© 2001 Anne-Marie Ronfet
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Brève réflexion sur le mental | Le Lien Urantien — Numéro 18 — Été 2001 — Table des matières | Vérité et mensonge ou Des faits et de la fausseté |
Au cours de la lecture des fascicules, nous voyons vite que nous ne sommes pas les seuls à éprouver des émotions, que ce soit dans les superunivers, mais aussi dans l’univers central. Bien que nous vivions sur un mode mixte et instable entre nos instincts d’origine animale et nos aspirations spirituelles, d’autres êtres semblent éprouver des sentiments plus purs, des sentiments qui n’ont pour origine que la bonté. Un ardent désir semble parcourir le vaste univers, celui d’atteindre Dieu, celui de lui ressembler et de le servir.
En ce qui nous concerne, l’émotion au sens très large de tout ce qui est ressenti à notre niveau, qu’elle soit d’origine instinctive ou suscitée par l’esprit, nous place dans une situation de choix, sans cesse renouvelée.
Bien des religions surtout orientales incitent depuis la nuit des temps à maîtriser les émotions, les canaliser, voire les faire disparaître pour assurer à l’individu une plénitude qui devrait l’approcher de Dieu. Le christianisme traditionnel a déjà une optique un peu différente; l’enseignement de Jésus dans les Evangiles se basant sur l’amour. (Le Bouddhisme lui-même cultive le sentiment de compassion.)
Qu’en est-il de l’importance de la maîtrise de soi ? Nous nous laissons souvent emporter par nos rancœurs et même parmi les lecteurs des fascicules, nous n’avons pas toujours une attitude tolérante, l’intérêt même pour notre recherche nous incitant à trop de passion. Qu’en est-il vraiment?
Devons-nous comme des ascètes indiens détourner de nous ce qui pourrait susciter nos élans, suffit-il d’aimer les autres ? Est-ce si simple ? Et surtout l’émotion en soi est-elle mauvaise ? Soyons sincères. Nous sommes loin de la magnifique maîtrise psychologique de Jésus.
D’autre part, qu’attendons-nous réellement de la lecture des fascicules dans notre vie religieuse ? Ne sommes nous pas un peu comme ces foules qui suivaient Jésus, en attendant des miracles, des petits phénomènes… Ne sommes nous pas à l’affût d’excitations supplémentaires parce que la vie nous semble un peu terne et que nous avons besoin nous aussi de « ressentir ». La spiritualité peut-elle se développer en ce genre de soif? Un peu sans doute, mais… A l’heure où les fascicules se répandent dans le monde, il peut être nécessaire de réviser nos motivations profondes.
Jésus, qui lui-même expérimenta « la vaste gamme des émotions humaines qui s’étendent de la joie magnifique à la douleur profonde ». [LU 129:4.4], savait bien que les humains ne pouvaient aimer Dieu sans vivre des sensations assez primaires : le goût du fantastique, l’envie de voir des miracles, le besoin de merveilleux exprimé d’une façon enfantine, immature.
Il s’appuya parfois sur ces sentiments qu’il comprenait d’une façon plus subtile. « Jésus enseigna l’appel aux émotions en tant que technique pour arrêter et focaliser l’attention intellectuelle ». [LU 152:6.4] Il puisa dans le trésor imaginatif et émotionnel du peuple pour l’émouvoir, pour l’arracher à l’indifférence. Il transforma la peur en besoin d’amour, de compréhension, la servilité en respect de soi-même face à sa destinée.
Pour lutter contre la peur, l’être humain institua des cultes qui canalisent ses pulsions, mais l’enferment en même temps. Le culte le limite à des institutions qui perdent vite leurs valeurs créatrices. Quelques générations passent et voilà les enfants enfermés dans les traditions instituées par l’imagination créatrice de leurs pères.
Autre chose doit se passer dans l’esprit. La clairvoyance spirituelle doit prévaloir peu à peu.
« L’émotion seule est une fausse conversion ; il faut avoir la foi aussi bien que la sensation. Dans la mesure où la mobilisation psychique est partielle et où les mobiles de la fidélité humaine sont incomplets, l’expérience de la conversion sera dans la même mesure une réalité mixte, intellectuelle, émotionnelle et spirituelle. » LU 100:5.5
L’animal domine en nous la plupart du temps. Comment arriver à planifier nos émotions, nos mécanismes automatiques pour devenir enfin plus créateur ? Comment nous dégager de la peur ancestrale pour nous retrouver libre et serein, sans préjugés et sans élans négatifs, avec juste ce qu’il faut de peur pour assurer notre survie…
Et quelles sont ces émotions négatives? Certaines sont actives comme la colère, l’orgueil, d’autres passives comme la paresse, l’inertie, l’avidité…
Beaucoup de techniques religieuses ont développé depuis des siècles des pratiques psychologiques pour arriver à canaliser ces émotions afin de s’en libérer. Ainsi, le Bouddhisme incite à un détachement par rapport au vécu qui nous entoure. Le Soufisme au contraire essaye de nous réveiller, de nous sortir de notre grand sommeil, prise de conscience de nos gestes, de notre corps dans l’instant présent. Car nous ne devons vivre ni dans le passé, ni dans le futur mais construire notre vie sur l’instant qui passe. Seul l’instant qui passe est vivant. Nous ne pouvons plus agir sur notre passé. Nous ne pouvons pas encore agir sur notre futur. Nous ne savons pas de quoi demain sera fait mais l’instant qui passe, aujourd’hui nous appartient. Car si nous sommes des êtres désirant l’éternité, nous savons bien quelque part que cette éternité est déjà là, qu’il nous faut la pressentir.
Beaucoup de pratiques parlent de l’identification. Nous nous identifions à beaucoup de choses dans la vie. Nous travaillons? Nous nous concentrons, nous nous oublions dans le travail. Nous sommes identifiés à notre travail. Nous sommes fatigués ? Pour nous détendre, nous regardons la télévision ou allons au cinéma. Nous nous oublions encore. Où sommes nous pendant ce temps? Partis en fumée dans les petits écrans ou bien en suspens dans notre conscience? Une heure, deux heures, trois heures…C’est nécessaire. Il nous faut nous détendre. Mais nous savons que notre conscience doit se ressaisir. Nous éteignons la télé. Il était temps. Un peu plus tard quelque chose nous énerve, pire, nous met en colère Et nous ne sommes plus que cette colère. Cela devient de la rancœur, presque de la haine. Nous en voulons à quelqu’un. Cela nous inonde complètement. Bon, nous respirons un bon coup. Du calme, du calme! La colère perd de son intensité. Elle devient comme une humiliation, une boule dans l’estomac. Il faut digérer ça. Sans arrêt nous devons pour rester conscient créer une distance, entre nous, notre conscience éveillée et notre action, notre état. Et c’est bien ce que nous devons faire. Certaines écoles appellent cela l’Observateur, celui qui, en nous, nous regarde, nous écoute. Les pratiques spirituelles les plus intéressantes de la planète empruntent ce chemin. Toutes sont d’accord sur la nécessité d’avoir le plus possible une prise de conscience de nos actes.
Nous devons nous débrouiller. De toute façon l’Ajusteur ne s’occupe pas de cela. Il travaille à un autre niveau. Le contrôle de nous même, c’est à nous de le faire, pas à lui. N’est-il pas écrit :
« Vos émotions passagères et toujours changeantes de joie et de tristesse sont surtout des réactions purement humaines et matérielles à votre climat psychique interne et à votre entourage matériel externe. Ne comptez donc pas sur l’Ajusteur pour des consolations égoïstes et un réconfort humain. Son affaire est de vous préparer à l’aventure éternelle, d’assurer votre survie. Le Moniteur de Mystère n’a pas pour mission d’adoucir vos sentiments d’irritation ou de panser votre orgueil blessé. C’est la préparation de votre âme à la longue carrière ascendante qui retient l’attention et occupe le temps de l’Ajusteur. » LU 108:5.6
Toute la lecture des fascicules nous incite instamment à nous préparer pour notre long voyage, à voir le but d’abord par l’appel de la foi, à comprendre que nous sommes aidés par maintes influences spirituelles, puis à nous prendre en charge, bon an mal an, par la maîtrise de nos impressions, de notre mental, de nos rapports avec autrui, de nos actes, car « la manifestation de la grandeur sur un monde comme Urantia, c’est la démonstration du contrôle de soi ». [LU 28:6.20]. Or, dans le grand univers, la grandeur est associée à la bonté.
Il ne suffit pas de lire. Et si l’on nous demande, par l’étude de ces enseignements, un effort intellectuel intense (parce que nous sommes sans doute en retard, à ce niveau par rapport à notre niveau matériel…), il nous faut essayer de travailler sur nous-même pour nous changer et nous améliorer.
La vraie religion ne se nourrit pas de sensationnel. Elle est surtout intérieure. Elle est alimentée par l’Esprit qui cherche à se manifester en nous.
Ceux qui ont reçu et reconnu la présence intérieure de Dieu sont nés de l’Esprit. « Vous êtes le temple de Dieu, et l’esprit de Dieu habite en vous. » Il ne suffit pas que cet esprit soit répandu sur vous ; il faut que l’Esprit divin domine et contrôle toutes les phases de l’expérience humaine. LU 34:6.7
Chez tout mortel, il existe une nature duelle : l’héritage des tendances animales et l’impulsion élevée des dons spirituels. Durant votre courte vie sur Urantia, il est rare que ces deux incitations différentes et opposées puissent être pleinement conciliées ; il n’est guère possible de les harmoniser et de les unifier. Mais, durant toute votre vie, l’Esprit conjugué s’efforce toujours de vous aider à soumettre de plus en plus la chair aux directives de l’Esprit. LU 34:6.9
La maîtrise de notre psychisme instable et de nos tendances contradictoires, ainsi d’ailleurs que le dépassement de notre éducation humaine, la victoire sur nos égoïsmes et aussi sur les préjugés extérieurs est une longue lutte pour unifier notre moi et le reconstruire autour de l’idée inspirée que nous sommes Fils ou Filles de Dieu et qu’il nous appartient de nous recréer de l’intérieur afin que vive en nous l’Esprit.
La possibilité d’unifier le moi en évolution est inhérente aux qualités de ses facteurs constitutifs qui sont : les énergies de base, les tissus essentiels, le super contrôle chimique fondamental, les idées suprêmes, les mobiles suprêmes, les buts suprêmes et le divin esprit d’effusion du Paradis — le secret de la conscience de soi de la nature spirituelle de l’homme.
Le dessein de l’évolution cosmique est d’atteindre l’unité de la personnalité par une maîtrise croissante de l’esprit, par une réponse volitive aux enseignements et aux directives de l’Ajusteur de Pensée. La personnalité, tant humaine que suprahumaine, est caractérisée par une qualité cosmique inhérente que l’on pourrait appeler « l’évolution de la maîtrise », l’expansion du contrôle à la fois de soi-même et de son environnement. LU 112:2.14-15
D’autre part, le franchissement des cercles psychiques paraît avoir un rapport étroit avec la maîtrise de l’individu et l’imprégnation dans sa vie de valeurs de plus en plus morontielles. L’arrivée d’un Gardien séraphique personnel « double » en quelque sorte l’influence spirituelle. Il semblerait que la vie spirituelle d’un être humain puisse alors évoluer de deux façons complémentaires. D’une part la foi, sous l’influence de l’Ajusteur, don du Père. D’autre part, l’exercice de la maîtrise, l’unification du moi dans l’expérience quotidienne. « La maîtrise des cercles cosmiques est liée à la croissance quantitative de l’âme morontielle, à la compréhension des significations suprême » LU 110:6.19.
Ces franchissements de cercles n’ont que des rapports relatifs avec le fait d’avoir conscience de Dieu. Celui qui est dans le septième ou sixième cercle peut connaître Dieu avoir conscience de sa filiation presque aussi bien que celui qui est dans le second ou le premier cercle, mais les êtres des cercles inférieurs sont beaucoup moins conscients de leur relation expérientielle avec l’Être Suprême, de leur citoyenneté universelle. Le franchissement de ces cercles cosmiques fera partie de l’expérience des ascendeurs sur les mondes des maisons s’ils ne réussissent pas cet accomplissement avant la mort naturelle. LU 110:6.16
En ce qui concerne les différences d’approches religieuses entre l’Occident et l’Orient, il me semble (mais cela n’engage que moi) qu’elles sont dues à des évolutions et révélations de diverses époques, dans l’histoire d’Urantia. L’Orient très marqué par l’influence des missionnaires de Machiventa Melchizédek, a développé des religions évolutionnaires plus méditatives, plus tournées vers l’introspection, souvent enfermées dans des écoles où l’enseignement se transmet de maîtres à élèves. L’Occident chrétien aurait par contraste suivi Jésus sur le chemin qu’il a tracé pour la Révélation du Père et l’idée de la filiation directe avec Dieu. Pour beaucoup de Chrétiens, la foi seule compte avec le Service. Pour certains Orientaux évolués, la foi est souvent assimilée à la croyance et ne suffit en aucun cas à faire progresser l’individu. Il leur faut changer, se connaître, devenir un autre et avoir un contrôle de soi beaucoup plus élaboré que ce qui est demandé dans le christianisme en général.
De toute façon, à l’intérieur d’une même religion, il y a eu de tous temps, des Ordres tournés vers la vie sociale, l’aide aux pauvres, les conversions et des Ordres monastiques ou ésotériques se consacrant à la contemplation, et à la connaissance. Deux façons humaines d’approcher Dieu, l’une s’appuyant sur la foi et la bonté, l’autre sur la transformation de l’individu et la connaissance du monde qui serait plus proche d’un travail sur la relation avec le Suprême.
Bien sûr, ces chemins vont au même endroit et si on les observait d’en haut, on verrait que s’ils avancent parfois en parallèles, ils se croisent et se recroisent aussi souvent.
Quoi qu’il en soit, les fascicules et notre travail personnel nous permettent de dépasser ces préjugés. Nous devons faire avec ce que nous avons, essayer de nous unifier le plus possible afin de participer à cette immense aventure.
Les luttes spirituelles du temps et de l’espace concernent l’évolution de la maîtrise de l’esprit sur la matière par la médiation du mental (personnel)… L’évolution totale de l’ensemble du grand univers est une affaire d’unification par la personnalité, du mental contrôlant l’énergie, avec l’intellect coordonné par l’esprit ; elle sera révélée dans la pleine apparition du pouvoir toutpuissant du Suprême. LU 116:5.15
Anne-Marie Ronfet
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