeta une profonde extase sur Adam, l’endormit et prit une de ses côtes », et ainsi de suite. L’affirmation littérale contenue dans ces mots est fabuleuse ; car comment peut-on croire qu’une femme a été créée à partir d’une côte d’homme, ou, en bref, qu’un être humain a été créé à partir d’un autre ? Et qu’est-ce qui empêchait Dieu, après avoir créé l’homme à partir de la terre, de créer la femme de la même manière ? Car le Créateur était le même, et la matière était presque interminable, d’où toute qualité distinctive était tirée. Et pourquoi, alors qu’il y avait tant de parties dans l’homme, Dieu n’a-t-il pas créé la femme à partir d’une autre partie plutôt que d’une de ses côtes ? De quelle côte l’a-t-il créée ? Et cette question se poserait même si l’on disait qu’il n’avait parlé que de deux côtes ; mais en vérité, il n’en a pas précisé le nombre. Était-ce alors la côte droite ou la côte gauche ? (20) De même, s’il a rempli de chair la place de l’autre, celle qu’il a laissée n’était-elle pas aussi faite de chair ? Et en effet, nos côtes sont comme des sœurs, et apparentées en toutes leurs parties, et elles sont constituées de chair. Que devons-nous donc dire ? (21) La coutume ordinaire appelle les côtes la force d’un homme ; car nous disons qu’un homme a des côtes, ce qui équivaut à dire qu’il a de la vigueur ; et nous disons qu’un lutteur est un homme avec des côtes fortes, lorsque nous voulons exprimer qu’il est fort ; et nous disons qu’un harpiste a des côtes, au lieu de dire qu’il a de l’énergie et de la puissance dans son chant. (22) Maintenant que cela a été posé, nous devons aussi dire que l’esprit, bien que nu et libre de l’enchevêtrement du corps (car notre discussion actuelle porte sur l’esprit, alors qu’il n’est encore enchevêtré dans rien) a de nombreux pouvoirs, à savoir, le pouvoir possessif, le pouvoir progéniteur, le pouvoir de l’âme, le pouvoir de la raison, le pouvoir de la compréhension, et une partie d’autres innombrables tant dans leur genre que dans leur espèce. Or, le pouvoir possessif lui est commun avec d’autres choses inanimées, avec les troncs et les pierres, et il est partagé par les choses en nous qui sont comme des pierres, à savoir par nos os. Et le pouvoir naturel s’étend aussi aux plantes : et il y a des parties en nous qui ont une certaine ressemblance avec les plantes, à savoir, nos ongles et nos cheveux : (23) et la nature est une habitude déjà mise en mouvement, mais l’âme est une habitude qui a pris en elle, en plus, l’imagination et l’impétuosité ; et ce pouvoir est également possédé par l’homme en commun avec les animaux irrationnels ; et notre esprit a quelque chose d’analogue à l’âme d’un animal irrationnel.
De plus, le pouvoir de compréhension est une propriété particulière de l’esprit ; et le pouvoir de raisonnement est peut-être commun aux natures les plus divines, mais il est spécialement la propriété de la nature mortelle de l’homme : et c’est un pouvoir double, l’un étant celui selon lequel nous sommes des créatures rationnelles, participant de l’esprit ; et l’autre étant la faculté par laquelle nous conversons. (24) Il y a aussi un autre pouvoir dans l’âme apparenté à ceux-ci, le pouvoir de sensation, dont nous parlons maintenant ; car Moïse ne décrit rien d’autre à cette occasion que la formation du sens externe, selon l’énergie et selon la raison.
VIII. Car, immédiatement après la création de l’esprit, il était nécessaire que le sens externe fût créé, comme assistant et allié de l’esprit. C’est pourquoi Dieu ayant entièrement perfectionné le premier, procéda à la création du second, tant en rang qu’en puissance, étant une certaine forme créée, un sens externe selon l’énergie, créé pour la perfection et l’achèvement de l’âme entière, et pour la bonne compréhension des sujets qui pourraient lui être présentés. (25) Comment donc ce second être a-t-il été créé ? Comme le dit Moïse lui-même dans un passage ultérieur, lorsque l’esprit était endormi : car, en réalité, le sens externe se manifeste alors lorsque l’esprit est endormi. De même, lorsque l’esprit est éveillé, le sens extérieur s’éteint ; et la preuve en est que, lorsque nous désirons nous faire une idée précise de quelque chose, nous nous retirons dans un lieu désert, nous fermons les yeux, nous nous bouchons les oreilles, nous renonçons à l’exercice de nos sens ; et ainsi, lorsque l’esprit se lève à nouveau et s’éveille, le sens extérieur est mis fin. (26) Considérons maintenant un autre point, à savoir comment l’esprit s’endort : car lorsque le sens extérieur est éveillé et est devenu excité, lorsque la vue contemple des œuvres de peinture ou de sculpture magnifiquement travaillées, l’esprit n’est-il pas alors sans rien sur quoi exercer ses fonctions, ne contemplant rien de ce qui est un sujet propre à l’intellect ? Quoi de plus ? Lorsque la faculté d’entendre est attentive à une combinaison mélodieuse de sons, l’esprit peut-il se tourner vers la contemplation de ses objets propres ? En aucun cas. Et il est bien plus dépourvu d’occupation, lorsque le goût s’élève et se consacre avidement aux plaisirs du ventre ; (27) c’est pourquoi Moïse, craignant qu’un jour ou l’autre l’esprit ne s’endorme pas simplement, mais ne devienne absolument mort, dit ailleurs : « Et ce sera pour toi un piquet à ta ceinture ; et il arrivera que, lorsque tu t’assiéras, tu y creuseras, et, en amassant de la terre, tu couvriras ta honte. »[2] Parlant symboliquement, et donnant le nom de piquet à la raison qui déterre les affaires secrètes ; (28) et il lui ordonne de la porter avec l’affection avec laquelle il devrait être gardé, et de ne pas la laisser se relâcher et se détacher ; Et cela doit se faire lorsque l’esprit, s’éloignant de la considération intense des objets perceptibles par l’intellect, est ramené aux passions et s’assoit, cédant aux nécessités du corps et se laissant guider par elles : (29) Et c’est le cas lorsque l’esprit, absorbé par des associations luxueuses, s’oublie lui-même, subjugué par les choses qui le conduisent au plaisir, et ainsi nous devenons esclaves et nous abandonnons à une impureté non dissimulée. Mais si la raison est capable de purifier la passion,(30) Ainsi, l’éveil des sens extérieurs est le sommeil de l’esprit ; et l’éveil de l’esprit est la décharge des sens extérieurs de toute occupation. De même que lorsque le soleil se lève, l’éclat de toutes les autres étoiles devient invisible ; mais lorsque le soleil se couche, elles sont visibles. Et ainsi, comme le soleil, l’esprit, lorsqu’il est éveillé, éclipse les sens extérieurs, mais lorsqu’il s’endort, il leur permet de briller.
IX. (31) Après cette préface, il nous faut maintenant expliquer les paroles : « Le Seigneur Dieu, dit Moïse, jeta sur Adam une profonde transe et l’endormit. » Il parle ici avec beaucoup de justesse, car la transe et la perversion de l’esprit sont son sommeil. Et l’esprit est hors de lui-même lorsqu’il cesse de s’occuper des choses perceptibles par l’intellect seul qui se présentent à lui. Et lorsqu’il n’est pas énergisé à leur égard, il est endormi. Et l’expression « il est en transe » est très bien employée, car elle signifie qu’il est perverti et transformé, non par lui-même, mais par Dieu, qui lui présente, lui présente et lui envoie le changement qui lui survient. (32) Voici en effet ce qui se passe : si j’avais le pouvoir de changer, j’exercerais ce pouvoir chaque fois que je le voudrais, et chaque fois que je ne le voudrais pas, je resterais tel que je suis, sans aucun changement. Mais maintenant, le changement m’attaque d’une direction opposée, et très souvent, lorsque je désire tourner mon intellect vers un sujet approprié, je suis absorbé par un influx contraire à ce qui est approprié ; et d’un autre côté, lorsque je conçois une idée concernant quelque chose d’inconvenant, je la rejette au moyen de notions agréables, tandis que Dieu, par sa propre grâce, verse dans mon âme un doux fleuve au lieu du flot salé. (33) Il est donc nécessaire que toute créature soit parfois changée. Car c’est une propriété de toute créature, tout comme c’est un attribut de Dieu d’être immuable. Mais parmi ces êtres transformés, certains restent dans leur état altéré jusqu’à leur destruction finale et complète, tandis que d’autres ne sont exposés qu’aux vicissitudes ordinaires de la nature humaine ; et ils sont immédiatement préservés. (34) C’est pourquoi Moïse dit : « Dieu ne permettra pas au destructeur d’entrer dans vos maisons pour les frapper. »[3] Car il permet au destructeur (et le changement est la destruction de l’âme) d’entrer dans l’âme, afin de manifester la caractéristique particulière de l’être créé. Mais Dieu ne permettra pas que la progéniture d’Israël voyant soit transformée de manière à être frappée par le changement ; mais il la forcera à émerger et à se relever comme quelqu’un qui remonte des profondeurs, et ainsi il la fera sauver.
X. (35) « Il prit une de ses côtes. » Il prit l’une des nombreuses puissances de l’esprit, à savoir celle qui réside dans les sens extérieurs. Et lorsqu’il utilise l’expression « Il prit », nous ne devons pas la comprendre comme s’il avait dit « Il emporta », mais plutôt comme équivalent à « Il compta, Il examina », comme il le dit ailleurs : « Prends le principal du butin de la captivité. »[4] Que veut-il donc montrer ? (36) La sensation est décrite de deux manières : l’une étant selon l’habitude, qui existe même lorsque nous dormons, et l’autre étant selon l’énergie. Or, dans la première sorte, celle selon l’habitude, il n’y a aucune utilité : car nous ne comprenons aucun des objets qui nous sont présentés par son moyen. Mais il y a une utilité dans la seconde, dans ce qui existe selon l’énergie ; car c’est par là que nous parvenons à la compréhension des objets perceptibles par les sens extérieurs.
(37) Ainsi, Dieu, ayant créé la première sorte de sensation, celle existant selon l’habitude, lorsqu’il créait l’esprit (car il le dota de nombreuses facultés dans un état de repos), désire maintenant compléter l’autre sorte qui existe selon l’énergie. Et celle-ci selon l’énergie est perfectionnée lorsque celle qui existe selon l’habitude est mise en mouvement, et étendue jusqu’à la chair et aux organes des sens. Car de même que la nature est perfectionnée lorsque la semence est mise en mouvement, de même l’énergie est perfectionnée lorsque l’habitude est mise en mouvement.
XI. (38) « Et il remplit l’espace de chair à sa place. » C’est-à-dire qu’il remplit ce sens externe qui existe selon l’habitude, le conduisant à l’énergie et l’étendant jusqu’à la chair et toute la surface extérieure et visible du corps. Moïse ajoute à ce propos qu’il « l’a édifiée en femme », montrant par cette expression que « femme » est le nom le plus naturel et le plus heureux donné au sens externe. Car, de même que l’homme est vu en action et la femme en tant que sujet d’action, de même l’esprit est vu en action, et le sens externe, comme la femme, est perçu par la souffrance ou par le fait d’être sujet d’action. (39) Et il est facile de l’apprendre de la manière dont il est affecté dans la pratique. Ainsi, la vue est affectée par les objets de la vue qui la mettent en mouvement, tels que le blanc, le noir et les autres couleurs. De même, l’ouïe est affectée par les sons, et le goût est conditionné par les saveurs ; l’odorat par les odeurs ; et le toucher par la dureté ou la douceur. Et, d’autre part, tous les sens extérieurs sont dans un état de tranquillité jusqu’à ce que chacun soit approché de l’extérieur par ce qui doit le mettre en mouvement.
XII. (40) « Et il l’amena à Adam. Et Adam dit : Ceci est maintenant os de mes os et chair de ma chair. » Dieu conduit le sens externe, existant selon l’énergie, à l’esprit ; sachant que son mouvement et sa compréhension doivent retourner à l’esprit. Mais l’esprit, percevant la puissance qu’il avait auparavant (et qui, alors qu’il existait selon l’habitude était dans un état de tranquillité), doit maintenant devenir une opération et une énergie complètes, et être dans un état de mouvement, s’en émerveille et pousse une exclamation, disant qu’elle n’est pas sans lien avec elle, mais très proche d’elle. (41) Car Adam dit : « Ceci est maintenant os de mes os » ; c’est-à-dire : Ceci est la puissance de ma puissance ; car l’os est ici à comprendre comme un symbole de force et de puissance. Et c’est, ajoute-t-il, la souffrance de mes souffrances ; c’est-à-dire que c’est la chair de ma chair. Car tout ce que le sens extérieur subit, il ne le supporte pas sans le soutien de l’esprit ; car l’esprit est sa source et le fondement sur lequel il s’appuie. (42) Il convient également de considérer pourquoi Adam a ajouté le mot « maintenant », car il dit : « Ceci maintenant est l’os de mes os. » L’explication est que la sensation extérieure existe maintenant, ayant son existence uniquement en référence au moment présent. Car l’esprit touche trois points distincts du temps ; car il perçoit les circonstances présentes, et il se souvient des événements passés, et il anticipe l’avenir. (43) Mais les sensations externes n’ont aucune anticipation des événements futurs, ni ne sont soumises à aucun sentiment ressemblant à l’attente ou à l’espoir, ni n’ont aucun souvenir des circonstances passées ; mais ne sont par nature capables d’être affectées que par ce qui les meut à l’instant, et est réellement présent. Par exemple, l’œil est blanchi par une apparence blanche qui lui est présentée à l’instant, mais il n’est en aucune façon affecté par ce qui ne lui est pas présent. En revanche, l’esprit est également agité par ce qui n’est pas réellement présent, mais qui peut être passé ; dans ce cas, il est affecté par le souvenir qu’il en a ; ou cela peut être futur, auquel cas il s’agit bien de l’influence de l’espoir et de l’attente.
XIII. (44) « Et elle sera appelée femme. » Cela équivaut à dire : C’est pourquoi la sensation extérieure sera appelée femme, parce qu’elle dérive de l’homme qui la met en mouvement. Il dit « elle » ; pourquoi donc l’expression « elle » est-elle utilisée ? Parce qu’il existe aussi une autre sorte de sensation extérieure, qui ne dérive pas de l’esprit, mais qui a été créée au même moment que lui. Car il y a, comme je l’ai déjà dit, deux sortes différentes de sensations extérieures : l’une existant selon l’habitude, et l’autre selon l’énergie. (45) Or, l’espèce existant selon l’habitude ne dérive pas de l’homme, c’est-à-dire de l’esprit, mais est créée en même temps que lui. Car l’esprit, comme je l’ai déjà montré, lorsqu’il a été créé, a été créé avec de nombreuses facultés et habitudes ; à savoir, avec la faculté et l’habitude de raisonner, d’exister et de promouvoir ce qui lui est semblable, ainsi qu’avec celle de recevoir des impressions des sens extérieurs. Or, la sensation extérieure, qui existe selon l’énergie, dérive de l’esprit. Car elle se prolonge de la sensation extérieure qui existe en elle selon l’habitude, de manière à devenir le même sens extérieur selon l’énergie. De sorte que ce second type de sens extérieur dérive de l’esprit et existe selon le mouvement. (46) Et il n’est qu’un insensé qui pense que quelque chose est en réalité fait de l’esprit, ou de lui-même. Ne voyez-vous pas que même dans le cas de Rachel (c’est-à-dire de la sensation extérieure) assise sur les images, alors qu’elle pensait que ses mouvements venaient de l’esprit, celui qui la voyait la réprimandait. Car elle dit : « Donne-moi mes enfants, et si tu ne me les donnes pas, je mourrai. »[5] Et il répondit : « Parce que, ô femme égarée, l’esprit n’est la cause de rien, mais de ce qui existait avant l’esprit, à savoir Dieu. » C’est pourquoi il ajoute : « Suis-je égal à Dieu qui t’a privée du fruit de tes entrailles ? » (47) Mais que c’est Dieu qui crée les hommes, il le témoignera dans le cas de Léa, lorsqu’il dira : « Mais le Seigneur, voyant que Léa était haïe, ouvrit son ventre. Mais Rachel était stérile. »[6] Or, c’est le propre de l’homme d’ouvrir le ventre.
Or, naturellement, la vertu est haïe des hommes. C’est pourquoi Dieu l’a honorée et donne l’honneur de porter le premier enfant à celle qui est haïe. (48) Et dans un autre passage, il dit : « Mais si un homme a deux femmes, l’une aimée et l’autre haïe, et si elles lui donnent des enfants, et si le fils aîné est l’enfant de celle qu’il hait, il ne pourra pas donner les honneurs du droit d’aînesse à l’enfant de la femme qu’il aime, négligeant le fils aîné, l’enfant de celle qu’il hait. »[7] Car les productions de la vertu qui est haïe,sont les premiers et les plus parfaits, mais ceux du plaisir, qui est aimé, sont les derniers.
XIV. (49) « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme ; et tous deux deviendront une seule chair. » À cause de la sensation extérieure, l’esprit, lorsqu’il s’en est asservi, quittera à la fois son père, le Dieu de l’univers, et la mère de toutes choses, à savoir la vertu et la sagesse de Dieu, et s’attachera et s’unira aux sensations extérieures, et se dissoudra dans la sensation extérieure, de sorte que les deux deviennent une seule chair et une seule passion. (50) Et ici vous devez remarquer que ce n’est pas la femme qui s’attache à l’homme, mais au contraire, l’homme qui s’attache à la femme ; c’est-à-dire que l’esprit s’attache aux sensations extérieures. Français Car lorsque ce qui est le meilleur, à savoir l’esprit, est uni à ce qui est la rose, à savoir la sensation extérieure, il se dissout alors dans la nature de la chair, qui est pire, et dans la sensation extérieure, qui est la cause des passions. Mais lorsque ce qui est inférieur, à savoir la sensation extérieure, suit la meilleure partie, c’est-à-dire l’esprit, alors il n’y aura plus de chair, mais les deux ne feront plus qu’un, à savoir l’esprit. Et c’est une chose d’une telle nature qu’elle préfère les affections à la piété. (51) Il y a aussi un autre être appelé d’un nom opposé, Lévi ; celui qui dit à son père et à sa mère : « Il ne vous a pas vus, et il n’a pas reconnu ses frères, et a répudié ses enfants. »[8] Cet homme quitte son père et sa mère, c’est-à-dire son esprit et la matière de son corps, afin d’avoir comme héritage le seul Dieu ; « Car l’Éternel lui-même est son héritage. »[9] (52) Et, en effet, la souffrance est l’héritage de celui qui aime la souffrance ; mais l’héritage de Lévi, c’est Dieu. Ne voyez-vous pas qu’« il lui ordonne, le dixième jour du mois, d’apporter deux boucs comme sa part, un sort pour l’Éternel et un sort pour le bouc émissaire. »[10] Car les souffrances infligées au bouc émissaire sont en réalité le lot de celui qui aime la souffrance.
XV. (53) « Et ils étaient tous deux nus, Adam et sa femme, et ils n’en avaient pas honte ; mais le serpent était le plus rusé de tous les animaux qui étaient sur la terre, que le Seigneur Dieu avait faits : »[11] — l’esprit est nu, qui n’est revêtu ni de vice ni de vertu, mais qui est réellement dépouillé des deux : tout comme l’âme d’un enfant en bas âge, qui n’a part ni à la vertu ni au vice, est dépouillé de toute enveloppe et est complètement nue : car ces choses sont les enveloppes de l’âme, par lesquelles elle est enveloppée et cachée, le bien étant le vêtement de l’âme vertueuse, et le mal la robe de l’âme méchante. (54) Et l’âme est rendue nue de ces manières. Une fois, lorsqu’elle est dans un état immuable, et est entièrement libre de tous les vices, et a rejeté et mis de côté la couverture de toutes les passions. Français À ce propos, Moïse dresse aussi son tabernacle hors du camp, loin du camp, et il est appelé le tabernacle du Témoignage.[12] (55) Et cela a une signification comme celle-ci : l’âme qui aime Dieu, ayant dépouillé le corps et les affections qui lui sont chères, et s’étant enfuie loin d’eux, choisit un fondement et un terrain sûr pour sa demeure, et un établissement durable dans les doctrines parfaites de la vertu ; c’est pourquoi Dieu lui rend témoignage qu’elle aime le bien, « car il a été appelé le tabernacle du témoignage », dit Moïse, et il a passé sous silence celui qui donne ce nom, afin que l’âme, étant excitée, puisse considérer qui est celui qui rend ainsi témoignage aux dispositions qui aiment la vertu. (56) C’est pourquoi le grand prêtre « n’entrera pas dans le saint des saints vêtu d’un vêtement descendant jusqu’aux pieds ; [13] mais ayant dépouillé la robe de l’opinion et de la vaine imagination de l’âme, et l’ayant laissée à ceux qui aiment les choses extérieures et qui honorent l’opinion de préférence à la vérité, il s’avancera nu, sans couleurs ni aucun son, pour faire une offrande du sang de l’âme et pour sacrifier tout l’esprit à Dieu le Sauveur et le Bienfaiteur ; (57) et certainement Nadab et Abihu, [14] qui se sont approchés de Dieu, et ont quitté cette vie mortelle et ont reçu une part de la vie immortelle, sont vus comme étant nus, c’est-à-dire libres de toute opinion nouvelle et mortelle ; car ils ne l’auraient pas portée dans leurs vêtements et ne l’auraient pas portée partout, s’ils n’avaient pas été nus, ayant brisé tout lien de passion et de nécessité corporelle, afin que leur nudité et leur absence de la corporéité ne pourrait pas être altérée par l’adjonction de raisonnements athées ; car il ne serait peut-être pas permis à tous les hommes de contempler les mystères secrets de Dieu,mais seulement à ceux qui sont capables de les couvrir et de les garder ; (58) c’est pourquoi Mishaël et ses partisans ne les cachèrent pas dans leurs propres vêtements, mais dans ceux de Nadab et d’Abihu, qui avaient été brûlés par le feu et emmenés en haut ; car après avoir dépouillé tous les vêtements qui les couvraient, ils apportèrent leur nudité devant Dieu et laissèrent leurs tuniques autour de Mishaël. Or les vêtements appartiennent à la partie irrationnelle de l’animal, qui éclipse la partie rationnelle. Abraham aussi était nu lorsqu’il entendit : (59) « Sors de ton pays et de ta parenté »[15] ; et quant à Isaac, il n’était certes pas dépouillé, mais il était en tout temps nu et incorporel ; car il lui avait été donné de ne pas descendre en Égypte [16] c’est-à-dire, dans le corps. Jacob aussi aimait la nudité de l’âme, car sa douceur est nudité, « car Ésaü était un homme velu, mais Jacob, dit Moïse, était un homme lisse »[17], raison pour laquelle il était aussi le mari de Léa.
XVI. (60) C’est la nudité la plus excellente, mais l’autre nudité est de nature opposée, étant un changement qui implique une privation de vertu, lorsque l’âme devient folle et s’égare. Telle fut la folie de Noé lorsqu’il était nu, lorsqu’il but du vin.[18] Mais grâces à Dieu, ce changement et cette nudité de l’esprit selon la privation de vertu, ne s’étendirent pas jusqu’aux choses extérieures, mais restèrent dans la maison ; car Moïse dit qu’« il fut dépouillé dans sa maison » : car même si un homme sage commet une folie, il ne court pas à la ruine comme un homme mauvais ; car le mal de l’un se répand, mais celui de l’autre est contenu, et c’est pourquoi il redevient sobre, c’est-à-dire qu’il se repent et se remet en quelque sorte de sa maladie. (61) Mais examinons maintenant plus précisément l’affirmation selon laquelle « le dépouillement a eu lieu dans sa maison ». Lorsque l’âme, étant changée, conçoit seulement une mauvaise chose et ne la met pas à exécution, de manière à l’accomplir en acte, alors le péché ne se trouve que dans le domaine et la demeure privés de l’âme. Mais si, en plus de penser quelque méchanceté, elle procède aussi à l’accomplir et à la mettre à exécution, alors la méchanceté se répand au-delà de sa maison : (62) et c’est pourquoi il maudit aussi Canaan, parce qu’il a raconté le changement de son âme au public, c’est-à-dire qu’il l’a étendu au dehors et l’a rendu public, ajoutant à sa mauvaise intention une consommation mauvaise au moyen de ses actions ; mais Sem et Japhet sont loués, parce qu’ils n’ont pas attaqué son âme, mais ont plutôt caché sa détérioration. (63) C’est pourquoi aussi les prières et les vœux de l’âme sont invalidés lorsqu’ils sont faits dans la maison du père ou du mari, [19] alors que les facultés de raisonnement sont dans un état de quiescence, et n’attaquent pas l’altération qui s’est produite dans l’âme, mais cachent la délinquance ; car alors aussi « le maître de toutes choses » la purifiera : mais il entend la prière de la veuve et de celle qui est répudiée sans la révoquer ; car « tout ce qu’elle a voué contre son âme », dit-il, « lui restera », et très raisonnablement ; car si, après avoir été répudiée, elle s’est avancée jusqu’aux parties hors de la maison, de sorte que non seulement sa place est changée, mais qu’elle pèche aussi à l’égard des actes qu’elle a accomplis, elle reste incurable, n’ayant aucune communion de conversation avec son mari, et étant privée aussi de l’avocat et de la consolation de son père. (64) La troisième description du déshabillage est celle du milieu, selon laquelle l’esprit est dépourvu de raison,n’ayant aucune part ni à la vertu ni au vice ; et c’est en référence à ce genre de nudité à laquelle participe aussi un enfant, qu’est utilisée l’expression qui dit : « Et les deux étaient nus, Adam et sa femme » ; et le sens de cela est le suivant : ni leur intellect ne comprenait, ni leurs sens extérieurs ne percevaient cette nudité ; mais le premier était dépourvu de tout pouvoir de compréhension, et nu ; et le second était dépourvu de toute perception.
XVII. (65) Nous examinerons plus loin l’expression « ils n’avaient pas honte », car trois idées sont évoquées dans ce passage : l’impudence, la modestie et l’indifférence, où l’on n’est ni impudent ni modeste. Or, l’impudence est le propre d’une personne sans valeur, et la modestie la caractéristique d’une personne vertueuse ; mais l’état de n’être ni modeste ni impudent est le signe d’une personne dépourvue de compréhension et qui n’agit pas selon une opinion arrêtée ; et c’est d’un tel homme que nous parlons maintenant : car celui qui n’a pas encore acquis la compréhension du bien et du mal, ne peut être ni sans vergogne ni modeste. (66) C’est pourquoi les exemples d’impudence sont toutes les conduites inconvenantes, lorsque l’esprit révèle des choses honteuses, alors qu’il devrait plutôt les couvrir d’ombre, au lieu de quoi il s’en vante et s’en glorifie. Français Il est dit aussi dans le cas de Myriam, lorsqu’elle parlait contre Moïse : « Si son père lui avait craché au visage, ne devait-elle pas se tenir retirée pendant sept jours ? »[20] (67) Car le sens externe, étant réellement effronté et impudent, bien que considéré comme rien par Dieu le Père, en comparaison de celui qui était fidèle dans toute sa maison, à qui Dieu lui-même a uni la femme éthiopienne, c’est-à-dire l’opinion immuable et bien satisfaite, a osé parler contre Moïse et l’accuser, pour les actions mêmes pour lesquelles il méritait d’être loué ; car c’est là sa plus grande louange, qu’il a reçu la femme éthiopienne, la nature immuable, éprouvée dans le feu et trouvée honnête ; car comme dans l’œil, la partie qui voit est noire, ainsi aussi la partie de l’âme qui voit est ce que l’on entend par la femme éthiopienne. (68) Pourquoi, alors qu’il y a beaucoup d’œuvres mauvaises, n’en mentionne-t-il qu’une seule, à savoir celle qui est consacrée à ce qui est honteux, en disant : « Ils n’avaient pas honte » ; mais ne faisaient-ils pas le mal, ou ne péchaient-ils pas, ou n’agissaient-ils pas indécemment ? Mais la cause est là. Non, par le seul vrai Dieu, je ne pense rien de plus honteux que de supposer que je comprends avec mon intellect, ou que je perçois par mes sens extérieurs. (69) Mon esprit est-il la cause de ma compréhension ? Comment cela ? Car se comprend-il lui-même, et sait-il ce qu’il est, ou comment il est venu à l’existence ? Et les sens extérieurs sont-ils la cause de la perception de l’homme ? Comment peut-on dire qu’il en soit ainsi, alors que ce n’est compris ni par lui-même ni par l’esprit ? Ne voyez-vous pas que celui qui croit comprendre se révèle souvent insensé dans ses actes de cupidité, d’ivrognerie et de folie ? Où donc se manifeste sa capacité intellectuelle dans ces actions ? Encore une fois,La sensation extérieure n’est-elle pas souvent privée du pouvoir de s’exercer ? N’y a-t-il pas des moments où, voyant, nous ne voyons pas et entendant, nous n’entendons pas, lorsque l’esprit est légèrement détourné vers un autre objet de l’intellect et s’applique à le considérer ? (70) Tant qu’ils sont tous deux nus, l’esprit dépouillé de son pouvoir d’exciter l’intellect, et le sens extérieur de son pouvoir de sensation, ils n’ont rien de honteux en eux ; mais dès qu’ils commencent à faire preuve de compréhension, ils se masquent de honte et d’insolence : car on les trouvera souvent se comportant avec simplicité et folie plutôt qu’avec une connaissance solide, et cela non seulement dans des actes particuliers de convoitise, de spleen ou de folie, mais aussi dans la conduite générale de la vie : car lorsque le sens extérieur domine, l’esprit est asservi, ne prêtant attention à aucun objet propre de son intellect, et lorsque l’esprit est prédominant, le sens indésirable est vu comme étant sans emploi, n’ayant aucune compréhension d’aucun objet propre de son propre exercice.
XVIII. (71) « Or, le serpent était le plus rusé de tous les animaux qui sont sur la terre, que le Seigneur Dieu a faits. »[21] Deux choses ayant été créées auparavant, c’est-à-dire l’esprit et le sens extérieur, et celles-ci ayant également été dépouillées de la manière qui a déjà été montrée, il s’ensuit nécessairement que le plaisir, qui les rassemble, doit être le troisième, afin de faciliter la compréhension des objets de l’intellect et du sens extérieur : car l’esprit ne pourrait pas non plus, sans le sens extérieur, être capable de comprendre la nature d’un animal ou d’une plante, ou d’une pierre ou d’un morceau de bois, ou, en un mot, d’une substance quelconque ; et le sens extérieur ne pourrait pas non plus exercer ses facultés propres sans l’esprit. (72) Puisqu’il était donc nécessaire que ces deux choses se réunissent pour la bonne compréhension de ces objets, qu’est-ce qui les rapprochait sinon un troisième quelque chose qui agissait comme un lien entre eux, les deux premiers représentant l’amour et le désir, et le plaisir n’obtenant pas la domination et la maîtrise, dont Moïse parle ici symboliquement, sous l’emblème du serpent. (73) Dieu, qui a créé tous les animaux sur la terre, a arrangé cet ordre très admirablement, car il a placé l’esprit en premier, c’est-à-dire l’homme, car l’esprit est la partie la plus importante chez l’homme ; puis le sens extérieur, c’est-à-dire la femme ; et puis, procédant dans l’ordre régulier, il est arrivé au troisième, le plaisir. Mais les pouvoirs de ces trois, et leurs âges, ne diffèrent que dans la nuit, car en termes de temps ils sont égaux ; Car l’âme fait tout avancer en même temps avec elle-même : mais elle fait avancer certaines choses dans leur actualité, et d’autres dans leur puissance d’être, même si elles ne sont pas encore arrivées à leur terme. (74) Et le plaisir a été représenté sous la forme du serpent, pour cette raison, comme le mouvement du serpent est plein de nombreux détours et varié, ainsi l’est aussi le mouvement du plaisir. Au début, il s’enroule autour de l’homme de cinq manières, car les plaisirs consistent à la fois dans la vue, et dans l’ouïe, et dans le goût, et dans l’odorat, et dans le toucher. Mais les plus véhéments et les plus intenses sont ceux qui naissent de la connexion avec la femme, par laquelle la génération d’êtres semblables est destinée par la nature à s’effectuer. (75) Et pourtant, ce n’est pas la seule raison pour laquelle nous disons que le plaisir est divers en apparence, à savoir, parce qu’il s’enroule autour de toutes les divisions de la partie irrationnelle de l’âme, mais parce qu’il s’enroule aussi avec de nombreux détours autour de chaque partie séparée. Par exemple, les plaisirs que procure la vue sont variés ; il y a tout le plaisir qui naît de la contemplation de tableaux ou de statues ; et toutes les autres œuvres qui sont faites par l’art ravissent la vue.Il en va de même pour les différentes étapes que traversent les plantes lorsqu’elles bourgeonnent, fleurissent et portent des fruits ; ainsi que pour la beauté diversifiée des différents animaux. De même, la flûte, la harpe et tous les instruments, ainsi que les voix harmonieuses des animaux irrationnels, des hirondelles et des rossignols, sont un plaisir pour l’ouïe ; de même aussi pour la mélodie des êtres rationnels que la nature a rendus musicaux, la voix harmonieuse des harpistes et de ceux qui représentent la comédie, la tragédie ou toute autre représentation historique.
XIX. (76) Pourquoi s’étendre sur les plaisirs du ventre ? Car on peut presque dire qu’il y a autant de variétés de plaisirs que de saveurs douces qui sont présentées au ventre et qui excitent les sens extérieurs. N’était-il pas donc, avec une grande justesse, que le plaisir, qui provient de sources multiples et variées, était présenté à un animal doué de facultés variées ? (77) C’est pourquoi aussi cette partie en nous qui est analogue au peuple, et qui joue le rôle d’une multitude, lorsqu’elle cherche « les maisons en Égypte »,[22] c’est-à-dire dans son habitation corporelle, s’empêtre dans des plaisirs qui amènent la mort ; non pas cette mort qui est une séparation de l’âme et du corps, mais celle qui est la destruction de l’âme par le vice. Car Moïse dit : « Et l’Éternel Dieu envoya parmi le peuple des serpents mortels, qui mordirent le peuple, et une grande multitude des enfants d’Israël mourut. »[23] Car en vérité, il n’y a rien qui apporte autant la mort à l’âme qu’une indulgence immodérée dans les plaisirs. (78) Et ce qui périt n’est pas la partie dominante en nous, mais la partie sujette, celle qui joue le rôle de la multitude ; et elle reçoit la mort jusqu’à ce point, à savoir, jusqu’à ce qu’elle se tourne vers la repentance et confesse son péché, car les Israélites, venant à Moïse, disent : « Nous avons péché en parlant contre l’Éternel et contre toi ; priez donc l’Éternel pour nous, et qu’il éloigne de nous les serpents. » Il est bien dit ici, non pas que nous avons péché parce que nous avons parlé contre le Seigneur, mais parce que nous étions enclins à pécher, nous avons parlé contre le Seigneur, car lorsque l’esprit pèche et s’éloigne de la vertu, il blâme les choses divines, imputant ses propres péchés à Dieu.
XX. (79) Comment donc peut-il y avoir un remède à ce mal ? Lorsqu’un autre serpent est créé, l’ennemi du serpent qui est venu à Ève, à savoir la parole de tempérance. Car la tempérance est opposée au plaisir, qui est un mal varié, étant une vertu variée, et prête à repousser son ennemi le plaisir. En conséquence, Dieu commande à Moïse de faire le serpent selon la tempérance ; et il dit : « Fais-toi un serpent, et dresse-le comme signe. » Voyez-vous que Moïse ne fait ce serpent pour personne d’autre que pour lui-même ? Car Dieu lui commande : « Fais-le pour toi-même », afin que vous sachiez que la tempérance n’est pas le don de tous, mais seulement de l’homme qui aime Dieu. (80) Et nous devons nous demander pourquoi Moïse fait un serpent d’airain, alors qu’aucun ordre ne lui a été donné concernant la matière dont il devait être formé. Ne serait-ce pas pour cette raison ? En premier lieu, les grâces de Dieu sont immatérielles, n’étant elles-mêmes que des idées et dépourvues de toute qualité distinctive ; tandis que les grâces des mortels ne sont perçues qu’en rapport avec la matière. En second lieu, non seulement Moïse aime les vertus incorporelles, mais nos âmes, incapables de se dépouiller de leur corps, aspirent également à la vertu corporelle. (81) et la raison, en accord avec la tempérance, est comparée à la substance solide et résistante de l’airain, car elle est une forme et difficile à percer. Et peut-être l’airain a-t-il aussi été choisi, car la tempérance chez l’homme qui aime Dieu est une chose très honorable, semblable à l’or ; bien qu’elle n’occupe qu’une place secondaire chez un homme qui a reçu la sagesse et s’y est perfectionné. « Et quiconque mord le serpent unique, s’il regarde le serpent d’airain, vivra. » Moïse dit vrai : si l’esprit mordu par le plaisir, c’est-à-dire par le serpent envoyé à Ève, a la force de contempler la beauté de la tempérance, c’est-à-dire le serpent créé par Moïse pour affecter l’âme, et de contempler Dieu lui-même par l’intermédiaire du serpent, il vivra. Qu’il le voie et le contemple intellectuellement.
XXI. (82) Ne voyez-vous pas que la sagesse, lorsqu’elle domine, qui est Sarah, dit : « Car quiconque l’entendra se réjouira avec moi. »[24] Mais supposons que quelqu’un puisse entendre que la vertu a apporté le bonheur, à savoir Isaac, immédiatement il chantera un hymne de félicitations. De même que seul celui qui a entendu la nouvelle peut sympathiser avec votre joie, de même seul celui qui a clairement vu la tempérance et Dieu, qui est à l’abri de la mort, peut être celui qui est à l’abri de la mort. (83) Mais beaucoup d’âmes qui ont été amoureuses de la persévérance et de la tempérance, une fois éloignées des passions, ont néanmoins résisté à la puissance de Dieu et ont subi un changement pour le pire, tandis que leur Maître a fait étalage de lui-même et de l’œuvre de la création ; de lui-même, qu’il est toujours immobile, et de l’œuvre de la création, qu’elle vibre comme dans une balance et s’incline dans des directions opposées à différents moments. (84) Car Moïse parle aux Israélites de Dieu : « Qui vous a donc conduits dans ce grand et terrible désert, où il y avait des serpents mordants, des scorpions, et de la soif, où il n’y avait pas d’eau ? Qui a fait jaillir pour vous du dur rocher une fontaine d’eau ? Qui vous a nourri de manne dans le désert, que vos pères n’ont pas connu ? »[25] Ne voyez-vous pas que non seulement l’âme, tout en aspirant aux passions qui prévalaient en Égypte, est tombée sous le pouvoir des serpents, mais que, aussi, alors qu’elle était dans le désert, elle a été mordue par le plaisir, cette affection aux apparences variées et serpentines ? Et l’œuvre du plaisir a reçu un nom très approprié, car on l’appelle une morsure. (85) De plus, non seulement ceux qui étaient dans le désert furent mordus par les serpents, mais aussi ceux qui étaient dispersés. Car moi aussi, ayant souvent quitté mes parents, mes amis et ma patrie, et m’étant rendu au désert afin de voir quelques-unes de ces choses qui méritent d’être vues, je n’en ai tiré aucun profit. Mais mon esprit, étant séparé de moi, ou mordu par la passion, s’est retiré vers les choses opposées à elles. Et il y a des moments où, dans le mFrançais Idème d’une multitude composée d’un nombre infini d’hommes, je puis amener mon esprit dans la solitude, Dieu ayant dispersé pour moi la foule qui embarrasse mon âme, et m’ayant appris que ce n’est pas la différence de lieu qui est la cause du bien et du diable, mais plutôt Dieu, qui meut et conduit ce véhicule de l’âme où il veut. (86) De plus, l’âme tombe dans un scorpion, c’est-à-dire dans la dispersion dans le désert ; et la soif, qui est celle des passions, s’en empare jusqu’à ce que Dieu envoie sur elle le fleuve de sa propre sagesse exacte, et fasse boire l’âme changée d’une santé immuable ; car le rocher abrupt est la sagesse de Dieu, qui étant à la fois sublime et la première des choses qu’il a extraites de ses propres forces, et il en donne à boire aux âmes qui aiment Dieu ; et celles-ci, lorsqu’elles ont bu, sont aussi remplies de la manne la plus universelle ; car la manne est appelée quelque chose qui est le genre premier de toute chose. Mais la plus universelle de toutes les choses est Dieu, et en second lieu la parole de Dieu. D’autres choses, en revanche, n’existent qu’en paroles, mais en réalité, elles sont parfois équivalentes à ce qui n’existe pas.
XXII. (87) Voyez maintenant la différence entre celui qui se tourne vers le péché dans le désert et celui qui pèche en Égypte. Car l’un est mordu par les serpents qui causent la mort, c’est-à-dire par les plaisirs insatiables qui infligent la mort ; mais l’autre, celui qui médite dans le désert, est seulement mordu par le plaisir et égaré, mais n’est pas tué. Et l’un, en effet, est guéri par la tempérance, qui est le serpent d’airain qui a été fait par le sage Moïse ; mais l’autre est fourni par Dieu d’un très beau breuvage à boire, à savoir la sagesse, à la fontaine qu’il a lui-même tirée de sa propre sagesse. (88) Et, en effet, le plaisir qui est sous la forme d’un serpent ne s’abstient pas d’attaquer cet amoureux très sincère de Dieu, Moïse, car nous lisons ce qui suit : « S’ils ne m’obéissent pas et n’écoutent pas ma voix, car ils diront : « Dieu ne s’est pas montré à vous », que leur dirai-je ? L’Éternel dit à Moïse : « Qu’as-tu dans la main ? » Il répondit : « Une verge. » Dieu dit : « Jette-la à terre. » Il la jeta à terre, et elle devint un serpent, et Moïse s’enfuit devant lui. L’Éternel dit à Moïse : « Étends ta main, et saisis-la par la queue. » L’Éternel étendit la main, et il la saisit par la queue, et elle devint une verge dans sa main. L’Éternel lui dit : « Afin qu’ils croient en toi. »[26] (89) Comment quelqu’un peut-il croire en Dieu ? S’il a appris que toutes les autres choses sont changeantes, mais que lui seul est immuable. C’est pourquoi Dieu demande au sage Moïse ce qu’il y a dans la vie pratique de son âme ; car la main est le symbole de l’action. Et il répond : L’instruction, qu’il appelle une verge. C’est pourquoi Jacob, le supplanteur des passions, dit : « Car avec mon bâton, j’ai traversé ce Jourdain. »[27] Mais le Jourdain étant interprété comme la descente. Et de la nature inférieure, terrestre et périssable, le vice et la passion sont des parties composantes ; et l’esprit de l’ascète les traverse au cours de son éducation. Car c’est une notion trop basse pour expliquer ses paroles littéralement ; comme si cela signifiait qu’il traversait le fleuve, tenant son bâton à la main.
XXIII. (90) C’est donc bien ainsi que répond Moïse, l’amoureux de Dieu. Car, en vérité, les actions de l’homme vertueux sont soutenues par l’éducation comme par une verge, calmant les troubles et les agitations de l’esprit. Cette verge, une fois jetée, devient un serpent. Très justement. Car si l’âme rejette l’instruction, elle s’attache au plaisir au lieu d’aimer la vertu. C’est pourquoi Moïse s’enfuit, car l’homme qui aime la vertu fuit la passion et le plaisir. (91) Mais Dieu n’a pas loué sa fuite. Car il convient, en effet, à votre esprit, avant d’être rendu parfait, de méditer la fuite et d’échapper aux passions ; mais Moïse, cet homme parfait, devrait plutôt persévérer dans sa guerre contre eux, leur résister et lutter contre eux, sinon eux, comptant sur leur indépendance et sur leur puissance, monteront jusqu’à la citadelle de l’âme, la prendront d’assaut et la pilleront entièrement, comme un tyran. (92) C’est pourquoi Dieu a commandé à Moïse de « la saisir par la queue », c’est-à-dire de ne pas laisser l’esprit hostile et indomptable du plaisir t’effrayer, mais de toutes tes forces saisis-la, saisis-la fermement et maîtrise-la. Car elle redeviendra une verge au lieu d’un serpent, c’est-à-dire qu’au lieu de plaisir, elle deviendra instruction dans ta main ; (93) mais elle sera dans ta main, c’est-à-dire dans l’action d’un homme sage, ce qui, en effet, est vrai. Mais il est impossible de saisir et de maîtriser le plaisir, à moins d’avoir d’abord tendu la main, c’est-à-dire à moins que l’âme ne confesse que toutes les actions et tous les progrès viennent de Dieu et ne s’attribuent rien. Aussi, voyant ce serpent, décida-t-il de le fuir. Mais il prépara un autre principe, celui de la tempérance, qui est le serpent d’airain : afin que quiconque était mordu par le plaisir, en contemplant la tempérance, puisse vivre une vie véritable.
XXIV. (94) Jacob se vante que Dan est un tel serpent, et il parle ainsi : « Dan jugera son peuple, comme l’une des tribus d’Israël »[28] et encore : « Que Dan soit un serpent sur le chemin, assis sur la route, mordant le talon du cheval, et le cavalier tombera à la renverse, attendant le salut du Seigneur. »[29] Le cinquième fils de Léa est Issacar, le fils légitime de Jacob ; mais si l’on compte les deux fils de Zilpa, il est le septième ; mais le cinquième fils de Jacob est Dan, le fils de Billah, la servante de Rachel ; et nous en examinerons la cause en temps voulu, mais concernant Dan, nous devons maintenant examiner plus en détail. (95) L’âme produit deux espèces, l’une divine et l’autre périssable ; celle qui est la meilleure, elle l’a déjà conçue et y aboutit ; car lorsque l’âme fut capable de confesser Dieu et de tout lui abandonner, elle ne fut plus capable ensuite de recevoir aucun bien plus précieux ; c’est pourquoi elle cessa de produire, après avoir donné naissance à Juda, l’emblème de la disposition à confesser - (96) et maintenant elle commence à former la race mortelle - maintenant la race mortelle subsiste en absorbant ; car, comme un fondement, le sens du goût est la cause de la durée des animaux ; mais le nom Billah, étant interprété, signifie absorbant. D’elle est né Dan, dont le nom étant interprété signifie jugement, car cette espèce distingue les choses immortelles des choses mortelles, c’est pourquoi il prie pour devenir un ouvrier de tempérance. Mais il ne priera pas pour Juda, car Juda a déjà la capacité de prier et de plaire à Dieu : (97) « Que Dan donc, dit-il, soit un serpent sur le chemin. » - Un seul chemin est l’âme. Car, comme sur les routes on peut contempler une grande variété d’êtres vivants, inanimés et animés, irrationnels et rationnels, bons et mauvais, esclaves et libres, jeunes et vieux, hommes et femmes, étrangers et citoyens naturels, malades et sains, mutilés et parfaits ; de même dans l’âme il y a des mouvements inanimés, et imparfaits, et malades, et serviles, et féminins, et d’innombrables autres de la classe des maux ; et d’autre part, il y a des mouvements qui sont vivants, et parfaits, et masculins, et libres, et sains, et mûrs, et vertueux, et authentiques, et vraiment légitimes. (98) Que le principe de tempérance soit donc un serpent dans l’âme, qui avance à travers toutes les circonstances de la vie, et qu’il s’installe sur le chemin. Mais que signifie cette expression ? — Le champ de la vertu n’est pas foulé aux pieds ; car ils sont peu nombreux à le parcourir, mais celui du vice est foulé et usé ? Et il lui recommande ici d’occuper et de combler, par des embûches et des stratagèmes, le sentier bien battu de la passion et du vice, dans lequel les pensées désertrices de la vertu passent leur vie.
XXV. (99) « Mordre le talon du cheval » — Très systématiquement, la disposition qui ébranle la stabilité de l’être créé et périssable est appelée le supplanteur, et les passions sont comparées à un cheval ; car la passion a quatre jambes comme un cheval, et c’est une bête impétueuse, pleine d’insolence, et par nature un animal très rétif. Mais le raisonnement de la tempérance a coutume de mordre, de blesser et de détruire la passion. C’est pourquoi la passion ayant trébuché et étant tombée, « le cavalier tombera à la renverse ». Nous devons comprendre que le cavalier qui a chevauché les passions est l’esprit, qui tombe des passions lorsqu’elles sont raisonnées de près, et ainsi supplantées ; (100) et il est bien compris que l’âme ne tombe pas en avant, car elle ne doit pas précéder les passions, mais plutôt avancer derrière elles et se comporter avec modération.
Et il y a là un véritable enseignement dans ce qu’il dit. Si l’esprit, bien que désireux d’agir injustement, arrive trop tard et retombe en arrière, il n’agira pas injustement ; mais si, poussé vers une passion irrationnelle, il ne court pas en avant mais reste en arrière, il sera alors libéré de la domination des passions, ce qui est une excellente chose. (101) C’est pourquoi Moïse, approuvant cette chute en arrière des vices, ajoute : « attendant le salut du Seigneur », car, en vérité, celui qui tombe des passions est sauvé par Dieu et reste en sécurité après leur opération. Puisse mon âme subir une telle chute, et puisse-t-elle ne jamais remonter sur cette passion chevaline et rétive, afin d’attendre le salut de Dieu et d’atteindre le bonheur ! (102) C’est aussi pour cette raison que Moïse a loué Dieu dans son hymne, parce que « le cheval et son cavalier ont été jetés dans la mer », [30] signifiant qu’il a jeté les quatre passions et l’esprit misérable qui est monté sur elles, dans la ruine quant à ses affaires, et dans le puits sans fond, et c’est presque le sujet de tout l’hymne, auquel toute autre partie se réfère, et en effet c’est la vérité ; car si une fois une libération des passions occupe l’âme, elle deviendra parfaitement heureuse.
XXVI. (103) Et nous devons aussi nous demander quelle est la raison pour laquelle Jacob dit que « le cavalier tombera à la renverse »[31] et Moïse dit que « le cheval et son cavalier ont été jetés à la mer ». Nous devons donc dire que ce qui est jeté à la mer est la disposition égyptienne, qui en effet fuit et s’échappe sous l’eau, c’est-à-dire sous l’avancée des passions. Mais le cavalier qui tombe à la renverse n’est pas de ceux qui aiment céder aux passions ; et la preuve en est que Moïse appelle l’un le cavalier (hippeus), et l’autre le cavalier (anabate—s). (104) Or, c’est le rôle du cavalier de dompter le cheval, et lorsqu’il résiste à la rêne, de le rendre docile ; mais c’est le rôle du cavalier d’être transporté partout où l’animal le porte, et en mer c’est le rôle du pilote de guider le navire, de le maintenir droit et de le maintenir dans la bonne direction ; mais c’est le rôle du marin de supporter tout ce qui arrive au navire. Et à ce propos, le cavalier qui dompte les passions ne se noie pas dans la mer, mais en descendant de leur monture attend le salut du maître. (105) En conséquence, la parole de Dieu dans le Lévitique recommande aux hommes « de se nourrir de ces bestioles rampantes qui marchent sur quatre pieds, et qui ont des jambes au-dessus de leurs pieds, de sorte qu’elles peuvent sauter avec elles »[32] ; parmi lesquelles se trouvent la sauterelle, l’attacus, l’acris,[33] et en quatrième lieu le combattant de serpents ; et tout proprement ; (106) Combats donc, ô mon esprit, contre toute passion, et spécialement contre le plaisir, car « le serpent est le plus rusé de tous les animaux qui sont sur la terre, que le Seigneur Dieu a faits. » (107) Et de toutes les passions, la plus néfaste est le plaisir. Pourquoi cela ? Parce que toutes choses sont esclaves du plaisir ; et parce que la vie des méchants est gouvernée par le plaisir comme par un maître. En conséquence, les choses qui sont les causes efficientes du plaisir se trouvent remplies de toute méchanceté : l’or et l’argent, la gloire et les honneurs, les pouvoirs et les objets des sens extérieurs, les arts mécaniques, et toutes les autres choses qui causent le plaisir, étant très diverses et toutes nuisibles à l’âme ; et il n’y a pas de péchés sans méchanceté extrême ; (108) c’est pourquoi, déploie contre elle la sagesse qui combat les serpents ; et lutte dans cette lutte la plus glorieuse, et efforce-toi de gagner la couronne dans la lutte contre le plaisir, qui soumet tout le monde ; gagnant une couronne noble et glorieuse, telle qu’aucune assemblée d’hommes ne peut la conférer.
Un mot ou deux sont perdus ici. Pfeiffer pense que plusieurs phrases manquent ; et il y a un grand manque de lien entre ce qui suit et ce qui précède. ↩︎
Deutéronome 23:13. ↩︎
Exode 12:23. ↩︎
Nombres 31:26. ↩︎
Genèse 30:1. ↩︎
Genèse 29:31. ↩︎
Deutéronome 21:15. ↩︎
Deutéronome 33:9. ↩︎
Deutéronome 10:9. ↩︎
Lévitique 16:7. ↩︎
Genèse 2:25 ; 3:1. ↩︎
Exode 33:7. ↩︎
Lévitique 16:1. ↩︎
Lévitique 10:1. ↩︎
Genèse 13:1. ↩︎
Genèse 26:2. ↩︎
Genèse 25:25. ↩︎
Genèse 9:21. ↩︎
Genèse 25:25. ↩︎
Nombres 12:14. ↩︎
Genèse 3:1. ↩︎
Nombres 21:5. ↩︎
Nombres 21:6. ↩︎
Genèse 21:6. ↩︎
Deutéronome 8:14. ↩︎
Exode 4:3. ↩︎
Genèse 32:10. ↩︎
Genèse 49:16. ↩︎
Genèse 49:17. ↩︎
Exode 15:1. ↩︎
Genèse 49:17. ↩︎
Lévitique 11:22 ↩︎
ce sont différentes sortes de sauterelles. ↩︎