1. Il incombait aux anciens poètes arabes de commencer leurs compositions par une complainte sur le départ d’une belle bien-aimée, tout comme il était autrefois de mode chez les poètes européens d’affecter, dans leurs chansons, leurs sonnets, etc., une passion dévorante pour une belle dame réelle ou imaginaire. Ainsi, Pétrarque avait sa Laure ; Dante sa Béatrice ; Surrey sa Géraldine ; Lovelace son Althéa et son Lucasta ; Waller sa Sacharissa. Mais parmi les Arabes du désert, il y avait souvent de bonnes raisons pour des lamentations aussi lugubres que celles par lesquelles commencent habituellement leurs poèmes. Les jeunes gens tombaient amoureux des demoiselles d’une tribu stationnée dans le voisinage de leurs propres tentes ; et quand enfin les deux tribus se séparèrent pour chercher « de nouveaux champs et de nouveaux pâturages », la détresse des jeunes abandonnés à la vue des litières de chameaux emportant leurs bien-aimées trouva souvent son expression dans des vers tels que celui-ci (traduit par M. Payne), qui sont cités dans les « Mille et une nuits » :
Lorsqu’ils montent leurs chamelles juste avant le lever du jour,
Et les mâles se précipitent avec l’ardeur du désir,
Et mes yeux perçoivent mon bien-aimé à travers les fissures du mur,
Je m’exclame avec les paupières humides et un cœur d’amour en feu,
« Tourne-toi, toi le chef des chameaux, laisse-moi dire adieu à mon amour ! »
En son absence et son abandon la vie et l’espoir en moi expirent.
Jamais, jamais je n’ai rompu ma foi et promis mon amour avec elle :
Oh, quelle foi ! J’aimerais savoir qu’elle a gardé sa foi entière !
vv. 6-8. En signe d’hospitalité, les Arabes du désert avaient l’habitude d’allumer des feux la nuit au sommet [402] des collines, qui guidaient les voyageurs en retard vers leurs tentes et leur assuraient un accueil chaleureux. Un feu de ce genre était appelé « le feu de l’hospitalité », et plus il était grand et brillant, plus grand était l’honneur reflété sur celui qui l’allumait. Ainsi, Hareth, au v. 7, loue Hinda pour sa disposition hospitalière, en allumant un tel feu sur les collines qu’il « brillait comme la splendeur du soleil ». — El-Khansā, la célèbre poétesse de la tribu de Sulaim (qui fut l’une des premières converties à l’islam et très estimée par le Prophète), loue ainsi l’hospitalité de son frère :
Sakhrā est un phare pour les chefs des caravanes,
Comme s’il était une montagne couronnée de feu.
Et El-Būsīrī, dans le v. 88 de son Poème du Manteau, dit que les miracles accomplis par le Prophète étaient « aussi manifestes que l’est la visibilité du feu de l’hospitalité la nuit au sommet de la montagne. »
v. 19. « Dès que l’aube apparut. » Le petit matin était le moment où une tribu hostile était généralement attaquée et pillée. Le prince Malik perdit la vie dans l’un de ces raids matinaux, lorsque son cortège nuptial fut attaqué par Hodifah et ses proches : voir pp. 289, 290 ; voir aussi le Mo’all. de Zohair, v. 6 et Note, et le Mo’all. d’Antara, v. 2.
versets 21-26.
Oh toi, l’orneur du récit d’un calomniateur,
Que peuvent faire prévaloir tes mensonges à la cour d’Amru ?
Ne pense pas que ton mensonge verni puisse faire plus
Que des hôtes envieux ont vainement essayé avant.
Nous avons toujours prospéré, malgré le but de la calomnie,
Tandis que la gloire couronnait nos halètements après la renommée ;
Depuis longtemps les tribus, à travers les ombres de l’envie de la nuit,
Vu et ébloui par la lumière de notre gloire.
Le destin a fixé notre siège sur un rocher élevé,
Là où le soleil se couche et d’où les nuages se retirent;
Sa base est ferme, son sommet cherche les cieux,
Surplombe la tempête et défie toute sa rage. — Ret. Rev.
[p. 403]
vv. 25, 26. Le « rocher sombre » est la gloire et le grand nom de la tribu, dit M. Lyall, dans une note sur les vers parallèles suivants, tirés du chant fougueux de ‘Abd-el-Melik, fils de ‘Abd-er-Rahīm, des Benu-d-Dayyān (« Chants du Hamāseh, » etc.) :
Une montagne que nous avons où habite celui que nous y abritons,
élevé, devant la hauteur duquel l’œil retombe émoussé :
Ses racines sont profondes sous terre, et au-dessus s’élèvent
son sommet jusqu’aux étoiles du ciel où aucun homme n’atteint.
Dans la même note, M. Lyall traduit ainsi les vv. 23-26 :
Et nous avons résisté, malgré leur haine et leurs hautes tours
et la gloire solidement ancrée nous élève dans les hauteurs;
Avant aujourd’hui, il avait aveuglé les yeux
des hommes dans lesquels il y avait la colère et le déni.
Comme si les Parques qui s’acharnaient contre nous se rencontraient
une montagne noire fendant les nuages les plus hauts,
Puissant et fort au-dessus des changements des choses,
qu’aucun choc des Jours ne peut adoucir ou ébranler.
Dans le deuxième hémistiche du dernier verset, comme ci-dessus, nous trouvons « Jours » employés pour « batailles » comme dans le v. 26 du Mo’all d’Amru, sur lequel voir Note.
v. 30. « Cachant la haine dans nos cœurs, comme la paille est cachée dans la paupière fermée » — irritant, bien qu’invisible.
v 34. « Le mois sacré » : voir note sur le v. 3, Lebīd.
v. 37. Al Mondar, fils d’Amriolkais, fils de Numan, et de Maiwiah, fille d’Aus, dame d’une beauté si transcendante qu’on l’appelait Maissamai, c’est-à-dire « eau du ciel », gouverna après son père à Hîra. De sa mère, lui et sa postérité furent également surnommés Al Mondar Ebn Maissamai, appellation qu’ils avaient en commun avec les rois de Ghassan, selon Al Jauharius. Car ces derniers princes furent ainsi nommés d’après Abu Amer, de la tribu d’Azd, père d’Amru Mazikia, qui, par sa générosité et sa bienfaisance surprenantes, suppléa au manque de pluie, fournissant à son peuple du blé lorsqu’une sécheresse extrême l’avait rendu si cher qu’il était incapable de l’acheter. Ce prince fut déposé par [p. 404] Khosru Kobad, roi de Perse. — Histoire universelle ancienne, vol. xviii., p. 432.
v. 38. « Le jour de Hayarin » : voir note sur les vv. 25, 26.
v. 42. « Contrats écrits sur des tablettes » : voir note sur le v. 8, Mo’all de Lebīd.
v. 58. « Dont le sang a coulé sans vengeance » – une insulte amère : cela signifie que les Taglebites n’avaient pas le courage, ni le pouvoir, d’exiger du sang pour celui de leurs proches tués. Cependant, malgré leur esprit de vengeance, les anciens Arabes avaient la possibilité de faire payer au plus proche parent de l’homme assassiné (appelé le « vengeur du sang ») un compromis avec le meurtrier ou sa famille en acceptant dix chameaux en guise de compensation pour le sang de son proche. Le Prophète élevait la somme à cent chameaux.
v. 64. « La vapeur étouffante de midi augmentait leur magnitude » : c’est-à-dire le mirage : voir note sur le v. 15, Mo’all de Lebīd.
v. 77. « Une saison printanière de bienfaisance dans chaque année stérile » : voir v. 88, Lebīd’s Mo’all. et Note.
V. 79. Amrio’l Kais était le nom de plusieurs des princes de Hira, qui étaient sous la protection des rois de Perse, dont ils étaient les lieutenants auprès des Arabes d’Irâk. Il ne ressort pas de la liste du Dr Pocock de laquelle il s’agit ici. Le royaume de Hira fut fondé par Malek, descendant de Cahlan, fils du célèbre Abd-Shems, surnommé Saba, prince d’El-Yémen : voir note sur le v. 14 du « Lai des Himyarites », p. 352.
v. 80. Mondir, roi de Ghassan. Le royaume de Ghassan, comme celui de Hîra, doit son origine à l’inondation d’El-Arem, voir note, v. 14, p. 352. El-Mondar, ou Mundhir, était le nom général des princes de ce royaume, ainsi que de ceux de Hira. Les rois de Ghassan étaient les lieutenants des empereurs romains sur les Arabes de Syrie. Peut-être le 27e du catalogue du Dr Pocock est-il le prince mentionné ici.
v. 82. Les fils d’Aus : une tribu descendant de Cahlan, fils d’Abd-Shems du Yémen.